Pourquoi faire un choix quand on peut tout avoir ? A la fois l’ombre et la lumière, la rigueur et la souplesse, le plein et le vide... Voilà en substance le propos tenu par l’architecte danois Bjarke Ingels quand il parle du pavillon d’été que son agence BIG a conçu pour la Serpentine Gallery, à Londres. Depuis 2000, c’est en effet devenu une tradition : l’institution culturelle invite un architecte qui n’a jusqu’alors jamais achevé de bâtiment permanent sur le sol de Grande-Bretagne à installer une architecture temporaire sur les pelouses de Kensington Gardens. Cette 16e édition de la manifestation, qui ouvre le 10 juin et se poursuivra jusqu’au 9 octobre, est l’occasion d’une nouveauté : au pavillon principal viennent s’ajouter quatre « Maisons d’été », plus petites et conçues par des architectes venus d’horizons divers comme le jeune Britannique Asif Kahn ou le doyen, le Franco-hongrois Yona Friedman, 93 ans.
Depuis seize ans, de grands noms se sont déjà frottés à l’exercice proposé par la Serpentine, tels Koolhaas ou Nouvel. Après la bulle blanche du premier et les pans de mur rouges du second, Bjarke Ingels a donc, lui, opté pour un sculptural tas de briques. A ceci près que celles-ci sont creuses. Cet empilement de cubes en fibres de verre crée donc un volume à la fois ouvert et fermé. Et ce caractère dual s’exprime dans la silhouette même du pavillon, qui joue l’équilibre entre courbe et ligne droite.

Doté d’un sens aigu de la formule, le journaliste Oliver Wainwright qui tient la rubrique architecture du quotidien britannique « The Guardian » y voit d’ailleurs « d’un côté, (…) un mur qui a profité d’un bon repas ». Un embonpoint qui évoque au chroniqueur « un serpent qui aurait dévoré ses proies habituées à courir les galeries »… On ne serait donc pas très loin du boa digérant son éléphant, cher à Antoine de Saint-Exupéry. Mais à cet estomac bien rempli répond une paroi « prise dans une bourrasque, un rideau pixellisé ondulant dans le vent ».
Par ce jeu des contraires, Bjarke Ingels semble donc faire une démonstration de son brio. A point nommé sans doute pour séduire le public anglais. En effet, le « Guardian » précise que le charismatique architecte, qui à 41 ans semble accumuler les succès insolents, ouvre dans le même temps le bureau londonien de son agence.