Paul Andreu : Ecrire "pour se venger de l’architecture"

Architecte et ingénieur, Paul Andreu, né en 1938, a construit de nombreux aéroports. Mu par un désir ancien, il a aussi publié trois romans et deux recueils de nouvelles...

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Paul Andreu, architecte

«Il arrive que les découvertes essentielles à votre définition vous prennent au dépourvu, agressent votre souffle ; elles causent un ravage immédiat, requis et désiré dans l’instant même où elles vous cinglent », écrivait le compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez dans « Libération » en 1983. De même Paul Andreu se souvient-il du moment exact où l’écriture s’est imposée à lui : « Un jour, en me rendant à mon bureau - je disposais d’un chauffeur à cette époque -une phrase s’est présentée à mon esprit, je me suis laissé surprendre. Puis une deuxième est arrivée, et de là, un paragraphe entier. J’ai continué, et c’est devenu “ L’archipel de la mémoire ” [édité chez Léo Scheer en 2004]. J’écris ainsi, par fragments qui s’organisent ensuite autour de quelque chose. Dans ce cas précis, il s’agissait d’une personne dont on comprend qu’elle est immobile dans une chambre sans qu’on sache pourquoi. C’est un voyage dans la pensée de quelqu’un en souffrance. J’ai toujours écrit, le goût pour la chose était là. Et ça se déclenche un jour parce qu’on lit un livre, parce qu’on éprouve une passion, un mélange de désir et de frustration du désir. »

Une activité libre et solitaire

Oui, mais pourquoi l’écriture ? « Parce que ça répondait à un désir, à une nécessité intérieure. Je l’ai longtemps écartée, mon activité d’architecte ne m’en laissait pas le temps. C’était un désir refoulé. J’écris surtout pour me venger de l’architecture ! Le projet architectural exige un temps long, cinq ans, dix ans… C’est un travail d’équipe, il faut s’organiser, planifier, etc. L’écriture est diamétralement opposée : c’est une activité libre, solitaire. Je ne sais jamais où je vais lorsque j’écris. » Et Paul Andreu de préciser sa pensée : « La création, c’est la même chose partout, dans les arts ou dans les sciences. C’est une insatisfaction à en rester là. Une volonté d’ajouter quelque chose au monde pour mieux le comprendre : un roman, une œuvre peinte, une théorie. C’est une même énergie qui prend corps dans une forme ou dans une autre. » L’architecture refait parfois surface de manière subreptice : « Un jour je me suis dit : je vais parler d’une maison qui sera le sujet et le personnage d’un récit (Stock, 2009). Cette maison est au cœur du propos et tient tout autour d’elle le fil des événements, tandis que les frontières entre réalité et fiction se dissolvent peu à peu. » Ses admirations littéraires vont à Montaigne et Stendhal qu’il dit relire « avec délices », à Proust aussi et à Louis-René des Forêts. Mais qu’écrit-il aujourd’hui ? « Je suis en panne, confie-t-il sans fausse pudeur. Je me calme avec la peinture. Je peins pour me venger de l’écriture ! J’expérimente ce surgissement. Je me laisse aller aux impulsions du temps qui m’agite… »

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