Quel regard portez-vous sur l’exercice 2023, qui s’est soldé par une progression de 18 % de votre chiffre d’affaires sur un an ?
C’est un très bon millésime à plusieurs égards. Non seulement notre chiffre d’affaires a augmenté de 150 M€ par rapport à l’année précédente, mais cela ne s’est pas fait au prix de notre rentabilité. Au contraire, cette dernière, qui s’établit à 52 M€, progresse de 21 %. Cet équilibre, capital à mes yeux, témoigne de notre bonne santé financière.
Comment gérez-vous cette croissance afin qu’elle ne déstabilise pas votre entreprise ?
Nous nous appliquons à articuler au mieux croissances externe et organique qui ont respectivement progressé de 6 % et 12 % en 2023. L’amélioration constante de ce dernier indicateur est la mère des batailles et constitue sans aucun doute notre principale satisfaction. Il souligne la solidité de l’entreprise et la capacité de faire progresser nos équipes pour accompagner l’augmentation d’activité. Pour autant, notre développement par acquisitions est également très important car il est le reflet de notre attractivité. En ce sens, le rachat en juillet 2023 de la société canadienne FNX-Innov et l’intégration de ses 1 100 salariés [Artelia compte aujourd’hui 8 900 collaborateurs, NDLR] ont marqué une étape majeure de notre structuration qui nous offre un ancrage en Amérique du Nord et complète ainsi notre déploiement sur tous les continents.
Vous approchez aujourd’hui le milliard d’euros de chiffre d’affaires. Cette taille vous donne-t-elle de nouvelles opportunités de marché ?
Effectivement, nous disposons désormais de ressources et de références qui nous permettent de nous positionner sur des projets de plus grande envergure. Ces marchés, différenciants pour un groupe d’ingénierie, comportent plus de risques, mais offrent aussi plus de rentabilité.
Dans votre portefeuille, quel secteur connaît la dynamique d’activité la plus forte ?
La montée en puissance de nos activités transport et mobilités est particulièrement marquée. En 2023, nous avons remporté le marché de l’une des trois lignes de métro de Tel-Aviv (Israël). Nous étions déjà présents sur différents projets de ce type à l’étranger, en Italie notamment, mais cette fois-ci nous sommes l’ingénierie du groupement de maîtrise d’œuvre d’un grand projet d’infrastructure de transport guidé dans toutes ses composantes (tunnels, gares, systèmes…). Ce succès nous a permis de franchir un cap dans notre développement à l’étranger, et de changer d’échelle sur ce secteur qui représente désormais 20 % de notre chiffre d’affaires.
Le bâtiment en constitue 30 %. Comment traversez-vous la crise qui le secoue ?
La conjoncture est délicate, mais nous avons la chance de pouvoir compter sur de grands projets tels que la tour The Link à La Défense (Hauts-de-Seine) et la tour Triangle à la porte de Versailles (Paris XVe). Le village des athlètes (Seine-Saint-Denis) a également été un moteur pour nous. Particulièrement ambitieux sur le plan environnemental, ce projet majeur est pensé pour relever les défis climatiques actuels et futurs. Enfin, l’essor des ouvrages industriels, des data centers mais aussi des équipements hospitaliers nous permet de trouver des relais mobilisateurs pour nos équipes. Tous ces éléments contribuent à amortir le choc qui frappe l’immobilier tertiaire [Artelia est peu exposée sur le logement, NDLR] tout en maintenant et en développant des compétences essentielles, alors que la construction est appelée à se refonder autour de la rénovation, de la réhabilitation, du recyclage, des circuits courts… Suivant cette logique, nous insistons tout particulièrement sur l’écoconception, notamment via notre démarche Trace by Artelia, récemment lancée, qui vise à mobiliser les expertises du groupe afin d’aider les maîtres d’ouvrage à faire les meilleurs choix pour leurs projets.
Parvenez-vous à profiter de la vague actuelle de réindustrialisation ?
La dynamique est forte en France comme dans le reste de l’Europe, que ce soit en Allemagne, en Italie ou encore en Espagne. L’industrie est un secteur en perpétuelle évolution autour de grands enjeux liés à l’amélioration de la performance environnementale et économique, ainsi qu’à la maîtrise des risques. Le marché est là et, depuis l’acquisition d’Auxitec en 2017 devenu Artelia Industrie, nous avons su capitaliser sur cette expertise et disposons des compétences pour en capter une partie, dans les domaines de la pharmacie, de la chimie, de l’aéronautique, des usines de batteries, de la micro-électronique, de la métallurgie… Les activités industrielles, qui représentent aujourd’hui 20 % de notre activité, sont appelées à croître pour atteindre entre 25 et 33 % de notre CA dans les années à venir.
Alors que la France s’engage dans la construction de nouveaux réacteurs, quelle place occupe le nucléaire dans vos objectifs de développement ?
Une part importante sans aucun doute, ce pourquoi plus de 250 de nos collaborateurs travaillent dans ce secteur. Nous avons une expertise reconnue en la matière, comme le confirment les deux beaux succès enregistrés en 2023. Le premier est un contrat-cadre avec le Centre national d’équipement et de production d’électricité (Cnepe) de Tours dans le domaine du traitement de l’eau par lequel nous capitalisons l’une de nos compétences historiques, comme nous le faisons déjà en hydraulique. Le second marché porte sur la conception des piscines de l’îlot nucléaire de l’EPR2 de Penly (Seine-Maritime).
La transition énergétique, c’est également le déploiement des EnR. Sur quel type d’énergies et de technologies vous positionnez-vous ?
Nous avons plusieurs cartes à jouer dans ce secteur qui couvre déjà environ 15 % de nos activités. Nos racines sont profondes sur ce segment, notamment sur la niche de l’hydroélectricité où nous menons des projets dans les pays nordiques, à la frontière entre le Rwanda et la Tanzanie, au Laos, au Vietnam et peut-être demain en Indonésie. Nous constatons un regain d’intérêt au niveau mondial pour cette filière. Bien sûr, nous investissons également le champ du photovoltaïque, que ce soit dans le cadre de fermes solaires, d’installations sur les bâtiments et même maintenant sur les lacs. Enfin, nous misons sur le déploiement de l’éolien offshore flottant grâce à l’expertise de nos entités françaises et norvégiennes. Comme pour l’hydrogène, nous nous y impliquons dès maintenant pour être un acteur de référence le jour où le marché prendra son envol, d’ici trois à sept ans.
Au regard de l’instabilité géopolitique que nous connaissons, les marchés liés à la défense représentent-ils une opportunité de croissance ?
Sans rentrer dans le détail de ces sujets qui supposent une certaine confidentialité, nous travaillons de longue date avec les acteurs industriels du secteur qui sont dans des démarches de montée en puissance. Le contexte actuel nous amène évidemment à nous mobiliser.
Quel peut être l’avenir d’Artelia dans le contexte que vous décrivez ?
Nous sommes en avance sur notre feuille de route qui prévoyait 1 Md € de chiffre d’affaires. en 2025. Ce cap est presque déjà atteint et notre nouvelle couverture mondiale nous place dans les 15 premiers groupes d’ingénierie européens, et dans le top 50 mondial. C’est une progression très importante. En 2024, notre croissance organique devrait se situer entre 5 et 10 %, en tenant compte d’un début d’année prometteur mais aussi du ralentissement de l’inflation qui impactera nécessairement les résultats.