Regards d’experts sur la gare du Nord

La Ville de Paris a présenté deux rapports d’expertise sur le projet actuel de transformation de la gare du Nord. Conclusions : une programmation surdimensionnée, un trafic Paris-banlieue ignoré et des temps de parcours allongés.

Le chantier de la Gare du Nord a été remporté par Ceetrus (ex-Immochan) avec Eiffage et Valode & Pistre.
Projet de transformation de la gare du Nord à Paris (Xe), par les architectes Valode & Pistre.

Le 8 janvier 2020, à 17h, prendra fin l’enquête publique préalable à la délivrance du permis de construire portant sur le projet de transformation de la gare du Nord à Paris (Xe).

Le 6 janvier 2020, à 16h, la Ville de Paris a présenté, dans la mairie de l’arrondissement concerné, les conclusions de deux rapports d’expertise visant à « trouver des pistes d’amélioration du projet ». Car, en l’état, « il ne fonctionne pas », affirme Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris chargé notamment de l’urbanisme et de l’architecture. « Le travail des experts a permis d’objectiver les choses », ajoute-t-il.

« Notre mission de réflexion a été réalisée dans un esprit constructif, pas à charge », souligne d’emblée Pierre Veltz, lauréat du Grand Prix de l’urbanisme en 2017 et porte-parole du groupe d’experts. Il était accompagné dans cette mission de Jean-Louis Subileau, lauréat du Grand Prix de l’urbanisme en 2001, Caroline Poulin, architecte et Anne Mie Depuydt, architecte et urbaniste.

Leur rapport, consultable sur le site paris.fr, remet en question de nombreux points du projet d’environ 600 millions d’euros porté par Stationord, société d’économie mixte à opération unique composée de SNCF Gares & Connexions et de Ceetrus (filiale immobilière du groupe Auchan).

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gare du nord gare du nord

« Un éléphant dans une baignoire »

« Le principal problème posé par le projet est son ampleur », indique Pierre Veltz. « Le dossier de demande du permis de construire fait passer la surface existante de la gare de 75 111 m² avant travaux à 136 626 m² après travaux, précise le rapport des experts. Il s’agit donc d’un quasi doublement de la surface de plancher, près des deux tiers de l’accroissement étant destinés à l’implantation de commerces et services privés. »

Pierre Veltz propose de « réduire le volume commercial - non lié à l’activité ferroviaire - de 15 000 m² » et de « supprimer la salle de spectacles ». Les experts estiment que « la programmation est fortement surdimensionnée par rapport aux capacités d’absorption à la fois de la gare elle-même et de son environnement urbain de proximité ». Dans leur rapport, ils écrivent avoir « le sentiment qu’on a voulu faire entrer un éléphant dans une baignoire ».

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Projet de l'agence Valode & Pistre Architectes pour la gare du Nord à Paris Projet de l'agence Valode & Pistre Architectes pour la gare du Nord à Paris

« Se reconcentrer sur le trafic Paris-banlieue »

Anne Mie Depuydt, Caroline Poulin, Jean-Louis Subileau et Pierre Veltz interrogent également « l’hypothèse centrale qui sous-tend le projet : la forte augmentation de trafic d’ici 2030 ». Or, écrivent-ils, « ce chiffre fétiche, partout affiché, du passage de 700 000 voyageurs jours à 900 000, nos explorations n’ont pas réussi à percer le mystère de l’origine de cette croissance qui semble être liée pour une part très importante aux flux nouveaux créés par le projet lui-même ».

Ils remarquent surtout que « les travaux ne concernent en fait qu’une part minoritaire du trafic », celui des grandes lignes, et non celui lié au réseau RER/métro/Transilien. Pour Pierre Veltz, il faudrait « se reconcentrer d’urgence sur le trafic Paris-banlieue ».

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Pierre Veltz, Grand Prix de l’urbanisme en 2017, présente le rapport d’expertise sur le projet de transformation de la gare du Nord à Paris, le 6 février 2020. Pierre Veltz, Grand Prix de l’urbanisme en 2017, présente le rapport d’expertise sur le projet de transformation de la gare du Nord à Paris, le 6 février 2020.

« Un allongement des temps d’accès aux quais »

Une seconde expertise a été commandée par la Ville de Paris à SMA Lausanne, entreprise de conseil dans les systèmes ferroviaires. Elle porte sur les flux et itinéraires voyageurs, ainsi que sur l’impact de la création de passerelles au départ des grandes lignes.

Le rapport, disponible sur le site paris.fr, a été présenté par Luigi Stähli, directeur Sud-Ouest Europe. « Le projet actuel provoque un allongement des temps d’accès aux quais d’une demi-minute en moyenne, mais pouvant aller jusqu’à 8 minutes, estime-t-il. Il génère des problèmes de congestion et des risques dans le terminal des départs, sur les passerelles et sur les quais. »

L’expert soutient qu’il faut « abandonner l’interdiction d’entrer dans la gare par le niveau zéro, car mettre une barrière entre l’usager et le chemin de fer, c’est le couper du réseau ferroviaire qui constitue son transport du quotidien ». Désormais, à la commission d’enquête de rendre ses conclusions. Elles sont attendues dans un mois.

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