Lors d’un colloque organisé le 23 avril à Paris par la Fondation bâtiment énergie, Michel Jouvent (délégué général d’Apogée) et Michel Huet (avocat et docteur en droit), co-pilotes du groupe de travail sur la garantie de performance énergétique (GPE) au sein du Plan bâtiment durable, ont présenté en avant-première les résultats de leur travaux. Le rapport qui sera bientôt remis à Philippe Pelletier, président dudit Plan, suit deux grands axes visant, d’une part, à fournir une méthodologie pratique de mise en place de la GPE intrinsèque (GPEI) et, d’autre part, à encadrer le risque de mise en jeu de la garantie décennale.
Un guide méthodologique et une Charte GPEI
Le groupe de travail s’est focalisé sur la GPE intrinsèque (ou GPEI), telle que définie par le rapport Costa/Jouvent d’avril 2012 (lire notre article). Elle consiste pour le prestataire à s’engager sur le niveau maximal de consommations énergétiques dans le cadre des cinq usages définis dans la RT 2012. Elle est intrinsèque à la qualité du bâti et ne dépend pas du comportement de l’utilisateur. C’est précisément ce qui la différencie de la garantie de résultats énergétiques sur l’usage (GRE), portant sur un niveau maximal de consommations réelles et mesurées ou effectives.
Pour faire décoller le recours à la GPEI, le groupe de travail a tout d’abord élaboré un guide méthodologique listant une soixantaine d’actions réparties sur les sept phases d’un projet. « Nous avons également défini les spécifications minimales d’un logiciel de « simulation énergétique dynamique – SED » permettant de mettre à jour les données tout au long du projet et tenir le cap des consommations garanties », explique Michel Jouvent. Enfin le groupe a rédigé une Charte GPEI, en cours de signature. Elle comporte six engagements parmi lesquels : mettre en œuvre le guide méthodologique GPEI, utiliser un logiciel SED correspondant aux spécifications définies, et faire un suivi annuel de la mise en œuvre de la GPEI. « Reste la question de l’imputabilité du surcoût de la GPEI, que le groupe de travail n’a pas voulu trancher », admet Michel Jouvent.
La performance énergétique entre dans le champ de la garantie décennale
Autre question (très) épineuse, celle de la prise en charge ou non du défaut de performance énergétique par la garantie décennale des constructeurs – et par l’assurance décennale. Mais une réponse semble enfin se dessiner ! « Le sous-groupe de travail (1) qui a planché sur le sujet vient en effet de trouver un consensus », explique Michel Huet, qui a piloté la réflexion. « Tout d’abord sur le fait qu’il y a juridiquement un risque, en l’état, que la garantie décennale s’applique à la GPE via le juge. » Consensus aussi, après moult débats, sur l’idée qu’il ne faut pas toucher au Code civil. « Lors de la dernière réunion du 17 avril, nous avons réussi à nous mettre d’accord entre représentants des entreprises, des maîtres d’œuvre et des assureurs sur la rédaction de nouveaux textes législatifs et réglementaires permettant d’encadrer le risque d’application de la garantie décennale à la performance énergétique », par la prise en compte de la seule consommation conventionnelle au regard de la RT 2012, se réjouit l’avocat. Il sera donc proposé aux pouvoirs publics :
- de modifier la loi, par la création d’un nouvel article L. 111-10-5 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) commençant ainsi : « Nonobstant toute stipulation contractuelle contraire, la destination mentionnée à l’article 1792 du Code civil […] est définie, en matière de performance énergétique, au regard de la seule consommation « conventionnelle » maximale de l’ouvrage […]. L’impropriété à la destination ne peut être retenue que dans le cas d’une différence de consommation conventionnelle supérieure à un seuil, en présence de dommages affectant matériellement l’ouvrage ou ses éléments d’équipement […]. »
- de fixer par décret le seuil visé ci-dessus, dans le CCH, à « 20 % sans pouvoir être inférieur à 10kWhep/m2.an ».
- de modifier les clauses-types applicables aux contrats d’assurance de dommages-ouvrage dans le Code de l’assurance, afin notamment « d’encadrer les conditions de l’expertise » ainsi que les déclarations de sinistre pour les désordres de consommation énergétique et éviter des mises en œuvre de la garantie décennale intempestives, explique Michel Huet.
(1) Composé d’une trentaine de membres, notamment : FPI, FFB, EGF-BTP, FFSA, Syntec, Cinov, CSTB, Miqcp, CNOA, MAF, Bouygues immobilier, Nexity, La Poste, le professeur Hugues Périnet-Marquet…