L'air pollué pèse sur notre santé mais aussi sur nos finances. Et pas qu'un peu. La pollution de l'air coûterait ainsi plus de 100 milliards d'euros par an à la France, selon une commission d'enquête du Sénat qui a rendu public mercredi 15 juillet son rapport intitulé "Pollution de l'air: le coût de l'inaction".
Selon la Commission, le coût sanitaire global (traitements des maladies, mortalité prématurée, absentéisme, etc) représente ainsi "entre 68 et 97 milliards d'euros", dont 3 milliards pour le seul impact sur la Sécurité sociale. Mais il existe également un coût non sanitaire et celui-ci est porté par nos bâtiments.
En effet, la pollution de l’air, et en premier lieu la pollution particulaire, est responsable de la détérioration des façades, particulièrement celles de bâtiments du patrimoine, plus fragiles. Des dégradations tant esthétiques (encrassement, dépôts noirâtres) que physiques, du fait de l’érosion des matériaux et de leur sulfatation ou de leur carbonation. Et tous les matériaux sont concernés : la pierre, le ciment, le béton, la brique, la céramique ou encore le bois.
Les transports principaux pollueurs
La commission d'enquête sénatoriale s'est appuyée sur deux études européennes pour tenter de chiffrer le coût que représentent les dégâts causés aux bâtiment par la pollution de l'air.
La première étude menée dans le cadre du programme Cafe (Clean Air For Europe - Air pur pour l'Europe) relève tout d’abord un certain nombre d’effets néfastes, comme la corrosion des pierres, des métaux et des peintures, la corrosion du patrimoine culturel, les dommages provoqués par l’ozone sur les matériaux polymères ou encore la salissure des bâtiments. Pour l’ensemble des 25 pays européens étudiés, elle chiffre le coût total de ces dégradations à 1,1 milliard d’euros.
La seconde étude prise en compte par la commission sénatoriale est une étude de 2000 menée par l’Institut de recherche et de conseil Infras et l’Institut für Witschaftspolitik und Wirtschaftsforschung (IWW). Cette étude s'intéresse à la pollution causée par les transports. Extrapolant une étude de l’Infras en 1992 sur le coût de la pollution de l’air due aux transports en Suisse, l'étude de l'IWW conclut qu’environ 18 % des coûts associés à la pollution de l’air due aux transports était lié aux dommages des bâtiments (contre 81 % pour les coûts sanitaires et 1 % du fait des pertes de rendement agricole). Pour la France, l’étude retient un coût global associé à la pollution de l’air due aux transports de 19 milliards d’euros par an, et donc un coût lié aux dommages des bâtiments d’environ 3,4 milliards d’euros en 2000.
Toujours en 2000, le Plan régional de la qualité de l’air d’Ile-de-France évaluait pour sa part le coût de rénovation des bâtiments publics d’Ile-de-France entre 1,5 et 7 milliards de francs, soit, si l’on retient l’estimation la plus élevée, plus d’1 milliard d’euros par an.
Quelle réponse ?
Outre des efforts sur la connaissance du phénomène, la commission sénatoriale préconise donc de s'attaquer aux sources principales de la pollution de l'air, transports en tête. Ce secteur représente en effet 59% des émissions d'oxydes d'azote et entre 16 et 19% des émissions de particules fines. Les sénateurs plaident notamment en faveur d'"une véritable fiscalité écologique", comme la mise en place d'une taxe sur les émissions d'azote, d'oxyde d'azote et de particules fines, ou l'alignement progressif jusqu'en 2020 de la fiscalité de l'essence et du diesel. Ils avancent aussi des propositions dans le domaine de l'agriculture, de l'industrie, sur les modes de chauffage et même sur la formation des professionnels du bâtiment pour laquelle ils proposent d'inclure l'étude de la qualité de l’air intérieur et extérieur.
Réagissant à la publication du document, la ministre de l'Écologie Ségolène Royal a promis d'annoncer "la semaine prochaine" des "mesures extrêmement fermes" de lutte contre la pollution de l'air. "Pour faire face à ce problème de santé publique et ce grave problème économique, il faut maintenant agir, agir vite et prendre des décisions qui soient à hauteur du problème", a-t-elle déclaré au sortir du Conseil des ministres.