Réforme de la commande publique : quel impact sur les délais de paiement ?

Intervenue le 1er avril dernier, la réforme de la commande publique n'a que très marginalement modifié le régime existant des délais de paiement. Transposant la directive 2011/7/UE du 16 février 2011, la loi du 28 janvier 2013 dite "loi Ddadue" et le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 constituent toujours le cadre normatif de référence. La Direction des affaires juridiques (DAJ) de Bercy revient sur le dispositif en vigueur dans une fiche mise à jour au 8 septembre.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Réforme des marchés publics 2016

En matière de délais de paiement, l'apport de la réforme de la commande publique est quasi-nul : ni le délai de paiement de principe de 30 jours, ni ses dérogations pour les établissements publics de santé (50 jours) et les entreprises publiques (60 jours) n'ont été modifiés. En cas de retard de paiement, subsistent aussi les intérêts moratoires (taux BCE + 8 points) et l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement (40 euros).

Seule nouveauté : les établissements publics industriels et commerciaux (Epic) de l'Etat sont désormais assimilés aux personnes publiques au même titre que l'Etat ou les collectivités territoriales.

Champ d'application du dispositif : quelles évolutions ?

Les acheteurs concernés

L' ("loi Ddadue") précise que le dispositif s'applique à tous les "pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu'ils agissent en qualité d'entité adjudicatrice". Sont donc concernés les acheteurs – non plus soumis au Code des marchés publics devenu inopérant depuis la réforme – mais ceux qui sont "désignés aux articles 10 et 11 1° de l' relative aux marchés publics".

En clair, sont concernés, comme dans le dispositif antérieur, l'État et des établissements publics, les collectivités territoriales et les établissements publics locaux. Seule différence : les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) de l'Etat sont désormais intégrés au régime plus strict des personnes publiques. En effet, la distinction française entre l'établissement public administratif (EPA) et l'Epic est très fortement remise en cause au niveau européen, notamment depuis un arrêt de la CJUE du 3 avril 2014, aff. C?559/12 P, "Commission c/France".

A l'instar du dispositif antérieur, certaines personnes morales de droit privé peuvent également être concernées. Ce sont celles qui remplissent les critères énoncés par l'ordonnance du 23 juillet 2015 (article 10 2°) : sociétés publiques locales, groupements d'intérêt public, sociétés d'économie mixte locales, sociétés anonymes d'HLM, etc).

Les contrats et les sommes soumis au dispositif

L'article 37 de la "loi Ddadue" vise les "contrats ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public". Sont notamment concernés : les marchés soumis à l'ordonnance relative aux marchés publics et à ses décrets d'application, mais aussi l'ensemble des contrats de concession régis par l' et son du 1er février 2016.

Les sommes concernées sont celles dues par le pouvoir adjudicateur en vertu de ses obligations réglementaires ou contractuelles, telles que les avances, les acomptes, le solde, le remboursement de la retenue de garantie, lesrèglements partiels définitifs, mais aussi les loyers ou encore les indemnités de résiliation et les compensations financières versées par le pouvoir adjudicateur en exécution du contrat.

Délais de paiement par catégorie d'acheteurs : pas de changement

Conformément à l'article 4 paragraphe 3 de la directive 2011/7/UE, l'article 37 de la loi Ddadue du 28 janvier 2013 dispose que les sommes dues "sont payées, en l'absence de délai prévu au contrat, dans un délai fixé par décret, qui peut être différent selon les catégories de pouvoirs adjudicateurs. Le délai de paiement prévu au contrat ne peut excéder le délai fixé par décret". Le est toujours la référence en la matière :

- 30 jours pour :l'État et ses établissements publics y compris ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales et les établissements publics locaux à l'exclusion des établissements publics de santé et les établissements du service de santé des armées ; les personnes morales de droit privé "qui remplissent les critères énoncés à l'article 10 2° de l'

- 50 jours pour :les établissements publics de santé et les établissements du service de santé des armées

- 60 jours pour les pouvoirs adjudicateurs qui sont des entreprises publiques au sens du II de l'article 1er de l' portant transposition de la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques

À noter que ce délai de 60 jours ne s'applique pas aux établissements publics locaux, contrairement aux entreprises publiques locales (SEML, SPL et SPLA) et aux sociétés anonymes d'HLM.

Calcul du délai de paiement : toujours les mêmes règles

Le fixe les différents points de départ du délai de paiement (article 2) :

en principe, le délai de paiement court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur ou, si le contrat le prévoit, par le maître d'œuvre ou toute autre personne habilitée à cet effet.

toutefois, le délai court :

• à compter de la date d'exécution des prestations, lorsque la date de réception de la demande de paiement    est incertaine ou antérieure à cette date

• pour le paiement du solde des marchés de travaux soumis à l'ancien Code des marchés publics, à compter de la date deréception par le maître de l'ouvrage du décompte général et définitif (DGD) établi dans les conditions fixées par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux.

• lorsqu'est prévue une procédure de constatation de la conformité des prestations aux stipulations contractuelles et si le contrat le prévoit, à compter de la date à laquelle cette conformité est constatée. Cette procédure de constatation ne peut excéder 30 jours. Une durée plus longue peut être prévue par le contrat, "à condition que cela ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier, au regard notamment de l'usage ou des bonnes pratiques" selon Bercy. A noter qu'à défaut de décision expresse dans le délai de 30 jours ou dans celui prévu par le contrat, les prestations sont réputées conformes et le délai de paiement commence à courir.

