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ORDONNANCE DE REFERE DU 29 JUILLET 2004 - NO 269815 - CONSEIL D'ETAT - M. JEAN-PIERRE SUEUR ET AUTRES

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux,

Le juge des Référés

Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Pierre Sueur, Mme Michèle André, M. Bernard Angels, M. Bertrand Auban, M. Jean-Pierre Bel, M. Jacques Bellanger, Mme Maryse Berge-Lavigne, M. Jean Besson, M. Didier Boulaud, Mme Yolande Boyer, M. Jean-Louis Carrere, M. Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-Ben-Guiga, M. Gilbert Chabroux, M. Michel Charasse, M. Raymond Courriere, M. Roland Courteau, M. Yves Dauge, M. Jean-Pierre Demerliat, M. Claude Domeizel, M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, M. Bernard Dussaut, M. Claude Estier, M. Charles Gautier, M. Jean-Noël Guerini, M. Claude Haut, Mme Odette Herviaux, M. Serge Lagauche, M. Louis Lepensec, M. André Lejeune, M. Philippe Madrelle, M. Jacques Maheas, M. Jean-Yves Mano, M. François Marc, M. Jean-Pierre Masseret, M. Marc Massion, M. Pierre Mauroy, M. Louis Mermaz, M. Gérard Miquel, M. Michel Moreigne, M. Jean-Marc Pastor, M. Jean-Claude Peyronnet, M. Jean-François Picheral, M. Bernard Piras, M. Jean-Pierre Plancade, Mme Danièle Pourtaud, M. Daniel Raoul, M. Daniel Reiner, M. André Rouviere, M. Claude Saunier, Mme Michèle San Vicente, M. Michel Sergent, M. René-Pierre Signe, M. Simon Sutour, M. Michel Teston, M. Jean-Marc Todeschini, M. Pierre-Yvon Tremel, M. André Vantomme et M. Marcel Vidal, sénateurs, domiciliés en cette qualité au Palais du Luxembourg 15 rue de Vaugirard à Paris (75006) ; M. Sueur et les autres requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l', la suspension de l' sur les contrats de partenariat ;

ils soutiennent avoir intérêt à agir contre l'ordonnance attaquée dans la mesure où, en premier lieu, cette ordonnance excède l'habilitation législative donnée au Gouvernement et porte ainsi atteinte aux prérogatives du Parlement, en deuxième lieu, ils sont les auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel dirigée contre la loi d'habilitation sur le fondement de laquelle a été prise l'ordonnance attaquée, en troisième lieu, ils sont membres d'une assemblée parlementaire assurant la représentation des collectivités territoriales de la République, lesquelles sont, avec leurs établissements publics, directement concernées par cette ordonnance ; que l'ordonnance attaquée, qui est sur le point d'entrer en vigueur, porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts des collectivités publiques intéressées dans la mesure où elle est de nature à inciter, dès à présent, ces collectivités à conclure des engagements qui, aliénant leur pouvoir de gestion et engageant les finances publiques pour une longue durée, compromettent gravement leurs intérêts ; qu'ils font état, à l'appui de leur requête en excès de pouvoir, de moyens propres à créer un doute sérieux sur la légalité de l'ordonnance attaquée ; qu'en effet, l'ordonnance attaquée méconnaît la réserve d'interprétation faite par le Conseil constitutionnel dans sa DC du 26 juin 2003 relative à la loi d'habilitation du 2 juillet 2003 en ce qu'elle autorise un recours aux contrats de partenariat au-delà des dérogations permises par cette décision ; qu'elle viole le principe d'égalité ainsi que l'article 6 de la loi d'habilitation en ce qu'elle ne prévoit pas les conditions d'un égal accès des petites et moyennes entreprises et des architectes aux contrats de partenariat ; que son article 28, en autorisant sans condition la cession de créances détenues sur des collectivités publiques, méconnaît le principe général du droit selon lequel une personne publique ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas ; que ses articles 11 et 14 sont contraires au principe général du droit selon lequel les personnes publiques ne peuvent pas avoir recours à l'arbitrage ; que ses articles 18 et 26 comportent des dispositions de nature fiscale excédant le champ de l'habilitation donnée par le Parlement ;

