ZAN : « Nos villages méritent mieux qu’un effet d’annonce pour se démarquer », Michel Fournier, président de l’Association des maires ruraux de France

En profitant du congrès de l’association des maires ruraux de France (AMRF) pour annoncer son retrait du dispositif légal sur le Zéro artificialisation nette, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a donné une notoriété inattendue aux élus municipaux de la majorité des communes du pays, réunis le 30 septembre à l’Alpe d’Huez (Isère). Leur président Michel Fournier revient sur les obstacles qui freinent leur adhésion à la cause de la sobriété foncière.

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Michel Fournier
Michel Fournier

Comment ressentez-vous l’utilisation du congrès des maires ruraux de France comme tribune du président de la région Auvergne Rhône-Alpes pour annoncer sa sortie du dispositif prévu par les lois sur le Zéro artificialisation nette ?

La région nous a aidés à tenir ce congrès. Cela entraîne nécessairement une prise de parole de son président. Qu’il en profite pour annoncer qu’il ne tiendra pas compte du ZAN relève de son choix personnel, contraire aux dispositions légales.

Les régions doivent fixer en 2024, dans leur document de planification, les orientations compatibles avec les contingents de surfaces artificialisables fixés par la loi. Cette responsabilité incombe aux élus de la République, même s’ils peuvent aussi reprocher à l’Etat de n’avoir tenu sa promesse de soustraire les projets d’envergure nationale de l’enveloppe artificialisable par les régions. 

Sur le fond, quelles réactions vous inspire la position de Laurent Wauquiez ?

Un grand nombre de maires présents au congrès l’ont approuvée. Cette réaction illustre l’énorme contradiction soulevée par le ZAN, en territoire rural. Tout le monde s’accorde sur la nécessité de protéger les terres agricoles, menacées par les excès de l’artificialisation.

Mais les assouplissements apportés par la loi de juillet dernier n’ont pas modifié la mesure fondée sur les surfaces consommées dans la décennie écoulée. Il en résulte que ceux qui ont artificialisé le plus gardent le plus gros potentiel. On récompense les mauvais élèves, ce n’est pas acceptable. Ainsi, les métropoles qui ont créé d’énormes zones commerciales gardent d’énormes capacités.

Pour les autres, comme disait Raymond Devos, rien moins rien égale moins que rien ! Les villages de 30 habitants, qui ne disposent ni de cartes communales, ni de moyens pour s’en doter, ne pourront pas bénéficier de la garantie rurale d’1 hectare prévue par la loi. Nous continuerons à enfoncer le clou sur ce sujet, pour défendre nos capacités à accueillir de nouvelles installations.

Observez-vous aussi des contradictions dans les positions du monde agricole ?

Malgré une sensibilité majoritairement proche du parti Les Républicains, les milieux agricoles sont vent debout  contre l’artificialisation. Ils s’y opposent systématiquement, dans les CD-Penaf (NDLR : comités départementaux de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers), et emportent presque toujours les décisions, compte tenu du poids de la FNSEA, des CDJA et autres représentants des propriétaires agricoles et forestiers dans ces instances. Cette opposition ferme la porte à toute construction pavillonnaire.

Mais le regard des milieux agricoles change, dès lors qu’il s’agit de bâtiments d’exploitation. Comment concilier ces deux attitudes ? Les maires ressentent cette contradiction d’autant plus difficilement que les taxes sur le foncier bâti échappent aux constructions agricoles. Or, ces taxes leur donneraient une précieuse marge manœuvre budgétaire.

Pour rebondir sur le ZAN, vos villages ne disposent-ils pas de friches à revitaliser ?

En effet, et c’est un point sur lequel je suis en désaccord avec la position radicale et peu pédagogique de Laurent Wauquiez, qui ne regarde pas l’ensemble de la situation. Une partie de nos agglomérations connaît des situations de déshérence et de friche. Le bâti de nos centres village est en mauvais état.

Pour remédier à cette situation, les maires ruraux sont d’accord pour limiter les lotissements. Encore faut-il que l’Etat leur accorde les aides nécessaires. Pour les entreprises de BTP qui vous lisent et qui traversent des temps difficiles, il y a là une source importante de travaux au service de logements non énergivores. Cet enjeu mérite mieux qu’un effet d’annonce pour se démarquer.

Comment démarre le programme gouvernemental Villages d’Avenir destiné précisément à répondre à cette demande ?

L’association des maires ruraux de France a mis toutes ses forces dans la bataille pour obtenir ce programme issu d’un concept que nous avons imaginé. Avant Villages d’Avenir, l’Agence nationale pour la cohésion des territoires portait Action cœur de ville et Petites villes de demain, et rien pour les plus petites communes.

Mais cela ne suffira pas. 120 chefs de projets, c’est un point de départ. Les communes ont jusqu’au 15 octobre pour établir leur fiche de projets, dans tous les domaines.

Même si je n’ai pas d’ambition présidentielle, je sais aussi faire de la com, et j’appelle à un plan Marshall pour les villages !

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