Attention : la date de réception de la demande de paiement ne peut toujours pas faire l'objet d'un accord contractuel entre le pouvoir adjudicateur et son créancier.

Des cas particuliers de point de départ du délai de paiement sont toujours prévus :

les avances : pour celles versées en application du I de l'article 110 du décret relatif aux marchés publics, leur délai de paiement court à compter de la date de notification de l'acte qui emporte commencement d'exécution des prestations qui correspondent à l'avance, si un tel acte est prévu ou, à défaut, de la date de notification du contrat. Dans les autres cas, "le délai de paiement court à compter de la date à laquelle les conditions prévues au contrat pour le versement de l'avance sont remplies, ou dans le silence du contrat, à compter de la date mentionnée dans le cas précédent", précise Bercy.

les indemnités de résiliation : le délai de paiement de cette indemnité court à compter de la date à laquelle , la décision de résiliation étant notifiée, le montant de l'indemnité est arrêté.

la retenue de garantie : celle-ci est remboursée dans un délai de 30 jours à compter de la date d'expiration du délai de garantie. Toutefois, si des réserves ont été notifiées au créancier pendant le délai de garantie et si elles n'ont pas été levées avant l'expiration de ce délai, la retenue de garantie est remboursée dans un délai de 30 jours après la date de leur levée. À noter que ce délai de 30 jours est applicable à tous les pouvoirs adjudicateurs.

À noter que le délai de paiement peut être suspendu, dans la limite d'une fois, par le pouvoir adjudicateur (article 4), s'il constate que la demande de paiement du créancier ne comporte pas l'ensemble des pièces et des mentions prévues par la loi ou par le contrat ou que celles-ci sont erronées ou incohérentes.

Concernant la computation des délais, la référence reste le règlement (CEE, Euratom) n° 1182/71 du Conseil du 3 juin 1971 :  "si un délai exprimé en jours (…) est à compter à partir du moment où survient un évènement ou survient un acte, le jour au cours duquel a lieu cet évènement ou s'effectue cet acte n'est pas compté dans le délai". De même, "un délai exprimé en jours commence à courir au début de la première heure du premier jour et prend fin à l'expiration de la dernière heure du dernier jour du délai", mais si le dernier jour est un jour férié, un dimanche ou un samedi, "le délai prend fin à l'expiration de la dernière heure du jour ouvrable suivant".

Retards de paiement : rappel des sanctions

Intérêts moratoires et indemnité pour frais de recouvrement : rien ne bouge

De plein droit et sans autre formalité, le retard de paiement fait courir des intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration du délai de paiement ou l'échéance prévue au contrat et donne lieu au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros. Ils doivent être payés dans un délai de 45 jours suivant la mise en paiement au principal.

Attention : le dépassement du délai de 45 jours peut donner lieu au versement d'intérêts au taux de l'intérêt légal, dans les conditions de l'.

Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts ont commencé à courir (0 % pour le moment), majoré de 8 points de pourcentage.

Amende administrative pour les entreprises publiques qualifiées de pouvoir adjudicateur : un nouveau point détaillé par Bercy

Pour les entreprises publiques au sens de l', le retard de paiement constaté par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) donne lieu, en plus des intérêts moratoires, "au paiement d'une amende administrative dont le montant ne peut dépasser 375000 euros", précise cette fois Bercy dans sa fiche mise à jour.

Fiche de la DAJ "les délais de paiement dans les contrats de la commande publique" (mise à jour au 8 septembre 2016)

Marchés de travaux : que dit le CCAG sur les délais de paiement ? Avec pour objectif de réduire le temps de production et de validation du décompte général définitif, la rédaction du CCAG travaux issue de l'arrêté du 3 mars 2014 - NOR : EFIM1331736A a eu une incidence directe sur les délais de paiement des entreprises. Entrée en vigueur le 1er avril 2014, c'est toujours cette version du CCAG travaux qui s'applique.

Avec pour objectif de réduire le temps de production et de validation du décompte général définitif, la rédaction du CCAG travaux issue de l'arrêté du 3 mars 2014 - NOR : EFIM1331736A a eu une incidence directe sur les délais de paiement des entreprises. Entrée en vigueur le 1er avril 2014, c'est toujours cette version du CCAG travaux qui s'applique.

Les délais impartis à chaque intervenant pour accomplir ses formalités ont été raccourcis par l'arrêté du 3 mars 2014. L'entreprise a désormais 30 jours au lieu de 45 pour remettre son projet de décompte final au maître d'ouvrage et au maître d'œuvre. La notification du décompte général à l'entreprise doit ensuite intervenir dans les 30 jours (au lieu de 40). En fin de processus, l'entreprise a à nouveau 30 jours (au lieu de 45) pour signer et notifier le document qui devient ainsi le décompte général définitif (DGD).

Un mécanisme de DCG tacite est créé, après alerte du maître d'ouvrage. Ainsi, en cas de silence du pouvoir adjudicateur à l'issue des 30 jours après réception du projet de décompte final de l'entreprise, cette dernière lui notifie le projet de décompte général. Si le pouvoir adjudicateur ne réagit toujours pas pendant les 10 jours suivant cette notification, le projet transmis par l'entreprise devient le DGD tacite.

Attention : rappelons que le CCAG, quelle que soit sa version, ne s'applique qu'aux marchés qui s'y réfèrent expressément. Et que même pour ces marchés, des dérogations sont toujours possibles par le biais de clauses particulières.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires