Interview

Permis d'expérimenter : « La procédure est très simple à condition d'avoir les compétences », Socotec

Créé par l'ordonnance « Essoc 1 » fin 2018, le permis d'expérimenter autorise les maîtres d'ouvrage à s'éloigner des règles de construction en adoptant une « solution d'effet équivalent » (SEE). Celle-ci doit être attestée par des tiers tels que les contrôleurs techniques. Socotec, qui s'est positionnée sur ce marché, livre son premier retour d'expérience.

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Franck Pettex-Sorgue (à g.) et Patrick Bossa, dont l’entreprise Socotec s’est positionnée sur le marché des permis d’expérimenter.

Entretien avec Franck Pettex-Sorgue, directeur général, et Patrick Bossa, directeur technique de Socotec

Vous avez validé au printemps une SEE sur un projet d'envergure. Quel est son contexte ?

Patrick Bossa : Il s'agit de la construction d'un immense entrepôt dans le Haut-Rhin. Ce projet très complexe ne pouvait être envisagé, même avec des surcoûts, sans déroger à la réglementation sismique.

En quoi consiste cette opération ?

Franck Pettex-Sorgue : Considéré comme un bâtiment à risque normal, cet édifice doit respecter l'arrêté du 22 octobre 2010 lui imposant un spectre normatif de vibration défini. Or, ces règles conduisent à dimensionner la structure d'une manière qui rend impossible l'exploitation logistique du bâtiment. Avec ses surfaces importantes, cet entrepôt de quatre niveaux a en effet vocation à accueillir des robots dont le travail est réglé au millimètre près. Le risque d'une dilatation trop grande aurait rendu compliqués leurs déplacements. L'ordonnance Essoc 1 autorisant la dérogation aux règles parasismiques, le maître d'ouvrage a opté pour une SEE visant à recourir à un microzonage sismique pour ce site.

La procédure du permis d'expérimenter est-elle complexe à mener ?

P. B. : Non, elle est extrêmement simple à condition que les études soient précises et que les professionnels chargés de formuler et de valider la SEE aient la capacité de le faire. Un microzonage sismique, par exemple, demande des compétences très spécifiques. Il faut que les maîtres d'ouvrage et les maîtres d'œuvre se saisissent de l'outil sans redouter que les contrôleurs techniques soient frileux.

Nous sommes ouverts aux échanges permettant de trouver les solutions nécessaires pour que les projets se réalisent !

Faut-il s'attendre à voir davantage de permis d'expérimenter pour des grosses opérations ?

F. P. -S. : Le dispositif peut être intéressant sur des projets petits ou standards, lorsque l'on parvient à le dupliquer. C'est notamment le cas sur des problématiques liées à la ventilation. Mais il s'avère aussi utile sur des projets hors normes - comme le montre l'entrepôt du Haut-Rhin -lorsque des questions de volumétrie et de poids se posent.

Les possibilités sont nombreuses, car le permis d'expérimenter porte sur neuf domaines tels que l'acoustique, l'accessibilité, la sécurité incendie, etc. Sur les gros projets, il est certain qu'il y aura matière à une SEE dans l'un de ces champs au moins pour rendre l'opération faisable, plus rapide ou moins coûteuse - et souvent les trois à la fois.

Cet outil peut-il être mis à profit par les acteurs du BTP s'intéressant au réemploi ?

P. B. : Pour l'instant, le réemploi concerne surtout des matériaux simples tels que de la moquette, les faux plafonds, etc. Nous travaillons par exemple sur une opération d'isolation où entre 60 et 80 % des bardages existants vont être réemployés. Il n'a pas été nécessaire de recourir au permis d'expérimenter. Mais le fait qu'Essoc 1 ait inclus le réemploi dans son périmètre ouvre la voie aux ingénieurs pour trouver des solutions innovantes, adapter des projets atypiques à une réglementation qui n'a pas été pensée pour la circularité. Le passage par une SEE est indispensable lorsque les matériaux réemployés sont soumis à des exigences fortes en termes de sécurité incendie, d'isolation phonique, thermique, etc.

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