Vu l'ordonnance dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée à l'encontre de cette ordonnance ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2004, présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable faute pour les requérants de justifier d'un intérêt, notamment personnel, à agir ; qu'en effet, l'ordonnance attaquée, prise dans les conditions et limites prévues par l'article 38 de la Constitution, ne porte pas atteinte aux prérogatives du Parlement ; que la seule circonstance que les requérants aient saisi le Conseil constitutionnel d'un recours dirigé contre la loi d'habilitation ne saurait leur conférer un tel intérêt ; que les requérants, en leur qualité de parlementaires, pourront saisir le Conseil constitutionnel d'un recours dirigé contre la loi de ratification de l'ordonnance ; qu'en vertu de l'article 24 de la Constitution, la représentation des collectivités territoriales de la République est assurée par le Sénat, dans son ensemble ; il soutient, à titre subsidiaire, que l'ordonnance attaquée ne cause aucun préjudice grave et immédiat aux requérants ; qu'en effet, les préjudices invoqués par eux, à les supposer établis, ne concernent que les collectivités territoriales ; que l'ordonnance attaquée, dont les décrets d'application n'ont pas encore été publiés, n'est pas susceptible d'application ; qu'à supposer même que les décrets d'application soient pris immédiatement, les contrats de partenariat ne pourraient pas être mis en ouvre de manière effective avant le début de l'année 2005 ; il soutient, à titre très subsidiaire, que les requérants n'invoquent aucun moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'ordonnance attaquée ; qu'en effet, celle-ci, dans la mesure où elle limite les cas de recours aux contrats de partenariat, respecte la réserve d'interprétation faite par le Conseil constitutionnel au sujet de la loi d'habilitation ; qu'elle respecte la règle d'accès « équitable » prévue en faveur des petites et moyennes entreprises ainsi que des architectes ; que l'article 28 de l'ordonnance comporte des garanties permettant d'éviter que les personnes publiques ne soient contraintes de payer des sommes qu'elles ne doivent pas ; que l'ordonnance a pu légalement autoriser les personnes publiques à avoir recours à l'arbitrage ; que les articles 14 à 17 de l'ordonnance prévoient des procédures de contrôle comparables à celles applicables aux délégations de service public ; que les articles 18 et 26 de l'ordonnance, qui ont pour objet d'assurer une neutralité fiscale entre les divers procédés contractuels offerts aux collectivités publiques, ne relèvent pas exclusivement de la loi de finances et n'excèdent pas le champ de la loi d'habilitation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, notamment son article 6 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. Jean-Pierre Sueur et les soixante autres sénateurs requérants, d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du mercredi 28 juillet 2004 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- M. Sueur ;

- les représentants du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Considérant qu'aux termes de l' : « Quand une décision administrative ... fait l'objet d'une requête en annulation ... le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ... lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision » ;

Considérant que, si les requérants font valoir que la publication de l'ordonnance du 17 juin 2004, dont l'entrée en vigueur est imminente, est de nature à inciter, dès à présent, les collectivités publiques intéressées à envisager la conclusion de contrats de partenariat dont les engagements de longue durée, notamment sur le plan financier, sont susceptibles de porter gravement atteinte à leurs intérêts, ces circonstances ne sont pas de nature à caractériser une situation d'urgence au sens des dispositions de l' alors, d'une part, que l'ordonnance en cause, qui n'est pas encore entrée en vigueur, même si les décrets nécessaires à son application doivent être publiés prochainement, a pour objet d'autoriser les collectivités publiques concernées, sans le leur imposer, à conclure, dans les cas limités qu'elle prévoit, des contrats dérogeant à certaines règles de la loi du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'ouvre privée, d'autre part, que les contrats conclus en application de l'ordonnance ne pourront pas, en tout état de cause, être signés avant plusieurs mois compte tenu de la procédure à laquelle ils sont soumis en vertu de l'ordonnance, et alors, enfin, que l'instruction de la requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'ordonnance permettra au Conseil d'Etat d'y statuer collégialement dans un délai qui ne devrait pas dépasser quatre mois ; qu'ainsi, l'urgence d'une suspension provisoire de l'ordonnance jusqu'à l'intervention d'une décision juridictionnelle statuant au fond n'étant, en l'espèce, pas établie, la demande de suspension ne peut qu'être rejetée, sans qu'il y ait lieu d'examiner si la requête tendant à l'annulation de l'ordonnance est recevable ni d'examiner si l'un ou l'autre des moyens invoqués est propre à créer un doute sérieux sur la légalité de cette ordonnance ;

Ordonne :

Article 1er : La requête de M. Jean-Pierre Sueur et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Jean-Pierre Sueur et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Fait à Paris, le 29 juillet 2004.

Références

Textes officiels du 25 juin 2004, p. 410

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