SEM contrat : passer de la défiance à la confiance entre personnes publiques et privées

Point de vue -

La SEM contrat permettrait aux collectivités locales de lancer un appel d’offres pour le choix d’un partenaire privé, afin de mener un projet exclusif dans le cadre d’une SEM. A condition, toutefois, que la proposition de loi visant à créer ce nouvel outil parvienne jusqu’au vote final, malgré les réticences du gouvernement ! Jean-Marc Peyrical, avocat et président de l’Association pour l’achat dans les services publics (Apasp), défend ardemment ce procédé de nature à mettre en place une gouvernance partagée et à revaloriser le rôle de la personne publique dans les contrats longs de type PPP.

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Jean-Marc Peyrical, président de l'Apasp

Aux dernières nouvelles, il semble que la survie de la proposition de loi relative aux SEM contrat (devenues SEM à opération unique après examen du projet par la commission des lois du Sénat le 4 décembre dernier (1)) soit plus qu’incertaine, le gouvernement paraissant être réservé, voire hostile, à lui donner une suite concrète.

Cela est bien dommage, dès lors que ce nouvel élément de la boîte à outils des collectivités publiques pour la gestion de leurs activités aurait pu permettre de raffermir les liens entre les signataires de contrats publics tels que les contrats de partenariat (mais aussi les conventions de délégation de service public, les concessions d’aménagement voire certains marchés publics).

Expliquons-nous. Schématiquement, si on se rapporte tant à la proposition de loi qu’aux positions de la Commission européenne (communication du 5 février 2008), de la Cour de justice de l’UE (arrêt « Acoset SPA » du 15 octobre 2009, C-196/08) et du Conseil d’Etat (avis publié dans son rapport annuel 2010), ce procédé de la SEM contrat – ou du partenariat public-privé institutionnalisé (PPPI) – repose sur une mise en concurrence de candidats potentiels à l’attribution d’un contrat, l’attributaire pressenti devant obligatoirement intégrer une société d’économie mixte créée dans le même temps par la collectivité publique qui a lancé la procédure.

Ainsi, ce n’est pas l’entreprise vainqueur de cette procédure qui va elle-même exécuter le contrat pour lequel elle a pourtant été choisie, mais une entité mixte uniquement créée pour cette mission.

Un actionnaire privé prépondérant

Si la proposition de loi prévoit plusieurs cas de figure en la matière, le Conseil d’Etat, dans son avis précité, semblait pencher pour une structure mixte au sein de laquelle l’entité privée aurait détenu la majorité du capital. Ce qui est au demeurant logique, puisque c’est cette dernière qui a été mise en concurrence et qui a donc été désignée pour exécuter le contrat. Si ce contrat l’est en réalité par une structure mixte où l’entreprise privée ne détient qu’une part minoritaire, on peut s’interroger dans ce cas sur le caractère réel de la mise en concurrence.

Toujours est-il que cette idée d’une SEM à capitaux privés n’est pas inintéressante, d’abord du point de vue de l’entreprise qui ne pourra plus être dans ce cas – comme trop souvent - un actionnaire dormant. Elle sera nécessairement un actionnaire prépondérant, qui fera ainsi bénéficier la structure de son dynamisme et de son savoir-faire.

La personne publique mieux informée

Mais l’intérêt est palpable aussi du côté de la personne publique actionnaire. L’avantage de détenir une partie – au moins une minorité de blocage – du capital de l’entité mixte lui permet pour le moins d’être informée des décisions et des modalités de fonctionnement de cette dernière. Il peut s’agir ici d’un remède particulièrement efficace aux maux régulièrement dénoncés par les collectivités publiques, concernant le manque de transparence des titulaires de leurs contrats et la quasi-inutilité des rapports d’activité annuels, rapports le plus souvent inexploités et inexploitables…

Quoi de mieux que d’être à l’intérieur de la structure, d’être intégré à ses centres principaux de direction pour en assurer un contrôle minimal, et à tout le moins savoir ce qui s’y passe ? Et puis, détenir un droit de blocage peut se révéler très utile dans certains cas, comme celui de l’évolution du capital de la structure. Imaginons par exemple une entrée éventuelle au sein de cette dernière d’acteurs étrangers, chinois ou Qatari  par exemple… et que cette arrivée n’enchante pas la personne publique : elle pourra alors manifester son désaccord en bloquant toute possibilité.

Un tel mécanisme permettrait de revaloriser le rôle des collectivités publiques et de ses acteurs tant élus que fonctionnaires dans les contrats de partenariat, où leur positionnement de locataire ne leur permet pas de peser sur la gouvernance du projet et donc l’exécution du contrat ; et ne leur donne aucune prise sur les relations entre les différentes parties constituant l’équipe (sous forme de société projet ou non) titulaire du contrat, notamment pendant la phase maintenance et gros entretien.

Pendant cette phase, la personne publique ne pèse pas vraiment sur le titulaire du contrat, dès lors qu’elle est sensée récupérer un ouvrage en parfait état en fin de contrat le tout sans ajustement du prix – du loyer – initialement défini. Et ce ne sont pas les pénalités prévues par le contrat – le plus souvent modérées et fortement plafonnées, sans quoi les banques empêcheraient la signature du contrat – qui sont à même de leur donner les moyens de maîtriser la bonne exécution des opérations de maintenance et de grosses réparations.

Concrètement, par exemple, - et cela vaut pour bien d’autres contrats,- on sait qu’il est difficile de bien contrôler l’utilisation du R2 par les entreprises (2) et donc des sommes provisionnées pour les grosses réparations et les renouvellements. Comment la personne publique peut-elle être certaine de ne pas payer deux fois telle ou telle partie d’ouvrage et d’équipement ? Il est évident qu’un tel contrôle ne pourra qu’être facilité si la personne publique participe directement à la vie de la société.

Faciliter la procédure de choix du titulaire

La SEM contrat permettrait ainsi de mettre en place les modalités d’une gouvernance partagée, ce qui est plutôt défendable s’agissant de contrats de longue durée relatifs à des équipements construits pour les besoins des personnes publiques et qui plus est souvent en fait en partie prie financés par elles, voire par d’autres structures publiques via le procédé des subventions.

De même, le fait d’être des partenaires de longue durée, non seulement sur le plan contractuel mais aussi structurel, permettrait peut-être de faciliter certaines phases de la procédure de choix du titulaire et notamment celle relative à la mise au point du futur contrat, mise au point qui conduit bien trop souvent à une renégociation de tout ou partie dudit contrat qui est pourtant passé sous les fourches caudines du dialogue compétitif… et cette phase se trouverait d’autant plus assouplie que ce n’est pas l’entreprise lauréate de la procédure de mise en concurrence qui le signerait mais la structure mixte, ce qui serait à même de modifier la donne à ce niveau comme à d’autres.

(1) La proposition de loi sera examinée en séance publique au Sénat le 11 décembre 2013.

(2) La rémunération du partenaire privé se compose de trois parties : le R1 (correspondant aux coûts d'investissement), le R2 (correspondant aux coûts de maintenance et d’exploitation) et le R3 (correspondant aux coûts de financement).

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