A sept mois de sa livraison, le Parlement européen de Strasbourg prend tournure. En longeant le paquebot de verre amarré dans la courbe de l'Isle, on découvre maintenant le coeur du projet : un énorme ellipsoïde contenu dans une longue vitrine en verre, et qui dépasse légèrement du plan incliné de la toiture, à l'extérieur. L'idée architecturale voulait un monolithe. En réalité, il s'agit de deux volumes interceptés précisément par le toit, sur une hauteur de 1 m (« Le Moniteur » du 1er novembre 1996, p. 83). La charpente métallique a aujourd'hui disparu sous un habillage de bois complet. « Cet objet autonome coupe au sol une surface de 2 200 m2, rappelle René-Henri Arnaud, architecte. Etant donné la complexité des formes, son enveloppe en bois n'a pu être préfabriquée. C'est donc nervure par nervure que nous nous accrochons à la structure métallique. » De 0 à 18 m, il s'agit de cerces en tubes qui ceinturent un cylindre formé de deux voiles en béton précontraint. Au-delà, il s'agit de l'ossature qui dessine le dôme émergeant du toit. « Nous mettons en place des chevrons en lamellé-collé qui tracent les méridiens de l'ellipsoïde, explique Patrick Reistersheim, chargé d'affaires de Weisrock. Nous devons réaliser quatre-vingt-dix moules différents par tranches de 8 m, ce qui correspond au total à environ cinq cents formes distinctes. Ils sont espacés de 45 à 55 cm (section : 100 X 50 mm). »
A l'intérieur, la fixation aux tubes s'opère au moyen de cavaliers soudés en acier galvanisé. Les conditions d'exploitation du bâtiment représentent une difficulté réelle pour le bois : le Parlement n'est ouvert qu'une semaine par mois, ce qui se traduit par des écarts de température importants et fréquents tout au long de l'année.
Hygrométrie variable
Il contient par ailleurs un jardin intérieur qui fait l'objet de pulvérisations d'eau. « La variabilité hygrométrique (de 0 à 90 % d'humidité) rendait indispensables les essais en laboratoire, indique Michel Le Sommer, ingénieur d'affaires du CTBA (1). C'est ainsi que les attaches en acier galvanisé ont été rejetées au profit de l'Inox. » Des tests à l'arrachement ont défini la forme des agrafes en fonction des efforts de torsion que subissent les lattes mises en force sur le globe ellipsoïdal, ainsi que le jeu minimum entre lattes (2,5 mm contre 1 mm prévu au départ), et l'humidité de mise en oeuvre (9 à 10 %).
Les chevrons sont donc habillés de laine de roche fixée sur un Nergalto et servent de support aux lattes en chêne brut poncé et traité à l'huile de lin (70 % de la surface totale), ou en Red Cedar brut. Epaisseur : 27 mm. Ces lattes sont liées par des languettes en partie basse, et par des agrafes en partie haute. « C'est finalement l'équivalent d'un parquet vertical, ajoute Claude Kirchhofer, de Construction Bois. Nous plaçons de plus un joint qui assure étanchéité et continuité, et qui présente une certaine souplesse d'ajustement, en plus de celle des cavaliers qui sont équipés d'une cale biaise, qui corrige les défauts d'horizontalité des cerces métalliques. » Sur le dôme extérieur, les chevrons viennent se fixer sur des plots en métal qui émergent de l'étanchéité bitumineuse de couverture.
Ces prouesses ont été rendues possibles grâce à l'utilisation du logiciel Bocad, associé à une base de données commune au constructeur métallique (Eiffel) et aux entreprises de bois. Tous les calculs ont été effectués en permanence en trois dimensions.
(1) Centre technique du bois et de l'ameublement
FICHE TECHNIQUE
Maîtrise d'ouvrage : Sers.
Maîtrise d'oeuvre : Architecture Studio Europe.
Entreprises : Weisrock et Construction Bois.
PHOTO : 1. Le toit du Parlement est dominé par le sommet d'un ellipsoïde qui coiffe l'hémicycle.
2. A l'intérieur, le volume est enserré dans un bâtiment en verre. Sa totalité est habillée de lattes en bois.
3. Les chevrons s'accrochent à des cerces métalliques au moyen de cavaliers galvanisés.