Les dispositions de la loi Elan du 23 novembre 2018 relatives aux études géotechniques, qui visent à réduire la sinistralité liée au retrait-gonflement des argiles, sont enfin opérationnelles grâce à trois arrêtés du 22 juillet 2020 (1). Les origines de ce dispositif sont connues. Il s'agit, d'une part, d'un rapport et d'un avis du Conseil national de la consommation relatifs à la construction de maisons individuelles en date du 26 novembre 2009, et, d'autre part, d'un projet de loi n° 491 du 3 avril 2012. Ce dernier portait réforme du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles et entendait notamment renforcer les mécanismes d'incitation à la prévention. Il apportait des modifications au Code des assurances et au Code de la construction et de l'habitation (CCH), mais il n'a finalement pas abouti.
Par la suite, différentes tentatives pour introduire des dispositions sur les études géotechniques dans le CCH ont échoué, leur coût - notamment - étant mis en avant. Ce n'est finalement qu'en 2018 que de telles règles ont fait leur entrée dans ledit code, aux articles L. 112-20 et suivants. Elles doivent désormais être combinées avec celles du Code de l'environnement (C. env. ) et du Code de l'urbanisme (C. urb. ) qui prévoyaient déjà la réalisation d'études de sol. Un rappel du dispositif préexistant à la loi Elan doit ainsi être effectué.
Les études géotechniques dans les codes de l'environnement et de l'urbanisme…
En vertu des , des plans de prévention des risques naturels (PPRN) sont établis notamment dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols. Ces plans sont connus sous l'appellation « PPRN sécheresse » ou « PPRN argile ».
Information sur les risques naturels. Il faut rappeler que le PPRN approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au PLU et fait l'objet d'un affichage en mairie et d'une publicité par voie de presse locale en vue d'informer la population ( ). En outre, l' précise que les acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans une zone couverte par un PPRN doivent être informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence de ces risques.
Prescriptions. Les PPRN argile contiennent un règlement avec des prescriptions qui peuvent varier suivant l'intensité de l'exposition. Ils imposent, pour les constructions des bâtiments, soit la réalisation préalable d'études géotechniques, soit le suivi de techniques particulières de construction. Rappelons que, selon l', le fait de ne pas respecter les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation prescrites par ce plan est puni des peines prévues à l' (amendes, voire emprisonnement en cas de récidive).
Ces PPRN argile n'ont pas disparu avec la loi Elan. Avant comme après cette loi, préalablement à la construction d'un bâtiment, quel que soit son usage, dans une zone couverte par un PPRN argile, il y a lieu de vérifier si ledit plan impose la réalisation d'études géotechniques. Tel est en principe le cas, avec une exigence quant aux dites études qui varie suivant l'intensité de l'exposition. Par ailleurs, pour les maisons individuelles, les PPRN recommandent le plus souvent de procéder à une étude géotechnique, tout en imposant, en son absence, des conditions de réalisation déterminées. Ces prescriptions techniques doivent alors impérativement être suivies, sous peine des sanctions de l'article L. 480-4 précité. Précisons à cet égard que, lorsqu'il s'avère impossible, pour des raisons matérielles ou juridiques, de suivre les techniques particulières de construction imposées par le PPRN, il n'existe d'autre possibilité que de réaliser une étude géotechnique de conception, de type G2 (2), et de suivre ses recommandations.
Les prescriptions du PPRN s'imposent aux autorisations de construire. L'autorité administrative n'est pas tenue de les reprendre lors de la délivrance du permis
Permis de construire. Le Code de l'urbanisme n'est pas en reste sur les études de sol. En effet, un contrôle est réalisé notamment au stade de la demande de permis de construire. L'article R. 431-16, f) du code impose que, lorsque la construction projetée est subordonnée par un PPRN à une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, le dossier joint à la demande de permis comprenne une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant qu'il a été procédé à cette étude, et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception.
Par ailleurs, ainsi que l'a rappelé le Conseil d'Etat très récemment, les prescriptions d'un PPRN s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative soit tenue de les reprendre dans le cadre de la délivrance du permis. En outre, lorsque les particularités de la situation l'exigent et sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, l'administration peut subordonner la délivrance du permis de construire à des prescriptions spéciales, s'ajoutant à celles édictées par le PPRN, si elles lui apparaissent nécessaires pour assurer la conformité de la construction à l'article R. 111-2 du Code de l'urbanisme [3] (, mentionné dans les tables du recueil Lebon).
Mais le respect de l'ensemble de ces dispositions dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols n'est plus suffisant. Il convient également désormais de prendre en compte celles du CCH lorsqu'est en cause l'édification d'un bâtiment ne comportant pas plus de deux logements.
… et dans le Code de la construction et de l'habitation
A la suite de la parution des et n° 2019-1223 du 25 novembre 2019, puis des trois arrêtés du 22 juillet 2020 précisant le contenu des études géotechniques, la délimitation des zones exposées et les techniques particulières de construction prescrites, le dispositif introduit par l'article 68 de la loi Elan aux est complet. Une différence doit être immédiatement soulignée avec les règles détaillées ci-dessus : celle du champ d'application. En effet, alors que les codes de l'environnement et de l'urbanisme visent tout type de bâtiment, le CCH n'impose la justification de la réalisation d'une étude géotechnique que pour « les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements ».
