Une application arithmétique et indifférenciée des dispositions de la loi Climat sur l’artificialisation des sols conduit la France dans un mur en 2030. Pour le prouver, l’Union nationale des aménageurs (Unam) et la fédération nationale des schémas de cohérence territoriale (FN Scot) ont confié une étude au géographe Samuel Deprez.
Preuve par l’absurde
En jouant sur différents paramètres de densité, le simulateur issu de ce travail intègre les données foncières fournies par l’Etat, les projections démographiques à l’horizon 2030 et l’objectif de sobriété foncière posé par la loi Climat et résilience - réduire de moitié la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) entre la décennie 2020 et la suivante.
Cette moulinette aboutit à un résultat sans appel : avec 20 logements par hectare, la France peut satisfaire le législateur dans 57 % du territoire où vit 30 % de sa population. La carte qui en résulte pointe en zone rouge les littoraux et les régions métropolitaines. « Encore ce simulateur ne s’intéresse-t-il qu’à l’habitat, en excluant les autres facteurs de l’artificialisation », souligne Stella Gass, directrice de la FN Scot.
Enrichir les sols
Dès lors, faut-il sur-densifier au moment où les français plébiscitent les espaces verts, quitte à fragiliser l’acceptabilité des constructions ? Ou basculer les projets vers les secteurs ruraux de l’hexagone, au risque de les mettre en difficulté ? « En fait, 2030 est un leurre, car la consommation d’Enaf ne parle pas de nature, ni même d’artificialisation. Elle ignore les fonctions écosystémiques et climatiques du sol », tranche Nicolas Thouvenin, délégué général de l’Unam.
Ces fonctions écosystémiques, les aménageurs se font fort de les développer dans leurs projets. La soixantaine d’écoquartiers auxquels contribuent les membres de l’Unam vient appuyer leur plaidoyer « pour une application intelligente de l’objectif », selon l’expression de leur président François Rieussec. Il milite pour recentrer le débat autour d’une dynamique partenariale qui se traduirait dans des conventions locales de sobriété foncière.
Syndics de mobilité
La chasse à la seconde voiture, dans des quartiers multifonctionnels aux franges des métropoles, fait partie des pistes de réflexion poussées par le président de l’Unam, défenseur du concept émergeant de syndics de mobilité : l’adhésion des copropriétaires financerait des services d’autopartage et de vélos en libre accès, libérant l’espace pour des aménagements paysagers et des productions vivrières, avec des densités d’habitation beaucoup plus importantes que celles des lotissements traditionnels.
« Il est encore tôt pour en parler, mais plusieurs projets, en phase de montage, appliqueront ce principe », annonce François Rieussec.