La livraison définitive, le 31 mai, de la transformation de l’ancienne cité administrative du boulevard Morland, marque l’avènement d’un nouveau micro-quartier du IVe arrondissement de la capitale.
Mais avec l’achèvement de cette collection d’opérations allant du logement au programme hôtelier ou tertiaire, en passant par des activités aussi secondaires que plaisantes comme le marché alimentaire ou l’exploitation agricole en toiture, c’est aussi un projet emblématique de la première édition de Réinventer Paris qui arrive à son terme.
Cette étape majeure donne l’occasion de faire le point sur l’appel à projets urbains innovants, huit ans après son lancement par la mairie de Paris.
En 2014, la municipalité avait réussi un joli coup, particulièrement médiatique, en engageant un processus qui se voulait audacieux et qui allait essaimer un peu partout.
Sous l’impulsion de l’adjoint à l’urbanisme d’alors, Jean-Louis Missika, la collectivité proposait de céder une vingtaine de sites à qui voudrait bien imaginer «des programmes de construction originaux, ambitieux, partagés et adaptés aux évolutions d’une ville-monde».
Deux ans plus tard, 22 équipes rassemblant investisseurs et concepteurs mais aussi des start-up ou des futurs usagers, étaient déclarées lauréates. Depuis, les projets ont connu des bonheurs divers, ainsi que permettent de le constater les informations délivrées par le cabinet d’Emmanuel Grégoire, l’actuel premier adjoint d’Anne Hidalgo en charge de l’Urbanisme.
• Six rubans coupés
Hormis Morland repensé par l’architecte britannique Chipperfield et ses confrères français de Calq pour le compte d’Emerige, cinq réalisations estampillées «Réinventer Paris 1» ont à ce jour abouti.
La plupart a été achevée ou a ouvert en 2020 : les anciens bains-douches du sud du XVe arrondissement, restructurés par RED-Architectes pour le Groupe Axitis afin d’accueillir des logements en colocation et du coworking ; la Ferme du Rail, programme alliant écoconstruction, agriculture urbaine et insertion porté par Réhabail, avec la Scop d'architecture Grand Huit ; le Philanthro-Lab au sein de l’hôtel particulier de la Bûcherie (Ve) porté par la Compagnie de Phalsbourg, avec l’agence d’architecture Perrot & Richard et le verdoyant immeuble de logements Edison Lite, dans le XIIIe, conçu par Manuelle Gautrand pour Loftissime et NFU.
Puis l’an dernier, ce fut au tour de l’Auberge Buzenval réalisée dans une dent creuse du XXe, par Ory architecture et Calq pour Novaxia.

• Deux perdus pour la cause
Seuls deux projets sont très officiellement abandonnés. La création de la «Fabrique de la danse», un incubateur de chorégraphes qui devait voir le jour avenue Gambetta (XXe) porté par Usin’Art avec les architectes d’Atelier Secousses et de Fabre-Speller, a été stoppée en décembre 2021 en raison de «fragilités dues à la crise Covid de la structure lauréate», explique-t-on à la mairie.
La densification du secteur d’habitat social Pitet-Curnonsky telle que l’avait imaginée l’équipe Pichet NLA ne se fera pas non plus. Devant la grogne des riverains, le bailleur Paris-Habitat a repris la main et, en revanche, «s’est engagé dans un projet de requalification des espaces verts et de réhabilitation Plan Climat des 728 logements déjà existants», précise la Ville.
• Quatre scénarios à suspense
«Node», projet alliant une plateforme logistique et un funérarium et conçu par les agences d’architecture AAVP et Antonio Virga pour le site de la Poterne des Peupliers, dans le XIIIe, avance lentement. Le projet a d’ailleurs dû être remanié et la plateforme logistique prévue au départ a été réduite au seul usage du funérarium. Le protocole de vente à la Compagnie de Phalsbourg devrait intervenir prochainement.
Le projet «Tranches de Vie» qui devait permettre de transformer, rue Ordener (XVIIIe), une ancienne halle Eiffel en serre et de réaliser des logements sociaux et participatifs a fait l’objet d’une nouvelle promesse de vente à la société Amétis, votée par le conseil de Paris en décembre dernier. Depuis 2016, le projet conçu par Hubert & Roy Architectes Associés a dû être amendé.
