Référés précontractuel et contractuel : la juste dose d'information à donner aux candidats évincés

Par une décision du 18 décembre 2012, le Conseil d’Etat a défini les contraintes s’imposant à l’acheteur public quant à la motivation des décisions d’éviction de candidats à des marchés publics. Et, par ricochet, les  conditions dans lesquelles un requérant peut substituer un référé contractuel à un référé précontractuel.

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Le Conseil d'Etat

Pour le Conseil d'Etat, le courrier d'éviction qui précise le classement du candidat écarté, ses notes et celles de l'entreprise attributaire est suffisant au regard des exigences de l'article 80 du Code des marchés publics. Et fait courir le délai de seize jours (onze pour la communication par télécopie) de suspension de signature du contrat permettant l'exercice d'un référé précontractuel. C'est le sens d'un arrêt rendu le 18 décembre dernier (cliquez ici).

Pour bien en comprendre  l’apport, il est utile de revenir sur les faits ayant conduit dans un premier temps le tribunal administratif de Nice à censurer la procédure d’appel d'offres ouvert, lancée par la métropole Nice Côte d'Azur, pour la passation d'un marché public de services (exploitation de la station d'épuration de Cagnes-sur-Mer).

Alors qu’elle a été informée par une télécopie du 10 août 2012 du rejet de son offre, la société Serex a, par une requête enregistrée au greffe le 21 août (soit le 12ième jour), saisi le juge du référé précontractuel d'une demande d'annulation de la procédure de passation. La métropole ayant fait état, dans son mémoire en défense, de la signature du contrat le 21 août et de l’irrecevabilité du référé introduit, la société Serex a demandé, à l’occasion de la même instance, l'annulation du contrat sur le fondement, cette fois, du référé contractuel.

Le tribunal administratif a estimé cette substitution recevable. Le référé précontractuel a, certes, été introduit postérieurement à la signature du contrat ; mais la métropole n’avait en réalité pas fait débuter le délai de suspension de signature (de onze jours) le 10 août, le courrier d’éviction étant insuffisamment motivé selon le tribunal. Et, faute de respect de ce délai de standstill, la première des conditions posées par l’article L. 551-18 du Code de justice administrative pour introduire un référé contractuel était présente. De même du reste que la seconde, le tribunal constatant, dans la foulée, une violation des règles de publicité et de mise en concurrence matérialisée par l’absence d’indication, en amont, de la pondération différenciée des sous-critères de choix. Le juge de première instance en déduisit la nullité du marché conclu, avec effet différé au 1er janvier 2013.

Contestant l’admission de la passerelle entre les deux référés, la métropole a alors saisi le Conseil d’Etat de la question, centrale, de la violation ou non du délai de suspension. Et, ce faisant, du contenu que devait avoir le courrier d’éviction.

L’acheteur public n’a pas à « trop » motiver sa décision d’éviction

Concrètement, le Conseil d’Etat avait deux possibilités. Ou bien, considérer que la motivation contenue dans le courrier d’éviction du 10 août 2012 était suffisante. Le référé précontractuel aurait alors été irrecevable (car introduit un jour trop tard), la substitution par un référé contractuel étant également impossible. Ou bien, reconnaître, à l’instar du tribunal – et du rapporteur public d’ailleurs – que la motivation initiale était insuffisante au regard de l’article 80 du Code des marchés publics, empêchant ainsi de faire débuter le délai de suspension dès le 10 août et affectant d’irrégularité la signature du 21 août (ouvrant ainsi la porte d’une possible référé contractuel).

Retenant l’argumentaire de la métropole, le Conseil d’Etat a finalement opté pour la première solution. Il a jugé « qu'il ressortait du dossier qui lui était soumis que cette notification mentionnait, outre le délai de suspension de la signature du marché, le classement de l'offre de la société Serex en deuxième position, les notes qui lui avaient été attribuées et celles qu'avait reçues l'offre retenue, inférieure à la sienne pour le critère du prix mais supérieure pour le critère de la valeur technique, de sorte que les motifs de rejet de l'offre de la société Serex et de choix de l'attributaire se déduisaient nécessairement des termes de cette notification, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a dénaturé les pièces du dossier ».

Certaines informations doivent donc être communiquées dès le courrier d’éviction ; mais l’acheteur public n’a pas à transmettre, par exemple, les motifs précis et détaillés justifiant les notes portées à la connaissance du candidat évincé.

L’impossible substitution du référé précontractuel par un référé contractuel

Naturellement, la Haute Assemblée, réglant ensuite l’affaire elle-même, a alors déduit de ce premier constat « qu'eu égard à la teneur des informations qu'elle mentionnait, la notification du rejet de son offre adressée à la société Serex le 10 août 2012 a fait courir à compter de cette date, en application des dispositions du I de l'article 80 du Code des marchés publics, le délai de suspension de la signature du marché de onze jours que la métropole Nice Côte d'Azur s'était imposé ; qu'il résulte de l'instruction que cette dernière a signé le marché litigieux avec la société Compagnie des Eaux et de l'Ozone le 21 août 2012, alors qu'elle était dans l'ignorance de la demande de référé précontractuel de la société Serex, enregistrée le même jour au greffe du tribunal administratif de Nice mais communiquée à la métropole Nice Côte d'Azur le 23 août 2012 seulement ».

Le tout pour conclure que « la société Serex, qui n'a formé un recours précontractuel qu'après l'expiration du délai de suspension de onze jours, n'a pas été privée de la possibilité de présenter utilement un tel recours ; que, par suite et en application de l'article L. 551-14 du Code de justice administrative, elle n'est pas recevable à demander l'annulation du marché sur le fondement des dispositions des articles L. 551-13 et L. 551-18 de ce code ».

Alors qu’il pouvait, le cas échéant, être justifié au fond, le référé contractuel a donc été rejeté pour une simple question de procédure.

Pour consulter la décision du Conseil d'Etat n°363342 du 18 décembre 2012, cliquez ici

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