Pour former un référé suspension contre un marché public (art. L. 521-1 du Code de justice administrative - CJA), deux conditions doivent être réunies : l’urgence et un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la régularité du marché. La première condition est essentielle, rappelle le Conseil d’Etat dans un arrêt du 19 janvier 2015. En l’espèce, un office public de l’habitat avait lancé une procédure d’appel d’offres en vue de la construction d’un pôle de recherche. L’un des candidats évincés avait obtenu en référé précontractuel (art. L. 551-1 du CJA) l’annulation de la procédure de passation du marché et sa reprise au stade de l’examen des offres. Néanmoins, son offre étant de nouveau rejetée, il saisit le juge des référés pour la suspension de l’exécution du marché. Débouté, le candidat évincé se pourvoit alors en cassation.
Principe d’impartialité respecté
Tout d’abord, les sages du Palais-Royal analysent la régularité de l’ordonnance de référé attaquée et en profitent pour revenir sur une précédente jurisprudence (CE, 3 février 2010, « Communauté des communes de l’Arc mosellan », n° 330237). Désormais, « le principe d'impartialité ne fait pas obstacle à ce qu'un magistrat ayant prononcé [en référé précontractuel], l'annulation de la procédure de passation d'un marché public statue sur une demande […] tendant à la suspension de l'exécution du marché attribué après reprise de la procédure de passation conformément à la première décision juridictionnelle ». Les juges rejettent donc le moyen selon lequel la société évincée, pour contester la régularité de l’ordonnance, soutenait qu’un même magistrat ne pouvait pas statuer au stade du référé précontractuel puis à celui du référé-suspension sans méconnaître le principe d’impartialité.
Condition d’urgence manquante
Puis la Haute Juridiction administrative confirme la solution retenue par le juge des référés en rejetant le pourvoi formé par la société évincée, au motif que cette dernière n’a pas caractérisé l’urgence de sa situation. Elle s’est contentée d’avancer que « le marché litigieux représentait jusqu’à 36,7 % de son chiffre d’affaires et que l’intérêt pour elle de conclure un tel marché constituait en soi une situation d’urgence ». Pour le Conseil d’Etat, le juge des référés a souverainement apprécié les faits de l’espèce en relevant que la société évincée n’était pas le titulaire du marché précédent et que la perte de chance d’obtenir ce marché n’était pas de nature à générer une situation d’urgence justifiant la suspension du marché. Autrement dit, le chiffre d’affaires de la requérante ne dépendait pas de ce marché. Le préjudice financier résultant d’une perte de chance d’exécuter le marché ne pouvait donc pas créer de situation d’urgence. Le pourvoi est rejeté.