Aucun outil national de mesure de l’artificialisation des sols n’en donne à ce jour une représentation à l’échelle infra-parcellaire. Ce constat guide le chantier de l’occupation du sol à grande échelle (OCS-GE).
Maître d’ouvrage à travers les ministères de la Transition écologique (MTE) et de l’Agriculture, l'Etat mobilise une maîtrise d’œuvre tricéphale, composée de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et environnement (Inrae), du Centre d’études et d’expertise sur l’environnement, les risques, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et de l’Institut national de l’information géographique (IGN).
Au service des planificateurs locaux
En posant le principe de la territorialisation de la réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf), la loi Climat et résilience du 22 août 2021 a mis en évidence la nécessité d’un système de mesure utilisable par les maîtres d’ouvrage des schémas de cohérence territoriale (Scot) et des plans locaux d’urbanisme (PLU) : un service que n’offrent ni la base de données géographiques européenne Corine Land Cover, ni l’enquête statistique Teruti Lucas.
« Les petits lotissements échappent à la maille de 25 hectares de Corine Land Cover, outil dimensionné à l’échelle de l’Europe ; les informations produites par Teruti Lucas proviennent essentiellement d’une enquête statistique, utilisable seulement jusqu’à l’échelle départementale », diagnostique Pascal Lory, conseiller Information géographique et spatiale à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) du MTE.
Bond technologique
Certes, l’exploitation des fichiers fonciers, privilégiée jusqu’ici par le Cerema, permet d’approcher l’échelle de la parcelle, mais avec deux biais de taille : d’une part, les propriétés sont caractérisées par leur occupation dominante, ce qui ne permet pas d’identifier des sous-ensembles qui n’y correspondent pas ; d’autre part, les 4 % non cadastrés du territoire – par exemple les routes, les cours d’eau ou les bâtiments publics - échappent à l’analyse.
Pour franchir une nouvelle étape dans la mesure de l’artificialisation des sols à l’échelle nationale, le MTE profite du balayage triennal du territoire français par les photographies aériennes réalisées par l’IGN. Les pixels de 20 cm2 donnent une vision du territoire incomparable par la finesse. Mais pour gagner en rapidité et en coût de production, l’OCS-GE passe par les algorithmes : à partir d’informations géographiques d’apprentissage précises, les logiciels de deep learning offrent une description du territoire sous forme de couverture des sols.
Test du Gers en 2022
Non contents de ce bond technologique, l’OCS-GE croise les informations sur l’occupation avec celles qui concernent les usages du sol, qui, comme le souligne Pascal Lory, « ne se voient pas bien d’avion ». Cet enrichissement résulte de l’exploitation des fichiers fonciers de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), un outil qui distingue les terrains à vocation industrielle, tertiaire ou résidentielle, qu’ils proviennent du registre parcellaire graphique (RPG) du ministère de l’Agriculture ou d’autres bases de données.
Dès l’été 2021, le périmètre du schéma de cohérence territoriale du bassin d’Arcachon (Gironde) a servi de premier test de faisabilité pour l’OCS-GE. Avant le déploiement national espéré pour 2024, le Gers offrira dès début 2022 une première expérimentation départementale. Les protagonistes de l’observatoire ont pu vérifier la forte attente de ce territoire, après avoir travaillé « main dans la main avec le Scot de Gascogne, les services déconcentrés de l’Etat et l’Agence d’urbanisme de Toulouse », comme le souligne Pascal Lory.
Préparer le second temps de la loi Climat
Au-delà des révisions de Scot et de PLU imposées avant 2026 et 2027, le nouvel outil prépare les territoires à se projeter dans le second temps de la loi Climat, entre 2031 et 2050 : après la réduction de moitié de la consommation d’Enaf pour la décennie 2021-2031, l’évaluation des progrès vers le Zéro artificialisation nette passera par les métriques de l’OCS-GE.
L'outil donnera alors toute leur portée aux débats parlementaires du printemps et de l’été 2021 qui ont affiné les définitions, en donnant leur place aux espaces verts urbains et aux chantiers de désartificialisation, dans la comptabilité écologique de l’économie foncière.