Alors qu’un chantier de réseau de chaleur d’une ampleur inédite démarre dans l’Ain, son jumeau numérique, tout aussi innovant, est déjà bien avancé. En effet, la ZAC Ferney Genève Innovation à Ferney-Voltaire devra profiter d’ici 2035 d’un réseau d’anergie, dont la particularité réside dans l’utilisation de l’eau tiède résiduelle pour alimenter en calories 400 000 m² de bureaux et logements. Celui-ci sera connecté à plusieurs dispositifs de production de chaleur et de stockage. Pour être optimisé, l’ensemble a d’abord été modélisé.
« Nous accompagnons la SPL Territoires d’Innovation depuis 2019 dans son processus d’aménagement de la ZAC, sur l’aspect énergétique », commente Benjamin Guinot, fondateur de la jeune pousse Seed Energy, devenu responsable technique numérique pour la société d’ingénierie Technip Energies. La start-up, créée en 2017, est née suite au développement du logiciel Odyssey, dans le cadre d’une thèse au CEA de Grenoble. Elle a été acquise en 2023 par Technip Energies.
Visualisation et simulation
« Les études consistent à recréer virtuellement tout le système énergétique de cette ZAC, de la production jusqu’aux usages, en passant par les étapes de stockage, de transformation, etc. Avec ce jumeau numérique, nous pouvons réaliser des simulations dynamiques et regarder comment se comporte le réseau de chaleur dans le temps », explique Benjamin Guinot.
Ainsi, l’ensemble des composantes de ce réseau d’anergie sont modélisées : le stockage de calories dans les champs de sondes géothermiques ou dans les fondations des bâtiments, la centrale de production gaz, la récupération de chaleur sur l’accélérateur de particules du Cern ou sur un futur data center, mais aussi chaque sous-station de chaque lot, c’est-à-dire de chaque bâtiment, avec ses pompes à chaleur et ses échangeurs. « En tout, ce ne sont pas moins d’une cinquantaine de lots qui ont été modélisés, chacun représentant une demande en énergie », indique l’ingénieur.
Odyssey permet donc de créer l’architecture du système en plaçant les composants et en les interconnectant, de manière à ce que le jumeau numérique soit au plus proche du réseau de chaleur de demain. « Concrètement, nous allons par exemple visualiser le profil d’évolution de la température dans les champs de sondes géothermiques, en fonction des calories puisées en hiver et de celles stockées en été », illustre Benjamin Guinot

Optimisation du réseau
Ce jumeau numérique est donc d’abord un outil de simulation, qui permet de visualiser des résultats. « Derrière, nous allons pouvoir utiliser un module d’optimisation, qui est basé sur de l’intelligence artificielle, pour jouer sur certains paramètres », poursuit-il. « Le logiciel va alors nous permettre d’évaluer la pertinence d’une technologie par rapport à une autre, l’impact du dimensionnement d’un équipement par rapport à un autre, ce qu’il se passe si on installe un stockage plus ou moins grand, ou encore si on arrive à passer le pic hivernal lorsque la demande de chaleur est la plus forte », détaille l’ingénieur. Avant de compléter : « nous pouvons aussi définir des règles de stratégies de gestion de l’énergie, c’est-à-dire sur la façon dont on opère ce système au quotidien, minute après minute ».
« Complet, ce jumeau numérique permet d’évaluer la pertinence technique des installations sans risque de les surdimensionner, et donc également leur pertinence environnementale et économique », commente de ce son côté cite Gilles Bouvard, directeur opérationnel de la SPL Territoires d’Innovation.
Bien que le contrat d’accompagnement entre l’aménageur et Seed Energy ne court que jusqu’en 2024, le logiciel Odyssey n’a pas encore démontré toute sa puissance, car il peut s’avérer très utile en exploitation et pour de futures évolutions. Pour Gilles Bouvard, « une fois que nous pouvons vérifier, grâce la remontée des données, la cohérence entre la modélisation et la réalité, la première pierre d’un Energy Management System (EMS) à l’échelle du quartier sera posée ».