Au sein de la trilogie des décisions relatives au contentieux des contrats administratifs, celle dite « Béziers 2 » (1) a eu pour ambition de régler l’importante question des mesures d’exécution devant le juge du contrat. L’appliquant à un cas de résiliation d’une délégation de service public (DSP), le Conseil d’État l’a utilement complétée en précisant, cette fois, l’office du juge des référés dans une décision du 16 novembre 2016.
Rappel du rôle du juge des référés saisi de la contestation d’une résiliation
Pour qu’une demande de suspension d’une mesure de résiliation soit admise par le juge des référés, celui-ci doit s’assurer qu’un certain nombre de critères soient remplis. La suspension de l’exécution d’une telle décision ne peut en effet être ordonnée que « lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » (Code de justice administrative, article L521-1).
Le Conseil d’État rappelle ainsi qu’après avoir vérifié que l’exécution du contrat n’est pas devenue sans objet, le juge des référés doit apprécier la condition d’urgence pour pouvoir se prononcer. Cette condition est caractérisée d’une part par « les atteintes graves et immédiates que la résiliation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt public ou aux intérêts du requérant, notamment à la situation financière de ce dernier ou à l'exercice même de son activité », d’autre part par « l'intérêt général ou l'intérêt de tiers, notamment du titulaire d'un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse ».
En l'espèce, estime le Conseil d'Etat, le juge des référés a commis une erreur de droit en estimant la condition d'urgence remplie. Il s'est en effet fondé sur la perte de revenus résultant pour l'entreprise de la décision de résiliation, sans la rapporter aux autres données telles que son chiffre d'affaires global pour mesurer la menace pesant sur sa pérennité. La Haute juridiction annule donc l'ordonnance de référé et règle elle-même l'affaire.
La demande de reprise des relations contractuelles devant le juge des référés
Hormis la vérification de la condition d’urgence, le juge des référés doit également prendre en compte les conséquences que pourrait avoir une reprise des relations contractuelles sur l’intérêt général et sur celui du titulaire du nouveau contrat.
Le Conseil d’État transpose au juge des référés sa méthode d’appréciation auparavant réservée au juge du contrat. Saisi d’une demande de reprise à titre provisoire des relations contractuelles, le juge de l’urgence doit apprécier tant la gravité des vices constatés qui entacheraient la mesure de résiliation litigieuse, que les manquements du requérant à ses obligations contractuelles et les motifs de la résiliation, et les confronter aux droits du nouveau cocontractant.
Réglant l’affaire au fond, le Conseil d'Etat relève que les fautes invoquées pour justifier la résiliation (non-réalisation des investissements contractuellement prévus, plaintes déposées par des usagers, refus du délégataire de pratiquer les tarifs validés par la commune, etc.) n'étaient pas sérieusement contestables. Il considère que, quand bien même « les fautes commises n'auraient pas atteint un degré de gravité tel qu'il justifiât une résiliation aux torts exclusifs de celle-ci, une reprise des relations contractuelles à titre provisoire serait, en tout état de cause, dans les circonstances de l'espèce, de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général ».
Envisagées par le juge du contrat ou des référés, les demandes de reprise des relations contractuelles, même provisoires, semblent promises à n’être accordées qu’avec parcimonie. Le requérant conserve néanmoins la possibilité de se voir indemnisé le préjudice résultant de la résiliation.