Entrée en vigueur. L'entrée en vigueur de ce dispositif était initialement prévue pour le 1er janvier 2020. Mais c'est au mieux depuis le 10 août 2020, soit le lendemain de la publication de l'arrêté du 22 juillet délimitant les zones exposées, que ces nouvelles dispositions sont en réalité applicables (et plus précisément, pour les contrats conclus depuis le 10 août). Les ne s'appliquent en effet que dans les zones « fortement ou moyennement exposées » au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols, telles que définies par la carte de France parue au « Journal officiel » le 15 août 2020 dans un arrêté rectificatif de celui publié le 9 août. Ladite carte, pour une délimitation plus précise des zones, peut être consultée sur le site www.georisques.gouv.fr.
Contrats soumis. S'agissant des contrats concernés, sont visés (outre la promesse ou l'acte de vente d'un terrain non bâti constructible - ) : - tout contrat ayant pour objet des travaux de construction d'un ou de plusieurs immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements. Par exemple, le contrat portant sur la construction de plusieurs maisons individuelles est soumis à cette obligation de justifier de la réalisation d'une étude géotechnique ; - tout contrat ayant pour objet la maîtrise d'œuvre des immeubles visés ci-dessus () ; - tout contrat ayant pour objet des travaux affectant les fondations ou la structure d'un bâtiment, l'écoulement des eaux ou les échanges thermiques entre le bâtiment et le terrain adjacent ; - tout contrat ayant pour objet des travaux relatifs à une extension, y compris une véranda et un garage, sauf si la superficie du projet est inférieure à 20 m2 et que la nouvelle construction est désolidarisée du bâtiment existant ().
Etudes à fournir. Avant la conclusion de ces contrats, le maître d'ouvrage est tenu de fournir (art. L. 112-21, -22 et -23 du CCH et arrêté du 22 juillet 2020 définissant le contenu des études géotechniques) : - soit une « étude géotechnique préalable » permettant une première identification des risques, conforme au contenu décrit par l'arrêté - sachant qu'une étude de type G1 (2) est présumée l'être ; - soit une « étude géotechnique de conception » conforme au contenu décrit par l'arrêté, une étude de type G2 étant présumée l'être.
Mentions dans le contrat. Quels que soient les résultats de l'étude de sol fournie par le maître d'ouvrage, les contrats doivent préciser que le constructeur ou le maître d'œuvre en a reçu un exemplaire. Cette mention est protectrice des intérêts du prestataire, puisqu'elle prouve qu'il a bien demandé la remise d'une étude, et du maître d'ouvrage qui est ainsi informé quant à l'obligation qui lui incombait.
Ensuite, deux situations doivent être distinguées suivant que l'étude géotechnique révèle l'absence ou l'existence d'un risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols : - dans le premier cas, il suffit de mentionner cette absence de risque dans le contrat ; - dans le second, le contrat doit préciser que les travaux que le constructeur ou le maître d'œuvre s'engage à réaliser ou à faire réaliser intègrent les mesures rendues nécessaires par ce risque. S'il ne s'agit pas d'un CCMI avec fourniture du plan, les textes n'apportent pas davantage de précisions. Il ne fait pas de doute que, pour autant, il est nécessaire de bien détailler lesdits travaux. S'il s'agit d'un CCMI avec fourniture du plan, l'article L. 231-2, c) du CCH doit être pris en compte. Il indique que le contrat doit comporter les énonciations relatives notamment à « la consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire comportant tous les travaux d'adaptation au sol, notamment, le cas échéant, ceux rendus nécessaires par l'étude géotechnique mentionnée aux articles et [du CCH], dont une copie [doit être] annexée au contrat ».
Travaux. S'agissant des travaux à réaliser justement, l' ouvre une option : - soit suivre les recommandations d'une étude géotechnique de conception fournie par le maître d'ouvrage ou que le constructeur a fait réaliser par accord avec celui-ci ; - soit respecter les techniques particulières de construction définies par l'arrêté du 22 juillet 2020 relatif auxdites techniques. Celles-ci ont trait à la structure et aux fondations, à la limitation des apports en eau du terrain et à celle des échanges thermiques entre l'ouvrage et le terrain.
Il faut à nouveau souligner que, lorsqu'il n'est pas possible de respecter ces techniques particulières de construction, notamment et par exemple au regard de la configuration du terrain, la réalisation d'une étude géotechnique de conception s'impose. Si le maître d'ouvrage s'y oppose, le constructeur ou le maître d'œuvre doivent refuser de conclure le contrat. En effet, il ne faut pas oublier que les zones, telles que délimitées par arrêté du 22 juillet 2020, peuvent également être couvertes par un PPRN argile contenant des prescriptions pour les maisons individuelles qui doivent être suivies, sous peine de sanctions ( précité).
Une difficulté pourrait survenir dans les hypothèses où une étude géotechnique de conception n'a pas été réalisée. En effet, il faut alors respecter tout à la fois les techniques particulières de construction contenues dans le règlement du PPRN et celles de l'arrêté du 22 juillet 2020. Il est possible, même si cela devrait être rare, que ces techniques divergent. En ce cas, il y a lieu à notre sens de privilégier les techniques particulières de construction les plus exigeantes.
Et si une incompatibilité apparaissait, la seule solution sera de faire réaliser une étude géotechnique de conception et de suivre les recommandations de cette dernière. Il serait plus simple que les pouvoirs publics instaurent l'obligation de se référer dans les PPRN à l'arrêté du 22 juillet 2020 relatif aux techniques particulières de construction…