« Les négociations annuelles obligatoires constituent une sorte de cercle infernal : à peine en a-t-on achevé une qu’il faut embrayer sur la suivante ! », s’exclame Thierry Lassalle, DRH groupe d’Artelia. La société d’ingénierie vient de conclure un nouvel accord triennal sur sa politique salariale qui couvrira la période 2024-2026. Une méthode initiée par le groupe en 2018 dans le sillage de l’entrée en vigueur d’une des ordonnances « Macron », qui autorise dans certains cas à négocier sur une période supérieure à l’année.
Atterrissage dans le temps du niveau de l’inflation
L’enjeu de cet engagement budgétaire sur trois ans ? « Offrir de la visibilité à nos collaborateurs sur notre politique salariale, tout en la connectant au mieux à notre stratégie d’entreprise et notamment à notre croissance -externe comme organique-, explique Catherine Baldassare, DRH France et DRH adjointe d’Artelia. Rares sont d’ailleurs les entreprises de Syntec-Ingénierie à avoir adopté ce mode de négociation. »
Le groupe prévoit une croissance de 10, 5 % de sa masse salariale au cours des trois prochaines années. Ce pourcentage cible s’accompagne d’un échéancier de référence fixant le pourcentage d'augmentations global pour chaque année : 4 % au titre de 2024, 3,5 % pour 2025, et 2,7 % en 2026. « Nous avons fait le pari d’un atterrissage dans le temps du niveau de l’inflation, en misant cette année sur le même pourcentage qu’en 2023 malgré la baisse de l’indice des prix, afin de donner un signal fort à nos collaborateurs car nous sortons à peine de la période de tension », commente Thierry Lassalle. Une répartition chiffrée « audible par la CGT et la CFDT » - qui ont toutes deux apposé leur paraphe sur l’accord.
Clause de révision
« Ces données ne sont pas pour autant figées, rebondit Catherine Baldassare. Le chiffre cible donne un cadre et des repères, mais les pourcentages annuels sont susceptibles d’être révisés à la hausse ou à la baisse en fonction de différents paramètres, et en premier lieu de la conjoncture économique. » Si la situation est demeurée stable au cours de l’application du premier accord triennal, le pourcentage global de revalorisations est passé de 8 % à 11 % au cours de la période 2021-2023. « Nous avions été trop frileux en sortie de covid : nous n’avions pas anticipé une telle reprise de l’activité, et avons dû en outre tenir compte de la hausse de l’inflation », évoque Thierry Lassalle.
« Comme chaque année, au moins 80 % de nos collaborateurs bénéficieront des revalorisations, applicables au 1er mai, annonce le DRH. Avec une attention particulière portée aux salariés qui ont progressé dans l’année, mais aussi aux personnes qui perçoivent les rémunérations les moins élevées. » Il s’agira également d’étudier d’éventuelles situations de décalage entre jeunes arrivés dans l’entreprise et collaborateurs en poste depuis plusieurs années.
Responsabiliser les acteurs du dialogue social dans l’entreprise
L’accord « salaires » d’Artelia s’inscrit au sein d’une cohorte d’accords « allant dans le sens d’un partage de la valeur ajoutée », se félicite Thierry Lassalle. Le groupe s’est engagé, dans le cadre de ses objectifs RSE, à redistribuer un tiers des résultats opérationnels aux collaborateurs. Restauration collective, forfait mobilité durable, épargne salariale ou encore activités sociales et culturelles du CSE… Autant de thèmes qui font également l’objet de négociations triennales « avec des accords distincts, afin d’être en mesure de les faire évoluer chacun sans avoir à toucher à l’ensemble », développe Catherine Baldassare.
Les sommes versées ces trois prochaines années au titre de l’intéressement et de la participation représenteront 10 % de la masse salariale, « réparties selon le temps de présence, ce qui place tous les salariés à égalité », fait valoir la professionnelle des RH. Dans le même ordre d’idées, « notre actionnariat salarié est défini au niveau de l’ensemble du groupe et non de chaque société ».
« Au lieu d’ouvrir chaque année des négociations parfois un peu formelles car elles peuvent nous cantonner à un jeu d’acteurs avec leurs trois réunions et leurs PV, négocier un accord triennal induit une projection et un engagement forts et responsabilise les acteurs du dialogue social dans l’entreprise, analyse Catherine Baldassare avec six ans de recul. Cette méthode amène beaucoup de sérénité dans les relations sociales. »