Rénovation énergétique du tertiaire : la réduction des charges ne suffira pas à motiver les propriétaires

Dans le cadre du Plan Bâtiment Grenelle, un rapport tente de mesurer l'impact des travaux de rénovation énergétique sur la valorisation des actifs immobiliers et identifie les freins à la réduction généralisée des consommations dans les immeubles de bureaux.

Image d'illustration de l'article
Rénovation énergétique d’un bâtiment tertiaire des années 60

"Celui qui croit qu'une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est un fou, ou un économiste". C'est avec cette citation de l'économiste américain " K.E.Boulding, qu'est introduit le rapport sur la notion de "valeur verte" dans le parc tertiaire privé.

Pour l'établir, Méka Brunel, DG Europe de la filiale immobilière de la Caisse de dépôt et placement du Québec, a piloté un groupe de travail rassemblant des investisseurs institutionnels nationaux et internationaux, appuyés par un panel de représentants des métiers connexes (avocats, fiscalistes, auditeurs, experts). Partant du postulat que le besoin le plus fondamental pour les acteurs de l'immobilier de bureaux est la valorisation financière, le groupe de travail a cherché à évaluer comment une rénovation exigeante pouvait le satisfaire.

"Les travaux permettant d'atteindre l'objectif BBC paraissent difficiles, voire impossibles à rentabiliser sur la base exclusive des économies de charges." Le groupe de travail estime qu'une rénovation visant à atteindre le niveau BBC nécessite un investissement supérieur à 400 €/m². Bien que permettant une réduction de 65% des charges, cela ne représente que 11 €/m²/an, ce qui aboutit à un retour sur investissement de près de 40 ans. De plus, le rapport identifie comme un frein la structure des baux français. "Les économies de charges sont uniquement un gain pour l'utilisateur tandis que les investissements sont en principe pris en charge par le propriétaire, ce qui ne peut pas fonctionner."

Le rapport trouve ailleurs des raisons de motiver une rénovation "environnementale".

Se basant sur l'idée "je conserve un immeuble dans lequel je me sens bien", les auteurs décrivent la possibilité de bénéficier d'une meilleure liquidité locative. "Les experts considèrent que les immeubles verts présenteront des exercices de rupture triennale de bail moins fréquents et qu'en cas de départ, la vacance entre deux utilisateurs sera moins longue. La vacance financière globale pouvant apparaitre moins probable, la prime de risque liée à celle-ci pourrait donc être réévaluée à la baisse."

Les rédacteurs croient aussi, parallèlement à la reprise du marché de l'investissement en France, en l'apparition d'une prime de marché lors d'acquisition d'immeubles verts. "Avec un volume d'investissement à la hausse, on peut donc estimer que les investisseurs privilégieront entre deux immeubles comparables celui dont la configuration environnementale sera la plus efficiente." Ils signalent que cette prime transactionnelle, en comparaison avec des immeubles non verts, a été observée aux Etats-Unis, sur la période 2004-2007 (soit dans un contexte précédant la crise actuelle). Et que cet écart de prix s'établissait Outre-Atlantique aux alentours de 16%.

Quel rôle pour l'Etat ?

"Les investissements verts ne sont pas rentables, l'État n'a qu'à les subventionner". La tentation de basculer le problème sur l'Etat est écartée par le rapport. Cette "décision politique serait bien difficile à prendre, compte-tenu de la crise fiscale des principaux États européens, des plans de rigueur en cours et de la chasse aux niches fiscales". Néanmoins, les auteurs soulignent la possibilité pour l'État, à travers ces investissements, d'augmenter ses recettes de façon durable.

Avec, selon les sources, entre 165 et 197 millions de m² et en moyenne 1000 €/m² de travaux dédiés, l'estimation des travaux nécessaires à la rénovation énergétique du parc tertiaire français pourrait atteindre environ 190 milliards d'euros. "En considérant le calendrier actuel proposé par le Grenelle, ces travaux seraient à réaliser d'ici 2020, cela représente une dépense annuelle moyenne de 19 milliards d'euros, et autant de chiffre d'affaires pour le secteur de la construction. A titre de comparaison, Unibail-Rodamco, la plus grande foncière européenne cotée, possède un patrimoine de 22 milliards d'euros."

En termes d'emploi, le rapport estime qu'un tel chiffre d'affaires représenterait la création d'environ 330.000 postes (sur une base d'une moyenne de 60.000 €/an de chiffres d'affaires pour un emploi) et, note que "le calendrier de réalisation de 10 ans assurerait que la création de ces emplois soit pérenne" et que "l'augmentation des besoins d'audit et de maintenance renforcerait notoirement l'emploi dans ces métiers, dans des mesures qu'il reste cependant difficile d'évaluer aujourd'hui".

Cette dynamique entraînerait donc d'importantes retombées de contributions sociales et fiscales pour l'État que le rapport ne s'aventure pas à tenter de quantifier.

Dans un deuxième temps, le rapport se penche rapidement sur la valeur d'utilité, la valeur sociétale et, pour finir, l'éthique. Des besoins moins fondamentaux pour les acteurs de l'immobilier, que ces derniers ne regardent qu'une fois la valorisation financière satisfaite.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !