Référentiel qualité du logement: «la qualité spatiale de l’habitat s’est indéniablement dégradée», François Leclercq

Le rapport de la mission sur la qualité du logement conduite par l’architecte-urbaniste et le directeur général d’Epamarne/Epafrance Laurent Girometti est rendu public ce mercredi 8 septembre. Alors que la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, s’inspirera de ce référentiel pour prendre des mesures qui seront annoncées mi-octobre, François Leclercq en décrypte les principales recommandations.

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L'architecte-urbaniste François Leclercq est co-rapporteur de la mission sur la qualité du logement.

Quel premier bilan tirez-vous des six mois de travail, et des quelque 90 auditions que vous avez pu mener pour établir ce référentiel du logement de qualité ?

Pour moi qui interviens depuis longtemps sur les sujets de la ville et qui exerce sur tous les territoires, avoir cette occasion de revenir aux fondamentaux a été formidable. On parle beaucoup de stratégie urbaine mais le logement, lui, demeure un impensé. Il constitue pourtant 70 % des villes. Il en est la matière première. Et cette matière, aujourd’hui, est devenue friable.

Toutes les personnes avec lesquelles nous avons échangé, ont d’ailleurs été d’accord pour dire que l’habitat mérite d’être amélioré. Sans doute avons-nous tous été marqués par les confinements que nous avons subis en raison de la pandémie. Cette mission nous a donc permis de travailler sur le concret, sur ce qu’il est possible de faire et quels leviers il est envisageable d’actionner.

Dans le document que vous avez remis à Emmanuelle Wargon, vous formulez un certain nombre de recommandations mais la toute première, celle sur laquelle vous insistez beaucoup, c’est l’augmentation des surfaces…

C’est en effet la principale. Depuis plusieurs décennies, la qualité spatiale des logements s’est indéniablement dégradée. Il y a notamment cette habitude, déjà ancienne, qui veut qu’une chambre fasse 9 m². Comme elle est souvent amputée par la présence d’un placard, on descend même à 7,5 m² réellement utilisables où l’on parvient à mettre un lit une place et un petit bureau. Et encore difficilement.

Espace de liberté

Puis, plus récemment, la cuisine en tant que pièce autonome, habitable, a disparu. On a vanté le principe de la convivialité du séjour-cuisine mais dans les faits, cette suppression de la cuisine s’est traduite par la suppression de la surface de la cuisine. Comme l’entrée souvent n’existe plus non plus, on se retrouve avec une pièce à vivre très difficile à aménager. Dans la production actuelle de logements, l’ameublement est devenu un vrai sport. Or, notre habitat devrait être un espace de liberté, le lieu où l’on devrait pouvoir dire : "je m'installe comme je l'entends." Une telle aspiration n’est pas conciliable avec des T3 qui aujourd’hui peuvent descendre  jusqu’à 56 m² de surface.

Votre document présente donc un tableau de surfaces minimums : 28 m² pour un T1, 62 m² pour un T3, 96 m² pour un T5. Toutefois ce qui semble importer, ce ne sont pas ces surfaces totales mais celles des pièces à vivre…

Les chiffres que nous  donnons correspondent en effet à des additions : les chambres et le couple cuisine-séjour doivent avoir des tailles minimums qui produisent la surface de l’ensemble de l’appartement. A quoi sert en effet d’avoir un logement globalement grand si c’est pour avoir de larges circulations qui mènent à de petites chambres ?

Nouvelles conditions du Pinel

Reprenons le cas du T3. L'an dernier, dans en un entretien au «Moniteur», vous plaidiez pour que leur taille standard soit de 70 m². Pourquoi le présent rapport ne propose-t-il que 62 m² ?

Ces surfaces recommandées dans le référentiel sont spécifiquement définies pour être applicables aux logements éligibles au dispositif de défiscalisation dit «Pinel». Le ministère délégué au Logement travaille actuellement à sa modification pour établir des taux de différenciés reposant sur des critères de qualité. Les taux actuels d'optimisations fiscales seraient ainsi assujettis à de nouvelles conditions en matière de performance environnementale mais aussi à ce que nous préconisons en matière de qualité d’usage.

