Pour se passer du nucléaire en 2050, l'association négaWatt envisage une multiplication par 20 de la puissance du parc éolien installé, ou par plus de 30 de l'utilisation du Biogaz. Mais, pour imaginer d'ici quatre décennies un mix énergétique français sans uranium, et ce alors que la population française devrait avoir augmenté de 7 millions, les experts de négaWatt envisagent avant tout une réduction de plus de 60 % de la consommation énergétique finale des bâtiments résidentiels et tertiaires.
Pour y arriver, l'association souligne qu'il est indispensable que la surface moyenne des nouveaux logements se stabilise, que l'habitat en petit collectif se développe, et que dans le tertiaire la croissance des surfaces se ralentisse sensiblement.

Ainsi, contrairement à l'Insee qui prévoit qu'en 2050 le nombre moyen d'occupants par logement diminue, - passant de 2,2 à 2,01 personnes/logement - négaWatt envisage que l'évolution des pratiques (cohabitation chez les célibataires, cohabitation étudiant-retraité...) fasse monter le nombre à 2,25 personnes par logement. La différence entre les deux scénarii représente un écart de 3 millions de logements.
Philippe Quirion, économiste de l'environnement, chargé de recherche au CNRS et membre de l'association Négawatt estime que, par rapport au scénario tendanciel (évolution qui découlerait des tendances actuelles), le scénario Négawatt présenterait, en 2030, environ 400 000 équivalents temps plein de moins dans le secteur de la construction neuve.
Un million de rénovations chaque année
Mais la clé du scénario est la mise en place d'une obligation de rénovations, permettant d'atteindre un rythme de plus d'un million de logements annuels à partir de 2022. A titre de comparaison, pour l'année 2012, le cap des 200 000 rénovations énergétiques n'a pas été franchi, et le gouvernement s'est fixé pour objectif d'atteindre le rythme, au plus tard pour la dernière année du quinquennat, de 500 000 réhabilitations thermiques.
Techniquement, les maisons individuelles se verraient appliquer une solution technique de référence (STR), directement inspirée de la solution technique universelle établie par Olivier Sidler, directeur du bureau d'études Enertech. Elle consiste à réaliser systématiquement 5 actions :
- Ajouter aux murs et au plancher bas (sur garage ou sur extérieur) une résistance thermique de 4,3 m²K/W ;
- Ajouter en combles ou en toiture une résistance thermique de 7,5 m²K/W ;
- Remplacer les menuiseries par des menuiseries en bois non renforcées munies de triple vitrage peu émissif avec argon (Uw <= 1,1 W/m²°C) ;
- Mettre en oeuvre une ventilation double flux avec récupérateur de chaleur d'une efficacité minimale de 70 % ;
- Utiliser pour la production de chaleur soit une chaudière gaz à condensation, soit une chaudière fioul à haut rendement, soit une pompe à chaleur
Ce plan massif de réhabilitation thermique générerait, en 2030, près de 500 000 emplois supplémentaires (emplois directs/ouvriers sur les chantiers et indirects/fonctionnaires dans les services d'information du public) par rapport au scénario tendanciel.
500 000 emplois induits supplémentaires
Au total, en tenant compte de l'ensemble des 118 activités impactées (de l'infrastructure routière à la turbine d'éolienne), Philippe Quirion considère que le solde d'emplois du scénario négaWatt par rapport au scénario tendanciel est positif. En terme d'emploi directs et indirects, le scénario négaWatt présenterait, selon lui, en 2030, une centaine de milliers d'équivalents temps plein de plus que le tendanciel. Mais, « coûtant moins cher que le tendanciel », il donnerait surtout aux ménages un plus grand pouvoir d'achat, ce qui induirait plus de 500 000 autres emplois supplémentaires à la même date.

Le 4 Avril,Thierry Salomon, président de l'association négaWatt présentera ce scénario de sortie du nucléaire, dans le cadre du débat sur la transition énergétique, discussion qui doit conduire à une loi de programmation en octobre. Reste à savoir si le gouvernement sera sensible à un argumentaire qui se base sur un solde d'emplois positif en 2030, soit d'ici plus de 15 ans... autrement dit le temps de trois mandats présidentiels.