Quels moyens faut-il mettre en œuvre pour parvenir à la ville durable ?
La ville durable est portée par les aspirations de chacun pour un modèle qui se démarque d'une croissance tous azimuts (énergétique, économique, spatial.). Mais la ville durable est aussi le produit d'un rapport de force qui a permis au politique de se ressaisir des questions de l'aménagement urbain. À partir de là, les aménageurs et les promoteurs suivent. Il se produit une sorte de réaction en chaîne vertueuse. Mais attention à ne pas se laisser enfermer dans la notion d'écoquartier, à ne pas privilégier un espace borné dans lequel on pourrait faire de la « haute vertu environnementale », tout en se désengageant du reste de la ville où se situent pourtant tous les enjeux. La réflexion sur la ville durable doit donc être globale et non discriminante, réinterrogative et pas seulement normative.
Quelles sont les priorités ?
La question des transports est fondamentale. Il faut observer la façon dont les gens se déplacent et pour quelles raisons. On constate alors le pouvoir pris en France par la grande distribution et le rôle prépondérant qu'elle a eu dans le dessin de la ville périphérique ces quarante dernières années. Heureusement, la crise actuelle repose cette question. Le commerce est une activité qui doit être disséminée sur le territoire alors que les bureaux doivent être regroupés sur les nœuds de transports, notamment collectifs. La logistique, prise dans une logique du tout routier, génère un trafic étourdissant alors qu'elle pourrait diviser par 10 les déplacements si elle était intégrée au plus près des consommateurs, au cœur des villes. La gestion des flux (humains, denrées, matériaux.) est le grand défi des territoires. La ville durable ne peut faire l'économie d'une réflexion sur la localisation, à une échelle fine, des fonctions.
Que peut-on faire à l'échelle des bâtiments ?
La meilleure énergie est bien sûr celle qui n'est pas consommée. Mais ce n'est pas une raison pour faire des bâtiments de logements qui ressemblent à des bouteilles thermos, enveloppés dans des couches d'isolants et percés de petites fenêtres. Ce serait au détriment de la qualité des appartements, de leurs espaces et de leur luminosité, et inciterait les gens à fuir tous les week-ends. Les économies réalisées en chauffage partiraient alors en essence ! Je crains l'invention d'une « machine à habiter durable » avec mode d'emploi fourni. Il me semble que la plupart des problèmes peuvent se résoudre par l'architecture plutôt que par la technique. Pour la ville méditerranéenne, par exemple, le problème principal est celui du rafraîchissement : on peut revenir à des choses anciennes et simples comme une configuration en îlots urbains qui protègent de la chaleur du soleil par les ombres portées, par la ventilation naturelle sous les plafonds ou par l'augmentation de l'épaisseur des murs. Mais cela n'empêche pas de travailler sur de nouvelles technologies de production d'énergie propre comme la boucle à eau de mer dont nous étudions le principe à Euromed, et qui s'appuie sur les différentiels de température entre mer et surface pour produire de l'énergie. Le regard sur la tradition n'empêche pas de s'inspirer des avancées technologiques sans qu'elles deviennent l'alpha et l'oméga de tout projet durable.
