Risques majeurs : la planification, clé de la prévention des feux

Au-delà des mesures d'urgence comme la vigilance rouge, l'Etat et les collectivités locales privilégient l'aménagement sur le temps long des zones forestières pour circonscrire les incendies.

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Feu de forêt
80 % des feux de forêt et de végétation naissent à l’interface entre ville et nature (ici, un incendie en juillet 2022 à La Teste-de-Buch, en Gironde).

Face au risque incendie (72 000 ha de végétation brûlés durant l'été 2022 selon le gouvernement), un consensus se dégage pour « faire de la planification territoriale, en particulier le schéma de cohérence territoriale (Scot), un élément clé de la stratégie ». Familier de cette problématique après cinquante ans de mandats locaux dans le Var, Hubert Falco préconise cette méthode dans son rapport sur la sécurité civile et les risques majeurs, remis en juin au président de la République. Un début de traduction juridique est entré en vigueur via la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie (lire ci-dessous le témoignage de la sénatrice du Haut-Rhin Patricia Schillinger).

Explicitement visés par Hubert Falco, les maîtres d'ouvrage des Scot n'ont pas attendu son rapport. Depuis 2021, la Fédération nationale des Scot (FN Scot) met à disposition de ses membres sa « trame d'un cahier des charges type pour réaliser le diagnostic de la forêt ». La rédaction de ce document a contribué à la naissance du Réseau national forêt et territoires (Renfort), piloté entre 2018 et 2021 par la Fédération nationale des communes forestières (FN Cofor) et les chambres d'agriculture de France, avec le soutien du Fonds européen agricole pour le développement rural.

La plaie de l'habitat illégal. Précurseur, comme en témoigne la prise en compte du risque incendie dans son premier Scot dès 2006, le Grand Narbonne (Aude) se voit confronté à un obstacle fréquent : la progression de l'habitat illégal dans la forêt privée. « Les villages du Narbonnais se composent de maisons de ville sans jardin. Pour compenser, de nombreux habitants possèdent des lopins de terre avec des cabanes, destinées à l'origine à ranger les outils. Des constructions éparpillées et difficiles à identifier », confie Jean-Louis Rio, vice-président de la communauté d'agglomération en charge de l'aménagement durable du territoire. Les trois géomaticiens de la collectivité se penchent sur le dossier, tandis que les communes membres étudient la création de jardins familiaux, pour répondre aux besoins dans un cadre sécurisé.

Cette difficulté illustre l'extrême morcellement de la forêt française privée : 3,3 millions de citoyens se partagent 75 % du couvert forestier métropolitain, lequel couvre 17 millions d'hectares, soit plus de 30 % du territoire national (1). Certes, la loi du 10 juillet a abaissé à 20 hectares, au lieu de 25, le seuil à partir duquel s'imposent les plans de gestion. Mais malgré la promesse de 500 000 hectares couverts par 25 000 nouveaux plans, les petites parcelles continuent à freiner l'aménagement forestier, comme dans le Morvan : plus de 21 000 propriétaires se partagent 43 000 ha dans le parc naturel régional (PNR) bourguignon. Pour poser les jalons d'une cartographie des accès, ce dernier sollicite le Fonds vert, en application de la charte forestière qui intègre le risque incendie depuis son actualisation en 2022. « Plusieurs départs de feu, dont l'un a touché 18 hectares, nous ont poussés à agir dans ce sens », témoigne Théo Damasio, chargé de mission bois et forêts au PNR.

Sensibiliser les propriétaires. Associer les propriétaires privés à l'aménagement préventif ne relève pourtant pas toujours de l'impossible. « Ils ont compris que l'isolement augmente les risques de disparition de leurs biens, et n'hésitent plus à nous donner les clés de leurs domaines pour créer des points d'eau, des barrières ou des voies », se réjouit Jean Mangion, président du PNR des Alpilles. Ce modèle résulte d'un travail de longue haleine : depuis la création du parc en 2007, les communes lui ont délégué leur compétence de défense de la forêt contre l'incendie (DFCI).

Equipé d'un brise-roche hydraulique, d'une pelle mécanique, d'une niveleuse et d'un rouleau compacteur, le délégataire a exercé sa mission selon sa méthode habituelle. « Des gardiens de la faune à ceux du paysage en passant par les propriétaires et les agriculteurs, chacun défend ses intérêts, en amont comme dans le suivi des travaux, pour aboutir à un consensus », décrit Jonathan Baudel, chargé de mission DFCI. La duplication de cette approche multifonctionnelle fera partie des enjeux majeurs de la prévention du risque, à l'ère du changement climatique.

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