La gestion déléguée des services publics est une tradition séculaire en France. Cette pratique, renouvelée et enrichie par l'adoption de l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, véhicule nombre d’idées reçues…
Tout d'abord, le partenariat public-privé (PPP) est parfois assimilé à tort à une privatisation du service public. La pratique contractuelle du PPP associe le secteur privé, sous le contrôle étendu de la personne publique, au financement, à la réalisation et l'entretien/maintenance d'ouvrages publics (bâtiments, infrastructures). Le contrat confère à la collectivité publique d'importantes prérogatives permettant de garantir, en toute transparence, le respect des principes gouvernant le service public (égalité, continuité, adaptation). L'importance que ce cadre contractuel accorde aux objectifs de performance du titulaire confère même à la personne publique plus de prérogatives de contrôle que les délégations de service public traditionnelles.
PPP et coût global
Il est par ailleurs prétendu que le PPP serait "plus cher" que les modes de gestion publique traditionnelle. Pourtant, le recours au PPP - qui procure différents avantages objectifs (savoir-faire du secteur privé, approche intégrée, délai de construction, etc.) - ne saurait d'emblée être disqualifié du point de vue de son coût global. Au contraire, les offres financières proposées par le secteur privé, qui incluent non seulement le coût de construction mais aussi le coût d'entretien/maintenance des ouvrages sur une longue période, ont été jugées, dans la plupart des projets, satisfaisantes. Par ailleurs, la comparaison des coûts de gestions publique et privée demeure à ce jour difficile à mener, à défaut d'outils de mesure fiables (notamment en l'absence d'informations sur les coûts de gestion publique traditionnelle).
Arbitrages budgétaires lucides
Le PPP accélérerait, selon d'autres critiques, le processus d'investissement sans en révéler immédiatement l'ampleur budgétaire (effet d'aubaine). Le PPP demeure cependant parfaitement compatible avec des arbitrages budgétaires lucides et éclairés. Le cocontractant privé s'engage en effet contractuellement sur un niveau de rémunération (versé par la personne publique à compter de la mise à disposition de l'ouvrage) couvrant forfaitairement l'intégralité des coûts (financement, réalisation, entretien/maintenance et renouvellement de l'ouvrage) sur la durée du contrat. Le PPP permet donc de déterminer précisément, dans l'optique d'une meilleure prévision budgétaire, les crédits de paiement public à allouer à la gestion d'un ouvrage sur la période d'exécution du contrat.
Véritables enjeux pour la réussite d’un PPP
Ces idées reçues, souvent reprises par les détracteurs du PPP, masquent les véritables enjeux qui conditionnent la réussite d'un tel partenariat :
- en premier lieu, la capacité des pouvoirs publics à identifier leur besoin, puis à évaluer les ressources financières publiques permettant d'y satisfaire sur le long terme. L'évolution des besoins de la personne publique au cours d'un projet est généralement facteur de retards et/ou surcoûts ;
- en second lieu, l'allocation optimale des risques entre les partenaires public et privé au terme d'un processus de dialogue compétitif transparent. Depuis 2004, la mise en place d'organismes experts de l'administration, le développement progressif de pratiques contractuelles et de standards et l'émergence de réseaux d'échanges contribuent à des solutions de partage équilibrées ;
- en troisième lieu, la mobilisation d'équipes spécifiques et de conseils rompus aux phases de négociation et d'exécution (disposant idéalement de l'expérience alternative du secteur public et du secteur privé). La mise en place d'équipes projet, dotées de compétence technique, juridique et financière, est plus particulièrement nécessaire au sein des personnes publiques ;
- en dernier lieu, la maîtrise du financement et la bonne connaissance des contraintes associées par l'ensemble des acteurs. Dans le contexte actuel de forte aversion au risque des banques et de volatilité des taux d'intérêt, le financement de projets récents a pu rencontrer des difficultés. Les solutions trouvées, qui reposent sur le renforcement des garanties exigées des personnes publiques par le secteur bancaire, n'apparaissent pas pleinement justifiées dans l'optique d'un partage équilibré des risques. D'autres solutions, plus équitables et sécurisantes pour l'ensemble des parties, devront être recherchées.
Si les enjeux précités sont maîtrisés, le PPP demeure un outil adapté pour réaliser, dans un contexte de restriction budgétaire, un service public performant aux meilleurs coûts et dans la plus grande transparence.
Besoins immédiats d’infrastructures à satisfaire
L'abandon du PPP serait regrettable alors qu'il a connu une dynamique de progrès sans précédent depuis huit ans. Plus d'une centaine de contrats de partenariat ont été conclus (ou sont en voie de l'être) dans ce cadre, portant parfois sur la réalisation d'infrastructures d'intérêt majeur telles que le canal Seine Nord Europe ou différentes lignes ferroviaires à grande vitesse.
L'intérêt d'un PPP performant demeure évident à l'heure où les besoins immédiats d'infrastructures publiques (prisons, hôpitaux, bâtiments de justice, universités, écoles, etc.) sont importants et où la maîtrise des dépenses de l'Etat et des collectivités territoriales devient cruciale. En redéployant les compétences administratives autour d'activités régaliennes et en s'appuyant sur des modes de gestion transparents, il peut aussi constituer un outil de réforme des politiques publiques.
Il est donc temps de dépasser définitivement les idées reçues que peut encore parfois susciter le recours au PPP et de se recentrer sur les véritables enjeux attachés à un tel partenariat. Cette approche aura aussi le mérite de sortir du débat poussiéreux, où se complaisent les idéologies anti-privatisation, en les réconciliant avec l'impérieuse nécessité de réformer nos services publics sans alourdir le poids de la dette.