De fait, ces critères bénéficieront aux logements qui seront éligibles au Pinel, mais aussi plus largement à ceux que l’on dit «pinelisables.» En effet, tant que les appartements ne sont pas commercialisés, on ne peut pas savoir s’ils seront acquis par des propriétaires bailleurs ou occupants. Mais comme le Pinel représente une garantie pour le promoteur de trouver plus facilement des acheteurs, il aura tout intérêt à faire en sorte que les logements qu’il produira correspondent aux nouvelles exigences.

Cette modification du Pinel est-elle le seul levier pour permettre de produire des logements plus grands ?

Les surfaces que nous proposons représentent un socle minimal, au niveau national. Mais notre rapport se fonde aussi sur des leviers locaux. Les collectivités territoriales peuvent ainsi se montrer plus volontaristes comme certaines le sont déjà depuis une dizaine d’années, à travers les chartes promoteurs qu’elles ont mises en place.

Commune par commune, ou métropole par métropole, un tel document peut fixer très finement un certain nombre de critères : les m², les vues, les espaces extérieurs, les chambres, et jusqu’aux rangements. J’aimerais d’ailleurs qu’à l’issue de notre mission puisse être créé un observatoire national qui compilerait les retours d’expériences de ces collectivités. La matière récoltée serait très utile pour les communes qui voudraient à leur tour établir une charte.

Label sur la qualité d'usage

L’établissement d’un label sur la qualité d’usage comme il en existe en matière de qualité de construction ou de performance énergétique serait également un bon instrument. Les grands investisseurs qui ont actuellement tendance à faire entrer davantage de logements dans leur patrimoine sont sensibles à de tels indicateurs.

Quelles sont vos autres grandes recommandations ?

Dans notre rapport, nous évoquons par exemple la mutabilité des logements. Elle est difficile à normer mais pour permettre aux logements de se transformer au gré des besoins, il faut faire confiance aux talents de conception des architectes et aux promoteurs.

Une autre dimension essentielle est la double orientation des logements et, si possible, leur traversabilité en façade opposée et ce, afin d’améliorer les capacités de ventilation des espaces. Ce point est crucial car la production est surtout pensée pour être bien isolée du froid et assez peu pour être protégée de la chaleur. Il faut donc concevoir des logements qui permettent de créer des courants d’air quand on ouvre les fenêtres.

Si on ajoute à cela une augmentation de la hauteur sous plafond de 2,50 m aujourd’hui à 2,70 m, on crée les conditions d’une nette amélioration de l’aération. Toutefois la question de la hauteur sous plafond est très dépendante des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des modifications ne pourront être obtenues qu’au fur et à mesure des révisions de ceux-ci.

Une surenchère sur le foncier limitée

Comment faire cependant pour que le prix de vente de ces logements plus qualitatifs, et notamment plus grands, ne devienne pas prohibitif ?

Nos propositions ne doivent pas représenter un coût en plus. Et ce n’est pas qu’un vœu pieux car, dans les faits, le prix de vente d'un logement est le résultat de la capacité de financement, et en particulier d'endettement, de son acquéreur. En partant de ce prix final, on soustrait le coût de construction - lui peut être considéré comme une constante même si des améliorations sont possibles. Reste alors le prix du foncier qui donc, mécaniquement, devrait baisser. Or nombre de promoteurs nous l'ont confirmé : s’ils sont à armes égales, ils sont prêts à limiter la surenchère sur l’acquisition des terrains.

Pourquoi votre rapport ne préconise-t-il pas de passer par la loi pour permettre la mise en œuvre de vos recommandations ?

Nous privilégions la simplicité et la souplesse. Tout ce que nous proposons pourrait être mis en place rapidement, y compris l'évolution du Pinel. Alors on peut rêver d’une grande loi, mais elle ne pourrait intervenir que dans un second temps.

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Date de réponse 10/10/2025