En septembre 2022, la Ville de Paris a renforcé son dispositif d'accompagnement des copropriétés dans leurs travaux de rénovation énergétique en lançant Eco-rénovons Paris +. Quel premier bilan dressez-vous ?
La dynamique est en train de s'accélérer. En 2023, le nombre de copropriétés inscrites à Eco-rénovons Paris + (ERP +) a doublé pour passer de 5 000 à 10 000 (sur un total de 45 000), et 350 devraient engager des travaux cette année contre 200 en 2023. Alors que jusqu'ici, 2 500 logements en moyenne étaient rénovés annuellement, nous devrions atteindre les 12 000 d'ici deux à trois ans. Les copropriétés qui s'engagent sont principalement étiquetées D ou E avec une moyenne de travaux de 30 000 € par appartement. Il s'agit le plus souvent d'ensembles construits pendant les Trente Glorieuses, regroupant de nombreux logements avec une majorité de propriétaires-occupants. Celles qui sont classées F ou G, soit 30 % de l'ensemble des copropriétés, souvent plus petites - entre cinq et vingt appartements avec cette fois une majorité de propriétaires-bailleurs -, ne représentent que 10 % des copropriétés actuellement en travaux et 30 % de celles qui se sont engagées dans la démarche l'an dernier. Or, ces passoires thermiques devraient être surreprésentées.
Cette situation vous préoccupe-t-elle ?
Oui, car les logements étiquetés E, F et G constituent les deux tiers du parc locatif privé parisien, soit 250 000 logements. S'ils ne sont pas rénovés, ils ne pourront plus être mis en location à court ou moyen terme et sortiront donc de ce parc, qui en perd déjà en moyenne 8 000 par an. La rénovation d'une partie de ces appartements les plus énergivores est prioritaire sous peine de voir s'effondrer l'offre locative privée.
Que préconisez-vous ?
Nous avons écrit au Premier ministre et au ministre du Logement pour formuler deux demandes : d'une part, le triplement du taux de la taxe sur les résidences secondaires et de celui de la taxe sur les logements vacants ; d'autre part, le doublement de MaPrimeRénov' Copropriété pour les logements F et G par un relèvement du plafond de travaux de 25 000 à 50 000 €. Depuis le début de l'année, l'Anah applique bien un bonus de 10 % pour ce type de biens, mais ce coup de pouce supplémentaire de 2 500 € reste insuffisant au regard des 50 000 € qu'il faut débourser pour rénover une passoire thermique. Les copropriétaires n'engageront des travaux que s'ils sont davantage aidés. Et c'est à l'Etat d'apporter cette aide complémentaire car tous les copropriétaires en France sont concernés, pas seulement les Parisiens. La Ville de Paris intervient par ailleurs déjà beaucoup. Elle verse 8 000 € par logement, et de plus, elle accompagne gratuitement pendant cinq ans les copropriétés. Cet accompagnement, financé en totalité sur le budget de la Ville, joue lui aussi un rôle important. Les copropriétaires savent que l'opérateur qui les assistera, en l'occurrence Soliha ou Urbanis, ne les laissera pas tomber en cours de route. Cette visibilité les rassure et les incite à s'engager.
Vous avez évoqué des montants de travaux très élevés, de l'ordre de 50 000 € pour rénover une passoire thermique. Mais pour quel gain énergétique ?
En moyenne, on gagne une à deux étiquettes, trois au maximum. Donc les logements classés G basculeront au mieux en D, mais le plus souvent en F. L'étude menée par l'Apur sur la rénovation énergétique des logements sociaux parisiens - nous en avons déjà rénové 60 000 - montre que le gain énergétique s'établit à 28 %. Donc à Paris, les copropriétés, à l'exception des plus récentes, n'atteindront jamais le niveau B. Nous y parviendrons peut-être dans le parc social mais en y consacrant des moyens financiers considérables. Ce qui importe, c'est bien sûr d'engager des travaux pour réduire la consommation énergétique, de l'ordre d'une à deux étiquettes, mais surtout d'assurer l'habitabilité des logements. Il faut se protéger des canicules, s'adapter au changement climatique. C'est la raison pour laquelle nous préférons désormais parler de rénovation environnementale plutôt que de rénovation énergétique.