Quant à «Mille Arbres» (Compagnie de Phalsbourg et OGIC, architectes : Sou Fujimoto et Manal Rachdi-OXO) et à «La Ville Multi-strates» (BNP Paribas, architectes : Jacques Ferrier et Chartier-Dalix), ils représentent assurément les feuilletons les plus haletants de l’appel à projets.

Cent fois, on a cru abandonnés ces deux projets, aux esquisses de concours spectaculaires et prévus pour être construits en pont au-dessus du vide du boulevard périphérique dans le XVIIe arrondissement. Et cent fois, la rumeur a été démentie. Il n’en reste pas moins que le Tribunal administratif a annulé les permis de construire des deux opérations en juillet 2021, à la suite de la saisine d'associations de défense de l'environnement. Mais l’épopée continue puisque la Ville a fait appel.
• Deux chantiers à l’horizon
Pour les projets «Réalimenter Masséna», dans le XIIIe, et «Etoile Voltaire», dans le XIe, les chantiers sont enfin en vue. Pour la première opération (Hertel, architecte : Lina Ghotmeh), qui prévoit d’investir une gare de la Petite Ceinture et d’y adjoindre une petite tour en bois aux balcons débordant de végétation, pour y accueillir toutes sortes de spécialistes de l’alimentation, le démarrage des travaux est promis pour le premier trimestre de 2023.
La seconde, qui vise à glisser une Maison du cinéma dans une ancienne sous-station électrique, entra aussi en chantier l’an prochain. En juin 2017, le projet avait été retardé par l’annulation par le tribunal administratif de l’attribution du projet à l’équipe lauréate formée par la société Étoile Cinémas, accompagné par l’architecte Olivier Palatre. Jugement à son tour annulé par la Cour administrative d’appel, neuf mois plus tard.
• Huit zones de travaux
D’abord connu sous le nom de code «In vivo», le projet de logements et de laboratoires «Alguésens» est entré en chantier en janvier dernier dans le secteur Paris-Rive-Gauche, dans le XIIIe arrondissement. Conçu par les agences X-TU et Mu pour BDP Marignan et SNI, il doit se décliner en trois bâtiments reconnaissables leurs façades arborant des arbres, des potagers… ou des micro algues. Toujours dans le XIIIe, le projet mi-culturel et mi-commercial «Italik» est, lui, mi-ouvert et mi-en chantier (Hammerson, architectes : L35 Architectos et Ory & Associés).
Les mois à venir seront marqués par de multiples livraisons comme celle de l’hôtel de Coulanges dans le Marais (IVe) qui à l’automne deviendra le «hub» créatif «Collectif Coulanges». Grâce à l’équipe formée par Patrick Hazan avec les architectes Sahuc & Katchoura et François Chatillon, l’édifice historique de la rue des Francs-Bourgeois regorgera à l’automne de showrooms, coworkings et pop-up stores…
Sont également annoncées pour cette année les livraisons du projet mixte réalisé par l’architecte Pablo Katz dans l’ancien conservatoire du XIIIe arrondissement pour la SAS Relais d’Italie, les logements pour étudiants à bas coût «Noc 42», boulevard Bessières dans le XVIIe (42, École des métiers numériques fondée par Xavier Niel et NJJ immobilier, architectes : AR studio d’architecture), la «plateforme de vie 24 h/24» de 16 000 m² «Stream Building», soit un hôtel tertiaire agrémenté entre autres choses d’agriculture urbaine et construit par Philippe Chiambaretta pour Covivio et Hines, à la porte de Clichy (XVIIe), et «La Serre habitée», d’autres logements pour étudiants réalisés par VSA et l’architecte Vincent Saulier pour ICF La Sablière.
Enfin, dès la fin de ce mois de juin, l’essentiel du nouveau petit quartier de «L’Ilot fertile» dans le XIXe arrondissement sera livré. Dans une emprise enserrée entre les voies ferrées, au pied de la station de RER Rosa-Parks, l’agence d’architecture TVK a réalisé pour Linkcity une collection d’immeubles en pierre massive autour d’une rue-jardin aménagée par OLM paysagistes. Cette voie piétonne a été rendue à l’espace public le 31 mai et est désormais ouverte à tous les Parisiens.
