Plaidoyer pour un meilleur ajustement des énergies renouvelables à la RT 2005

Le promoteur Pierre Etoile réalise actuellement deux programmes de logements visant la labellisation Minergie. A partir de ces expériences, son président, Marc Gédoux, a identifié les corrections de la réglementation thermique française à opérer, pour une meilleure prise en compte des énergies renouvelables.

Aujourd'hui la RT 2005 pénalise l'utilisation des énergies renouvelables. L'obtention du label Minergie®, ou tout autre label, y compris français, n'exclut pas de se conformer aux règles thermiques en vigueur, en l'occurrence la RT 2005. Sur ce point, notre surprise a été totale. Je pense qu'il est urgent d'accélérer la mise à jour de la réglementation thermique française pour ne plus handicaper l'utilisation des énergies renouvelables en tant que sources d'énergie principales pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire de nos logements.

Les facteurs à corriger sont :

• Dans les calculs thermiques, la pénalisation des consommations électriques nécessaires au fonctionnement des matériels qui mettent en oeuvre les énergies renouvelables (pompes à chaleur, chauffe-eau solaires, ventilations double-flux, puits canadiens,...). En effet, le coefficient de conversion entre l'énergie finale au compteur électrique de l'abonné et l'énergie primaire est de 2,58 au lieu de 1 pour le gaz (pour 2 en Suisse et 1,80 en Allemagne). On privilégie ainsi en France, pour le chauffage et la production d'eau chaude sanitaire, l'utilisation du gaz qui est une énergie fossile qui produit trois fois plus de CO2 qu'une pompe à chaleur. Actuellement en France, pour du logement neuf collectif, il n'est pas raisonnable d'un point de vue économique d'atteindre le label BBC autrement que par l'utilisation du chauffage au gaz.

• La mauvaise prise en compte des apports thermiques issus de la ventilation double-flux et la pondération à la hausse de l'électricité du moteur de groupe de ventilation.

• La prise en compte partielle de l'inertie des logements apportée par l'isolation extérieure et la masse des murs et des planchers. En Suisse, l'inertie serait un stockage de calories en hiver et un réservoir de fraîcheur en été (comme dans les anciennes demeures aux murs épais). En France, ce n'est qu'une masse à réchauffer en plus de l'air du logement.

• La non prise en compte à ce jour des apports de la pompe à chaleur pour l'eau chaude sanitaire ce qui nécessite, pour les calculs réglementaires, de prévoir une puissance installée supplémentaire mais non utilisée.

• La prise en compte partielle de l'apport thermique provenant de l'exposition aux rayons solaires des baies vitrées (seules les déperditions sont prises en compte). En Suisse les bow-windows sont des radiateurs, en France uniquement des générateurs de déperditions.

• La nécessité d'une sur-puissance « pour la relance du plancher chauffant » des appartements. De plus, la forte inertie de nos logements la rend d'autant plus inutile.

• La non-prise en compte de l'apport thermique du poêle à bois (6 kW) qui exclue la biénergie. Toutefois, pour ce point une demande de dérogation est en cours.

De plus, des recommandations techniques d'EDF demandent aux électriciens de prévoir, au niveau des tableaux électriques individuels des abonnés, les mêmes puissances qu'ils aient ou non du chauffage électrique. Ainsi, nous avons 3 kW en trop par logement quand ils ne sont pas chauffés à l'électricité. On pousse les usagers à la consommation sous prétexte d'un certain confort. Ceci multiplié par le nombre total de logements accroît sensiblement la puissance à souscrire pour l'ensemble d'un immeuble.

A cause de la puissance installée supplémentaire et de la pénalisation de l'énergie électrique, les logements Terra Natura® vont atteindre le niveau C sur l'étiquette « énergie » du DPE (diagnostic de performance énergétique), alors que leur consommation d'énergie va être inférieure à 42 Kwep/m².an selon la méthode Minergie® (le niveau A est situé à 50 Kwep/m².an selon la méthode DPE). Ces mêmes logements vont d'ailleurs obtenir le niveau A sur l'étiquette CO2, juste récompense de l'utilisation massive des énergies renouvelables. A titre d'exemple, pour notre programme de logements collectifs (lot 3), les calculs de déperditions demandent la mise en place pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire d'une puissance de 121 kW, alors que les calculs Minergie® n'en n'exigent que la moitié. Pour atteindre cette puissance, nous sommes obligés d'installer une chaudière électrique collective en couplage avec la pompe à chaleur, chaudière qui dans la pratique ne fonctionnera jamais.

Cette vision simpliste, (Pierre Etoile est un maître d'ouvrage non spécialiste de la question thermique) n'est évidemment pas strictement la réalité dans le détail mais elle illustre bien les approches respectives de la RT2005 et de Minergie®.

De plus, la construction de bâtiments ayant recours aux énergies renouvelables comme sources énergétiques principales coûte cher (+40%), en France. Les contradictions que je viens d'évoquer y contribuent pour un bon tiers. En France, la filière n'est pas encore prête et je tiens à remercier les entreprises et leurs fournisseurs qui ont accepté de s'engager à nos côtés dans cette voie nouvelle et à l'échelle de 59 logements. Nous constatons que le chauffage électro-solaire, la géothermie et la ventilation double-flux coûtent encore trop cher en France, comparativement à nos voisins allemands, suisses et autrichiens. Il en est de même pour l'industrialisation des menuiseries extérieures compatibles avec une isolation par l'extérieure épaisse. Cette filière est quasi-inexistante en France, alors qu'elle s'est développée chez nos voisins suisses et allemands. Pour l'opération de Cormeilles-en- Parisis, nous devons innover, ajuster les solutions proposées par la maîtrise d‘oeuvre à celles applicables par les entreprises et leurs fournisseurs à un coût raisonnable. La mise au point des plans des marchés des travaux a nécessité plus de huit mois au lieu de trois mois habituellement. Certains matériels et matériaux ont dû obtenir une certification spécifique pour une mise en oeuvre en France.

Si l'on doit attendre la prochaine réglementation, soit 2012, pour faire faire évoluer les choses, dont la démocratisation des énergies renouvelables, on va à l'encontre des objectifs du Grenelle de l'Environnement et on prend encore plus de retard par rapport à nos voisins.

Dans l'intérêt de la filière, si nous voulons réellement favoriser le développement des énergies renouvelables, transformer les volontés en actes, il est urgent d'ajuster les règles à ces nouvelles technologies, et ce, dans cet ordre.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !