Régulièrement en crue, la charente scinde depuis toujours la ville de Saintes en deux : le centre-ville sur la rive gauche, les faubourgs sur la rive droite. La place Bassompierre, en balcon sur le fleuve, est un lieu stratégique dans la réunion des deux rives. Consciente de cet enjeu, la municipalité saisit l'opportunité de déplacer le stationnement qui encombre la place pour lancer une consultation à l'été 2003. Les habitants y sont étroitement associés sous la forme de réunions publiques, cet exercice de démocratie participative constituant aux yeux du maire Bernadette Schmitt un gage de réussite pour cet aménagement promis dans son mandat.
Le projet retenu est fondateur pour la ville : par un dispositif simple et à peine perceptible, il donne un rôle actif à l'histoire de Saintes, au paysage de la Charente, et met en continuité rive droite et rive gauche dans un coeur de ville élargi. Le projet vise à faire vivre la place au rythme de ce fleuve mouvant : elle en est le pouls. Au quai arasé (1,50 m) est substituée une berge, au contact de l'eau. En période sèche, chacun peut venir au plus près de l'eau. En période de crues, le fleuve retrouve son méandre originel. A l'articulation de la berge et de la place haute au pied des immeubles, six terrasses édifiées comme des estacades forment autant de belvédères sur le fleuve et la ville. Entre ces terrasses, des descentes en pas d'âne font communiquer la place haute et la berge. Transformée dans sa configuration, la place change aussi dans ses usages. Appropriations spontanées, foires, événements, parvis commerçant : une large gamme d'activités est proposée aux usagers. Dans le socle des terrasses, les « échoppes » composent un réservoir de locaux disponibles. Une passerelle de bois, plane, placée dans l'axe de l'ancien decumanus romain et posée sur flotteurs pour s'élever à la saison des crues, met en contact les deux rives. Elle redonne ainsi à l'arc de Germanicus, qui trône aujourd'hui parmi les voitures, sa vocation d'origine : le passer pour entrer dans la ville.
Le projet met en scène le paysage originel de Saintes en restituant ensuite, dans une démarche de développement durable, un fragment de l'écosystème de la Saintonge. Les franges aquatiques (frênes, saules, vivaces) sur la berge marquent une continuité avec les prairies inondables présentes aux portes de la ville. Elles composent un « cardo » végétal grâce à la percée du pont Palissy. Les franges terrestres sur la place haute (bosquets ombragés) évoquent les coteaux et les brèches des clairières. Enfin, les franges amphibies en vis-à-vis sur la rive gauche sont dédiées à un jardin aquatique, des frayères observables depuis des pontons. Cette proposition simple répond au souhait du conseil municipal des enfants de voir réaliser un musée aquatique.
Par la présence dominante du bois, les nouveaux aménagements se mettent aussi au service de l'histoire : ils sont perçus comme l'ajout d'une strate contemporaine qui valorise le patrimoine sans le concurrencer. Le bois sert de présentoir aux vestiges du musée gallo-romain qui se redéploient en une muséographie de plein air sur la place haute. Le bois introduit aussi une relation complice au fleuve, par l'évocation de l'univers des berges, des quais et des estacades des paysages charentais.
Fiche technique :
Maîtrise d'ouvrage : ville de Saintes.
Maîtrise d'oeuvre : Thibaud Babled, Armand Nouvet et Marc Reynaud, architectes ; Complémenterre, paysagistes ; Setec TPI, ingénierie.
Calendrier : décembre 2002-mai 2003 : ateliers de la création associant les habitants en vue d'élaborer le cahier des charges ; été 2003 : consultation ; fin octobre : grande réunion publique pour présenter les projets ; novembre : exposition des projets avec recueil des remarques des habitants ; mi-novembre : proclamation du lauréat ; courant 2004 : finalisation des études ; début 2005 : démarrage des travaux ; livraison : fin 2006-début 2007.
Budget prévisionnel : 7 millions d'euros environ, passerelle comprise.
ILLUSTRATIONS :
Perspective sur la place bassompierre réaménagée et la nouvelle passerelle.
Coupe transversale sur la place bassompierre, sa berge, ses terrasses hautes et le parvis commerçant.
Ci-dessus, perspective partielle.
Ci-contre, plan-masse.
La place bassompierre est le témoin du grand paysage de la charente. en période de crues, le fleuve retrouve son méandre originel.