Quelle ville peut se prévaloir du titre envié de « capitale mondiale des palaces » ? Ce n’est pas Londres mais Paris, à en croire une récente étude Jones Lang Lasalle. En partant d’un unique critère financier – à savoir une recette moyenne par chambre de 650 à 850 euros HT en 2007 – le cabinet d’audit en identifie sept, tous situés dans le Ier ou le VIIIe arrondissement : le Ritz, le Crillon, le George-V, le Plaza-Athénée, le Meurice, le Bristol, et enfin Le Fouquet’s, le dernier-né (2006) avec sa façade néohaussmannienne en béton de l’architecte Edouard François.
Les hôtels « 4 étoiles supérieur » parisiens connaissant une croissance exponentielle depuis cinq ans ( 46 % du revenu moyen par chambre disponible selon l’étude « Tendances de l’hôtellerie 2007 » de Deloitte), trois nouveaux établissements aspirant à devenir des palaces devraient ouvrir leurs portes dans les trois prochaines années (voir tableau page 35).
Le Shangri-La – du nom de son propriétaire et exploitant hongkongais – n’est déjà plus à l’état de projet, le chantier ayant débuté fin 2007. Un an et demi devrait être nécessaire pour transformer en palace un palais construit entre 1892 et 1899 pour le prince Roland Bonaparte, avenue d’Iéna, qui se double d’une extension donnant sur la rue Fresnel, l’ensemble étant jusque-là le siège d’Ubifrance.
Un marché d’exception. L’hôtellerie de luxe parisienne est un petit monde et ce marché d’exception a été confié à des professionnels aguerris. « L’architecte Richard Martinet et l’entreprise générale de travaux Bouygues Bâtiment Ile-de-France ont fait la rénovation du George-V, dont j’ai été le directeur », explique Didier Le Calvez, vice-président exécutif Europe/Amérique de Shangri-La. « Sur ce type de projet, aucun risque ne doit être pris. L’AMO est confiée à l’ingénieriste anglais Mace. Mais les autres intervenants sont français, car le contexte réglementaire est hexagonal. »
Pour l’occasion, Bouygues Bâtiment Ile-de-France a délégué son spécialiste, Pierre Dupuy, chef du Service travaux, qui a réalisé la rénovation du Grand-Hôtel et du George-V. « Du coté d’Iéna, nous faisons de la reprise en sous-œuvre pour créer deux niveaux inférieurs, avec la pose de 240 micropieux fixant le bâtiment à un sous-sol calcaire. Le grand hall, les salons du rez-de-chaussée et les suites du premier étage, classés monument historique, feront l’objet d’une rénovation légère. Du niveau 2 au niveau 6, nous consolidons les planchers ; pour les niveaux 7 et 8, nous restructurons à 100 %. Côté Fresnel, en contrebas, tous les planchers sont démolis et refaits à neuf, du – 1 au – 5, avec un restaurant chinois et des salons sur le – 1 et – 2, et un spa/piscine du – 3 au – 5. Le lot le plus important est la remise à neuf de la façade, avec le changement des fenêtres. » Aucune solution innovante en termes de développement durable n’a été prévue, même si chauffage et climatisation se feront via un système de ventiloconvecteur. Les règles d’accessibilité aux handicapés seront respectées, avec l’installation d’une dizaine d’ascenseurs. Environ soixante sous-traitants interviendront. « Sur ces chantiers d’exception, nous travaillons uniquement avec des entreprises que nous connaissons et avec lesquelles nous avons une approche de partenariat », explique-t-on chez Bouygues.
Le deuxième projet de palace parisien, qui devrait ouvrir début 2011, sera exploité par un autre groupe hôtelier de Hongkong, Mandarin Oriental. L’adresse (rue Saint-Honoré) et l’architecte (Jean-Michel Wilmotte) seront, là encore, prestigieux. Un immeuble Art déco de six étages, actuellement occupé par des bureaux, fera l’objet d’une restructuration lourde comprenant, outre les chambres et les suites, deux restaurants, un bar, des boutiques de luxe et un spa/salle de fitness aménagé autour d’une piscine. « Une aile intérieure des années 1950 sera démolie pour créer la plus grande cour intérieure de palace parisien », annonce Artequation, maître d’ouvrage délégué. Il précise que « l’entreprise générale de travaux n’a pas encore été désignée ». Le futur hôtel s’inscrit dans une démarche environnementale et servira de base pour le futur référentiel HQE des projets hôteliers.
Un projet au Crillon. Le centre Kléber, ancien hôtel Majestic – le plus grandiose et le plus secret des projets – sera réalisé par l’architecte Didier Poignant, spécialiste de l’hôtellerie de luxe (voir ci-contre). Aucun montant d’investissement n’est annoncé, mais les travaux s’annoncent faramineux. La société d’investissement qatarienne, Qatari Diar, associée à Vinci Construction, a mis 404 millions d’euros sur la table pour acquérir le centre de conférences du ministère des Affaires étrangères, avenue Kléber.
Face à cette concurrence, les autres palaces et hôtels de luxe doivent se remettre à niveau. La rénovation du Royal Monceau est programmée pour cet été, là encore sous la responsabilité de Didier Poignant, et le projet du Crillon, officiellement annoncé, est reporté pour « réglage financier ».
La rénovation du Lutetia est, elle, acquise dans son principe. La création d’un palace sera-t-elle ensuite encore possible ? « Il y a toujours de la place, d’autant que ces établissements génèrent leur propre clientèle, estime Olivier Petit, spécialiste hôtellerie chez Deloitte. Le marché est encore loin d’être saturé. Rendez-vous compte que la fréquentation de ces derniers a été de 81,4 % en 2007. C’est proprement fabuleux. »



