Pathologie : argile, un nouveau péril en la demeure

Façades lézardées, sols craquelés, portes disloquées… la maison individuelle est en quête de solutions face à des sinistres en cascade.

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Le retrait-gonflement des argiles sollicite les fondations légères des maisons individuelles, et crée, par répercussion, des fissures en surface.

Sous l'effet du changement climatique, les sécheresses récentes ont contribué à l'extension du phénomène de retrait-gonflement des sols argileux (RGA). Désormais, 48 % du territoire national connaît une exposition moyenne ou forte à ce risque, contre 24 % en 2010, selon les cartes Géorisques du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Ce sont ainsi 10,4 millions de maisons individuelles qui sont désormais menacées, d'après un recensement établi par le ministère de la Transition écologique en juin 2021. Résultat : le coût de la sinistralité du bâti exposé augmente, avec pour conséquence une charge annuelle liée au risque RGA qui a atteint plus de 1 milliard d'euros entre 2017 et 2020, contre 445 millions d'euros en moyenne depuis 1982, indique la sénatrice Christine Lavarde dans son rapport d'information sur le sujet en date du 15 février 2023.

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Déplacements différentiels des fondations. Si le phénomène générateur de ces désordres ne cesse de s'étendre sur le territoire, sa nature, elle, reste inchangée. Les sols argileux, sensibles aux variations hydriques, se rétractent en période sèche et gonflent lorsqu'ils se réhydratent, occasionnant des déplacements ou des tassements de sol. Les maisons aux fondations légères et peu profondes sont évidemment les premières impactées puisque la dessiccation estivale se propage de plus en plus bas, jusqu'à 3 m de profondeur. « Concrètement, le retrait-gonflement engendre des mouvements différentiels des fondations et des tensions dans les structures des ouvrages en surface », explique Alain-Franck Béchade, ingénieur expert au sein du cabinet bordelais AFB Expertise, et auteur du guide « La pathologie des fondations superficielles » paru en 2021 aux éditions du CSTB.

« Ces sollicitations fatiguent les maçonneries et les assemblages des éléments, ce qui entraîne, à terme, l'apparition de fissures en angle, avec des répliques sur les équipements intérieurs : fissure des doublages, des cloisons et des plafonds ; soulèvements des dallages ; affaissements ; distorsions des portes ou fenêtres ; ruptures de canalisations enterrées… » complète Frédéric Henry, directeur prévention construction et partenariats à l'Agence Qualité Construction (AQC). Déstabilisées, les maisons peuvent devenir inhabitables et les ménages se retrouvent bien souvent démunis face à l'ampleur des dégâts.

Pour traiter les sinistres, les techniques dites verticales sont majoritairement privilégiées. D'une efficacité avérée, elles consistent à agir directement sur les fondations. Néanmoins, elles ont également montré leurs limites. D'abord parce qu'elles supposent d'engager des travaux d'ampleur dont le coût varie entre 21 000 euros et 76 000 euros en fonction des maisons, détaille Christine Lavarde dans son rapport, chiffres de la Cour des comptes à l'appui. De plus, elles agissent sur les conséquences du phénomène, sans en prévenir ni les causes, ni la récidive. « Certaines maisons qui ont été confortées en sous-œuvre ne sont pas à l'abri de nouvelles fissures, créant des sinistres de deuxième, troisième ou quatrième génération », témoigne Frédéric Henry. Une série de constats qui poussent à privilégier ces techniques lorsque, faute d'anticipation, la seule option consiste à redresser le bâtiment endommagé pour en éviter l'effondrement.

Exposition
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Taux d'humidité constant sous la maison. Plus prometteuses, les mesures horizontales répondent, quant à elles, à une logique préventive visant à maintenir un taux d'humidité constant sous la maison. L'action porte ici sur l'environnement du bâti, et ce avant que ne survienne le sinistre, dans le but d'imperméabiliser le pourtour de la construction. Ces approches s'avèrent nettement moins coûteuses que les reprises de fondations, avec une moyenne de 10 000 euros, selon la Caisse centrale de réassurance (CCR), même si « le degré d'efficacité doit encore faire l'objet d'évaluations », nuance Christine Lavarde. D'où le lancement par la CCR, au début de l'année 2022, d'une étude comparative de procédés préventifs tels que les écrans antiracinaires ou encore l'imperméabilisation des réseaux et du sol en périphérie. Selon la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), les premiers résultats, obtenus à partir de modélisations numériques, se montrent encourageants.

Parallèlement, d'autres mesures, plus expérimentales, sont à l'étude. C'est le cas du procédé Mach, pour « maison confortée par humidification », lancé par le Cerema, qui consiste à humidifier les sols argileux durant la sécheresse à partir des eaux de pluie prélevées durant la période humide. Une piste supplémentaire qui ne sera pas de trop pour endiguer le fléau du RGA, selon Lamine Ighil Ameur, docteur en mécanique des sols en charge du projet : « Il est urgent de recourir à ces méthodes préventives et adaptées au changement climatique, alors que nous allons faire face à un parc de plus en plus endommagé. »

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