Les marchés complémentaires existaient dans l'ancien Code des marchés publics sous une forme exceptionnelle et pas véritablement comparable avec le nouveau dispositif.
Ils constituent une importante souplesse de gestion publique, malgré tout encadrée de manière stricte.
1 - Les marchés complémentaires étaient prévus dans l'ancien Code des marchés publics à l'article 388 dans une partie relative à la dimension communautaire de la commande publique. Un maître d'ouvrage public pouvait conclure de manière négociée un contrat avec le titulaire d'un marché initial, jusqu'à hauteur de 50 % du montant principal, dès lors que le contrat relevait du champ de l'article 104-II-2°. C'est-à-dire de la théorie du fournisseur déterminé. Cette possibilité restait donc extrêmement restreinte et, de plus, d'une compatibilité avec les exigences communautaires relativement douteuse. En effet, la motivation de la théorie du fournisseur déterminé était-elle véritablement celle des termes des directives européennes, traitant parfois de spécificités techniques et d'autres fois de « circonstance imprévue ». Termes d'ailleurs repris par le nouvel article 35-III-1°.
2 - Les marchés complémentaires selon le nouveau Code des marchés publics sont possibles, quel que soit le type de contrat : services, fournitures ou travaux. Les marchés de fournitures n'étaient pas dans le cadre de l'ancien article 388 visés sous l'angle des 50 %.
3 - Un marché complémentaire selon le Nouveau Code est un marché négocié sans publicité préalable et sans mise en concurrence avec le titulaire du marché initialement conclu. Il ne s'agit pas pour autant d'un avenant (cf. nouvel article 19), mais bien d'un véritable nouveau marché. De plus, dans le cadre de l'avenant, la motivation pour justifier ce dernier est plus large (silence du Code, cf. jurisprudence classique) que pour les marchés complémentaires, où la justification possible est encadrée réglementairement.
4 - Les marchés complémentaires se séparent en deux groupes : d'un côté, les marchés portant sur des prestations de fournitures, et, d'un autre côté, les marchés portant sur des prestations de services ou de travaux. Dans le premier cas, il faut que le marché initial ait été conclu sur la base d'un appel d'offres avec publication au « JOCE », sinon, un marché complémentaire ne sera pas possible au-delà de 130 000 euros HT (Etat) et 200 000 euros HT (collectivités territoriales). Il s'agit, en réalité, des seuils communautaires. Dans le second cas, l'exigence d'un appel d'offres initial n'existe pas ; mais le premier alinéa de l'article 35-III-1° impose que le contrat de base ait été conclu « après mise en concurrence ». La nouvelle procédure de mise en concurrence simplifiée pourrait donc convenir (sous réserve des obligations liées aux seuils), et permettre au maître d'ouvrage public de conserver la possibilité de conclure, le cas échéant, un marché complémentaire.
5 - La motivation est divergente, selon les deux groupes précités. S'il s'agit d'un marché complémentaire portant sur un marché initial de prestations de fournitures, il faut que l'administration soit face à un enjeu d'ordre strictement technique, ou de coût excessif. L'hypothèse d'un changement de fournisseur doit placer le maître d'ouvrage dans une situation telle qu'il achèterait du matériel de technique différente, entraînant une incompatibilité ou des difficultés techniques d'utilisation et d'entretien excessives. C'est une sorte de cas de force majeure, à connotation fondamentalement technique. S'il s'agit, en revanche, d'un marché complémentaire portant sur des prestations de services ou de travaux, celui-ci sera légal dès lors qu'il est rendu nécessaire « à la suite d'une circonstance imprévue ». Formule qui ouvre des perspectives plus importantes de motivation par l'administration. Un simple élément de fait, sans être d'ordre technique, peut être ici admis. Cette dualité est issue d'une retranscription mot à mot par les rédacteurs du Nouveau Code des termes des directives européennes. En ne retenant plus la théorie du fournisseur déterminé, ces derniers ont transposé avec une rigueur imparable les exigences communautaires. Notons que celles-ci devraient disparaître, pour être unifiées, dans le cadre de la directive unique actuellement à l'état de projet au niveau de la commission européenne.
6 - Les marchés complémentaires doivent porter en tant que tels, sur :
- pour les fournitures : un renouvellement partiel des fournitures ou d'installations d'usage courant, un complément de fournitures ou une extension d'installations existantes ;
- pour les services et travaux : des prestations complémentaires allant au-delà du contenu du marché initial, non prévues, mais rendues nécessaires à la suite d'une circonstance imprévue pour l'exécution du service ou la réalisation de l'ouvrage tel qu'il y est décrit.
7 - Les marchés complémentaires (montants cumulés) ne peuvent dépasser 33 % du montant du marché initial.
