Les Romains avaient repéré les lieux. Lorsqu'ils fondent Saragosse en l'an 14 avant J.-C., ils comprennent l'importance du site baigné par l'Ebre et le parti qu'ils peuvent en tirer en alimentant par canaux d'irrigation, à partir de la rivière, les terres fertiles alentours. Dans ce méandre, à l'entrée ouest de la ville, on cultivait encore les fruits et les légumes, à partir d'une trame fine de canaux et de champs, lorsque le site a été choisi pour accueillir en 2009 Expoagua, exposition internationale consacrée à l'eau et au développement durable.
Saragosse, ville de 700 000 habitants en pleine expansion, située à mi-chemin entre Madrid et Barcelone, savait alors qu'elle accueillerait début 2008 le TGV reliant les deux métropoles. D'emblée, l'exposition internationale a donc été saisie comme une opportunité, d'une part pour créer un nouveau quartier d'activité qui succédera aux pavillons d'exposition une fois celle-ci fermée, d'autre part pour revaloriser les bords d'un fleuve auquel la ville tournait le dos. Le projet Rives de l'Ebre avait déjà permis l'aménagement, dans les années 2000, d'une succession de promenades et d'espaces publics en bord de rivière. Ils ont donc été complétés par l'aménagement d'un grand parc urbain sur la rive nord pour toute l'agglomération.
La paysagiste française Christine Dalnoky est la lauréate du concours de conception lancé en 2004. Elle propose un parc dessiné à partir des lignes de force existantes : la trame des canaux d'irrigation, celle des champs, qui deviennent des jardins, la végétation de bords de fleuve, enfin, qui est renforcée. « Compte tenu de la grande dimension du parc et du temps très court pour mener à bien sa réalisation, nous n'avons pas travaillé sur le détail mais plutôt sur les horizons, sur les échelles et sur le parcours de l'eau, qui est le thème de l'exposition. Ce parc se veut un hommage à l'agriculture irriguée et au paysage qu'elle a créé pendant des siècles sur ce sol très fertile », dit Christine Dalnoky.
La structure la plus visible du parc est donnée par le système hydraulique mis en place, d'une longueur de 5 km, qui profite d'une nappe phréatique peu profonde et donc facilement accessible. Le système se compose d'un réservoir principal, grand bassin de 500 m de longueur sur 20 m de large situé à l'est du parc, au contact des nouveaux quartiers de la ville. Un canal majeur part de ce point, à la perpendiculaire, pour alimenter à son tour trois autres canaux qui irriguent l'intérieur du méandre. Ces canaux se déversent enfin dans trois plans d'eau d'un hectare réservés à la baignade. L'eau traverse donc tout le parc en étant épurée écologiquement par des plantes. Sur les trois bandes de terre délimitées par les canaux se développent, en lieu et place des anciens champs, des jardins qui montrent toute la variété des espèces pouvant prospérer sous le ciel d'Aragon. Un premier jardin est consacré à la végétation locale, constituée d'essences adaptées aux milieux humides comme aux milieux secs. Un deuxième présente les produits des cultures, des oliviers aux légumes en passant par les fleurs. Le troisième est un jardin exotique qui rassemble tout les végétaux pouvant pousser sous le climat local : palmiers, bambous. En périphérie du parc, toute la rive de l'Ebre non protégée par la digue est largement plantée d'arbres aux feuillages argentés (saule blanc, tamaris.), rappel de la forêt originelle. qui a précédé l'agriculture.






