Si l’Unsfa « se réjouit » officiellement dans un communiqué du maintien des dispositions spécifiques relatives à la maîtrise d’œuvre annoncé par Bercy dans la réponse apportée aux architectes début avril, elle ne peut guère aller plus loin dans l’échelle de la satisfaction. « C’est une petite avancée, pour Marie-Françoise Manière, présidente de l’Union nationale des syndicats français d'architectes. La seule réponse que l’on a est que la maîtrise d’œuvre sera présente dans les décrets. C’est le seul point positif car nous n’avons pas de réponse sur le concours, pas de réponse sur les contrats globaux ». Du côté de l’Ordre des architectes, c’est le mécontentement qui prime. « Le courrier ne dit rien, il ne répond même pas à notre demande de rendez-vous », s’indigne Denis Dessus, vice-président du Conseil national de l’Ordre des architectes (Cnoa).
Tout dans les décrets
Dans la réponse apportée aux architectes, Bercy affirme que « le gouvernement entend maintenir des dispositions spécifiques aux marchés de maîtrise d’œuvre dans les texte réglementaires de transposition des directives ». S’il n’y a rien dans le projet d’ordonnance, c’est par « respect de la distinction du domaine de la loi et du domaine du règlement ». En clair : les dispositions régissant les marchés de maîtrise d’œuvre que contiennent les articles 74 du Code des marchés publics et les articles 41-2 des décrets d’application de l’ordonnance du 6 juin 2005 applicables aux marchés passés par les personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics relèvent du champ réglementaire. Ce sont des « spécificités du droit français de la commande publique », indique Bercy. Elles n’ont pas vocation à être dans la future ordonnance, qui est de niveau législatif. Elles le seront dans les futurs décrets.
Pour ce qui est du concours, évoqué aux articles 78 à 82 de la directive 2014/24/UE et 95 à 98 de la directive 2014/25/UE (secteurs spéciaux), « les conditions de recours à cette procédure ainsi que la description de son déroulement seront précisées dans les décrets d’application du projet d’ordonnance transposant les directives ».
D’autres motifs de craintes
Jusque-là le ministère de l’Economie ne fait pas de grandes révélations. La suite du courrier apparaît plus obscure. Bercy y annonce ainsi que les solutions qui permettront d’alléger les charges pesant sur les entreprises « seront privilégiées » quand, lors de la transposition, des marges de manœuvre existeront pour le législateur national. L’Unsfa espère que cet allègement de charges « ne se fera pas au détriment de la qualité architecturale ».
Sur les contrats globaux, Bercy n’a pas davantage rassuré les architectes. Il réaffirme « l’utilité de ces contrats dans un certain nombre de cas ». Mais surtout il sème le trouble. « Le ministre pense que les dérogations à la loi concernant la maîtrise d’ouvrage public doivent être réservées aux cas où peut être justifiée la pertinence du contrat global. Certaines situations d’engagements sur performance devraient pouvoir le justifier. La rédaction du projet d’ordonnance est donc susceptible d’évoluer sur ce point ». Réactions de surprise, d’incompréhension et de crainte amplifiée chez les architectes. « Cela justifie tout, estime Denis Dessus. Toute construction peut être réalisée en conception-réalisation»… L’annonce d’Emmanuel Macron devant la Fédération nationale des travaux publics de supprimer la condition de seuil pour recourir aux PPP initialement inscrite dans le projet d’ordonnance confirme le sentiment.
Un nouveau courrier pourrait être adressé par les architectes au ministre de l’Economie dans les prochains jours. Ceux-ci renouvelleraient leur demande de rencontre avec le ministre. Ils souhaitent également pouvoir consulter le second projet d’ordonnance avant la publication officielle du texte. La Direction des affaires juridiques de Bercy a toutefois annoncé que le projet passerait devant le Conseil d’Etat en mai.