Avec sa dominante rurale et ses deux gros bassins industriels, la Saône-et-Loire présente un état des eaux dégradé. « Sur l’ensemble du bassin versant de la Loire, 24% des rivières sont en bon état ; mais, en Saône-et-Loire, on est à 12% », constate Jean-Pierre Morvan, directeur de la délégation Allier-Loire amont à l’Agence de l’eau Loire-Bretagne.
Priorité aux rivières proches du bon état
L’établissement public s’est donné pour objectif de restaurer les rivières en ciblant celles qui sont proches du bon état écologique. Avec les syndicats auxquels elle est liée par des contrats territoriaux, l'agence tente de mobiliser les acteurs qui ont des leviers d’action à fort impact.
« L’industrie nous intéresse car elle a des besoins en eau importants et des capacités de financement pour travailler soit sur des économies d’eau, soit sur le traitement de l’eau – voire souvent les deux », précise Jean-Pierre Morvan. En 2024, l’Agence de l’eau Loire-Bretagne a ainsi soutenu en Saône-et-Loire deux projets industriels, pour près d’un million d’euros : une étude préalable pour le site industriel d’Aperam à Gueugnon (qui souhaite récupérer les eaux de pluie) et, projet majeur, l’installation d’un nouveau process à l’usine Michelin de Blanzy baptisé Hydraloop.
Hydraloop, une vitrine pour Michelin,
« Aujourd’hui, pour refroidir les machines, on prélève 160 000 m3 d’eau dans la Sorme avant de les rejeter dans la Bourbince », explique Jean-Baptiste Clément, animateur performance eau chez Michelin à Blanzy (1 200 salariés). Depuis 2020, les sécheresses à répétition ont montré les limites de cette solution : la Sorne est en effet la principale ressource en eau potable pour la communauté urbaine du Creusot-Montceau et, « quand le préfet prend des arrêtés sécheresse, on est directement concernés, puisque la priorité est donnée à l’alimentation en eau potable », souligne Jean-Baptiste Clément.
Le projet Hydraloop sécurisera l’alimentation en eau de l’usine en recyclant ses eaux usées pour les renvoyer en tête de process. Cela permettra de réduire de 80% les prélèvements dans la Sorme et, avec la construction d’un nouveau bassin de stockage, de disposer à terme de 8 000 mètres cubes assurant dix jours d’autonomie.
Les aménagements mobilisent 4 millions d’euros d’investissements, dont 950 000 euros financés par l’Agence de l’eau. Ils ont été confiés à la SADE, spécialiste des réseaux, à Eiffage (pour la partie électrique) et à une entreprise de terrassement et génie civil locale, Allayrat – assistés du bureau d’études Egis.
Marchés publics à la ferme
L’activité agricole offre un deuxième levier majeur pour améliorer la qualité des cours d’eau proches du bon état écologique et chimique. Le Syndicat mixte du bassin versant de la Bourbince (SMBVB) le montre à travers ses aides à l’installation de clôtures le long des rivières : un dispositif destiné à éviter que les bêtes ne descendent s’abreuver – ce qui déstabilise les berges et produit des pollutions fécales.
En huit ans, le SMBVB a déjà financé, avec l’Agence, le conseil régional et le Feader, 180 kilomètres de clôtures et 600 abreuvoirs, sans reste à charge pour les 224 agriculteurs engagés. Le budget de travaux atteint un million d’euros par an.
Une entreprise amie des vaches
Ces chantiers font systématiquement l’objet de marchés publics. Ils ont été assurés, dans l’aire du SMBVB, par l’entreprise Duband TP qui compte parmi ses salariés un fils d’exploitant agricole capable de faire les travaux sans effrayer les bêtes au pré. Autre avantage : « Duband TP a investi dans un matériel adapté à la nature des travaux demandés », explique Benjamin Gauthier, directeur du SMBVB.

Deux abreuvoirs,, une clôture et un pont ont mobilisé 25 000 € chez Jean-Pierre Tricot, éleveur à St-Vallier: des travaux entièrement financés sur fonds publics.
Jean-Pierre Tricot, éleveur à Saint-Vallier (420 têtes), a sauté le pas grâce à une prise en charge des travaux à 100% (25 000 euros au total). L’entreprise Duband TP a creusé sur son terrain, le long de la Limace, un puits de 4,5 m pour aller chercher la source. L’eau descend ensuite vers les abreuvoirs par un système gravitaire.
Chasse au gaspillage
« Les abreuvoirs sont équipés de flotteurs, précise Jean-Pierre Tricot. Il n’y a pas de gaspillage. Quand on sait qu’une vache a besoin de 120 litres par jour, c’est une sécurité, parce que les années de canicule, la rivière ne coulait plus. » Un pont a également été construit pour permettre le passage du tracteur d’une rive à l’autre.
Convaincre les acteurs locaux d’agir sur le grand cycle de l’eau demande cependant « un gros travail d’animation de terrain pour expliquer, porter un discours, montrer les résultats obtenus et accompagner en ingénierie », souligne Jean-Pierre Morvan.
Ces efforts permettront-ils à la Saône-et-Loire de rattraper son retard dans la gestion de l’eau ? "Il n’y a pas de planification multi-acteurs à une échelle pertinente », constate Bénédicte Cretin, directrice départementale adjointe des territoires. Le département ne recense aucun projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE). Le seul schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (Sage), adopté, en 2009, a été arrêté en 2015 par le préfet.