Ce seuil avait été de 50 % dans le cadre de l'avant-projet de décret élaboré par le ministère de l'Economie et des Finances. Il ne signifie aucunement que désormais un avenant augmentant la masse financière d'un marché de près de 33 % est légal, en ce qu'il ne bouleverserait pas l'économie générale du marché de base. L'avenant ne doit pas être confondu avec le marché complémentaire qui répond à une logique bien différente, où les exigences de motivations sont tellement encadrées qu'elles confortent l'idée que les avenants sont forcément nettement inférieurs à ce seuil.
8 - La durée maximale de trois ans doit être calculée eu égard aux « marchés complémentaires » et ne concerne que les marchés portant sur des prestations de fournitures. A noter que le calcul des trois ans, pour les marchés de reconduction, se réalise à compter de la date de notification du marché initial. En d'autres termes, on y inclut la durée du marché de base qui, par définition, n'est pas encore dit de reconduction. Pour les marchés complémentaires, seule la durée de ces marchés ne doit pas excéder trois années, sans tenir compte de la durée du contrat conclu initialement.
La jurisprudence de demain
Le Conseil d'Etat avait sanctionné le recours à l'ancien article 104-II-2° (fournisseur déterminé) pour un avenant portant sur des travaux distincts de ceux prévus au contrat initial, au motif que, selon lui, l'avenant aurait dû s'analyser comme un nouveau marché.
Conseil d'Etat, 13 mars 1998, « département du Pas-de-Calais ».
Cet exemple est typique d'une justification de la nouvelle réglementation, où les maîtres d'ouvrage publics doivent surtout faire très attention de ne pas confondre un avenant avec un marché complémentaire. Le Conseil d'Etat ne pouvait pas parler à l'époque de marché complémentaire, mais simplement de nouveau marché. Dans un tel cas de figure, l'administration pourra conclure un marché conformément aux exigences de motivation du nouvel article 35-III sans mise en concurrence.
Le Conseil d'Etat avait sanctionné le recours à l'article 104-II-2° dans un cas de figure où l'entreprise n'était pas la seule à pouvoir fournir le savoir-faire et les ressources nécessaires à la création d'un système de télédistribution et de télécommunication.
Conseil d'Etat, 26 octobre 1992, « société Groupe Vidéotron c./commune de Vaux-le-Pénil ».
Cette jurisprudence va demeurer, car la théorie du fournisseur déterminé est toujours prévue dans le Nouveau Code, à l'article 35-III-4°, à ne pas confondre avec les marchés complémentaires.
Le Conseil d'Etat avait rappelé qu'un avenant ne pouvait être conclu que dans la mesure où il permettait de poursuivre l'exécution du marché initial.
Conseil d'Etat, 1er avril 1998, « M. Coenon ».
Dans les marchés complémentaires de travaux et de services, il est clairement envisagé par le Nouveau Code de recourir à des prestations non prévues dans le marché initial, mais rendues nécessaires pour la viabilité ou fonctionnalité de l'ouvrage ou des prestations.
ARTICLE 35-III-1°
ancien article 388
EXTRAIT DE L'ARTICLE 35-III-1°
« Peuvent être négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence, les marchés complémentaires [pour des] :
a) [Fournitures] exécutées par le titulaire initial et destinées, soit au renouvellement partiel de fournitures ou d'installations d'usage courant, soit à un complément de fournitures ou à l'extension d'installations existantes. (...) Le changement de fournisseur obligerait la personne publique à acquérir un matériel de technique différente entraînant une incompatibilité ou des difficultés techniques d'utilisation et d'entretien excessives. La durée de ces marchés complémentaires ne peut dépasser trois ans (...).
b) [Services ou travaux] consistant en des prestations qui ne figurent pas dans le marché initialement conclu, mais qui sont devenues nécessaires à la suite d'une circonstance imprévue (...).
Le montant cumulé des marchés complémentaires ne doit pas dépasser 33 % du montant du marché principal. »
Retrouvez le texte intégral du décret portant réforme du Code des marchés publics
Dans « Le Moniteur » no 5076 du 9 mars 2001, cahier no 3.
Sur notre site : www.lemoniteur-expert.com
POUR EN SAVOIR PLUS
Collectionnez les fiches pratiques du « Moniteur » :
« Les marchés sans formalisme », fiche no 1, « Le Moniteur » du 23 mars 2001, p. 93.
« La mise en concurrence simplifiée », fiche no 2, « Le Moniteur » du 6 avril 2001, p. 87.
« Les marchés publics sociaux », fiche no 3, « Le Moniteur » du 20 avril 2001, p. 83.
« Les critères de sélection », fiche no 4, « Le Moniteur » du 4 mai 2001, p. 83.
« Le rapport de présentation », fiche no 5, « Le Moniteur » du 18 mai 2001, p. 85.
« La commission d'appel d'offres », fiche no 6, « Le Moniteur » du 1er juin 2001, p. 105.
« La régularité des candidatures », fiche no 7, « Le Moniteur » du 15 juin 2001, p. 79.
« La régularité des offres », fiche no 8, « Le Moniteur » du 29 juin 2001, p. 79.