La refonte de la fiscalité patrimoniale est un serpent de mer. On en parle beaucoup, pourtant on ne la voit jamais. Trop d’intérêts particuliers s’affrontent pour converger vers un intérêt général qui, pour émerger, devient souvent la somme d’intérêts particuliers. Les parlementaires sont les bâtisseurs infatigables du merveilleux édifice des niches fiscales qui, prises individuellement, laissent dubitatives mais reflètent paraît-il l’intérêt général.
Dans le cadre de la loi Girardin du 21 juillet 2003, l’intérêt général est de me permettre de déduire plus que je n’ai versé. Avec l’emprunt (auquel je ne suis pas personnellement tenu), je verse 100 et je déduis 120. Au siècle dernier, que de guerres coloniales auraient été faites pour trouver de nouveaux projets à financer ainsi ! Dans cette approche, l’intérêt général serait de supprimer l’impôt car au moins l’État ne perdrait plus d’argent avec une fiscalité du patrimoine transformée en machine à sous (sans revenir sur le bouclier fiscal, si vous êtes locataire avec une trésorerie de 100, faites pour cette somme l’acquisition de votre résidence principale, la valeur de votre patrimoine pour les besoins de votre ISF passera de 100 à 70 ; votre base d’imposition aura baissé de 30 et vous n’aurez plus de loyer à payer).
À défaut de supprimer l’impôt sur le patrimoine, toute réforme conforme à l’intérêt général devrait permettre d’imposer mon beau-frère, mon supérieur ou mon voisin en me laissant indemne. Pour le locataire, l’intérêt général est d’imposer le propriétaire ; pour le propriétaire d’une résidence principale, de taxer la résidence secondaire, pour le propriétaire d’un appartement à Saint-Raphaël, d’imposer le propriétaire d’une villa à Saint-Tropez (surtout si elle a vue sur mer) et, bonheur suprême, pour le résident d’imposer le Français de l’étranger.
Sur ces bases, la réforme annoncée est appelée à un grand avenir. Mais je vous livre un secret, la réforme de la fiscalité du patrimoine ne marchera jamais : il est devenu impossible de faire payer les riches sans faire payer les retraités et, dans notre pays, il est devenu impossible de faire payer les retraités. L’impasse du financement de la dépendance interdit de les appauvrir, donc de les imposer. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est urgent de supprimer l’ISF. Vivement donc la prochaine non-refonte de l’impôt sur le patrimoine pour me consoler d’avoir à bientôt devenir vieux.
Pour que ma joie soit complète, trouvons les moyens d’empêcher les jeunes actifs de s’enrichir et de se constituer un patrimoine (surtout ceux sans parents fortunés). Avec la hausse de l’immobilier, à Paris c’est presque déjà fait. Pour dire vrai, quelle tristesse !