Jurisprudence

Non : le déféré préfectoral n'est pas réservé aux seuls préfets

Le récent arrêt rendu par la 4e chambre de la cour administrative d'appel de Paris le 3 mars 1998 (commune de Savigny-le-Temple, req. no 96PA02329), et son commentaire par mon confrère Rouquette (« Le Moniteur » du 24 avril 1998, page 51) appelle de ma part les quelques observations et rectifications suivantes.

1. Contrairement à ce qu'ont affirmé la cour et mon confrère, les sous-préfets et les secrétaires généraux de préfecture sont bien compétents pour déférer les actes des collectivités locales qu'ils estiment illégaux.

En effet, la faculté pour le préfet de déléguer l'exercice du contrôle de légalité au profit du sous-préfet est prévue par l'article 34 de la loi du 2 mars 1982, modifiée par la loi du 4 février 1995, qui prévoit : « (...) Le délégué dans l'arrondissement du représentant de l'Etat dans le département exerce, par délégation, tout ou partie des attributions dévolues à ce dernier... » Et le délégué dans l'arrondissement du représentant de l'Etat dans le département est bien le sous-préfet d'arrondissement, comme le confirment les dispositions de l'article 4-1 du décret du 10 mai 1982 modifié par le décret no 95-486 du 27 avril 1995 (« le sous-préfet d'arrondissement est le délégué du préfet dans l'arrondissement »).

Cette faculté de délégation du déféré au profit du sous-préfet est même confirmée par un texte réglementaire. En effet, le décret du 10 mai 1982, relatif aux pouvoirs des commissaires de la République et à l'action des services et organismes publics de l'Etat dans les départements, prévoit dans son article 17 que le préfet peut donner délégation de signature : ...« 3° : Aux sous-préfets pour toutes les matières intéressant leur arrondissement. » (...)

2. Quant à la compétence par délégation des secrétaires généraux, elle est prévue par l'article 17-5° du même décret du 10 mai 1982, qui a été jugé légal par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux. En effet, le décret du 10 mai 1982 prévoit dans son article 17-5° que le préfet peut donner délégation de signature « au secrétaire général et aux chargés de mission, en toutes matières et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs des services des administrations civiles de l'Etat dans le département ». Et le Conseil d'Etat a déjà jugé, dans un arrêt rendu en sous-sections réunies, publié aux tables du Recueil Lebon : « que l'article 17 du décret du 10 mai 1982 susvisé dispose que "Le préfet peut donner délégation de signature : 1° Au secrétaire général (...) en toutes matières..." (...) » (CE, 3e et 5e sous-sections réunies, Office public départemental d'habitation à loyer modéré du Var, 18 décembre 1994, no 146.528 Rec. T. p. 745).

3. (...) Le considérant de principe (...) est d'autant plus regrettable qu'il constituait un motif surabondant qui n'était nullement nécessaire à la solution du litige, lequel concernait une délégation du préfet accordée au bénéfice d'un chef de bureau, sur le fondement des dispositions de l'article 17-5° du décret du 10 mai 1982, qui est rédigé dans des termes différents des alinéas 1° et 5° relatifs aux secrétaires généraux et aux sous-préfets, puisqu'il prévoit que le préfet peut donner délégation de signature : « aux agents en fonction dans les préfectures pour les matières relevant des attributions du ministre chargé de l'Intérieur et de la Décentralisation et des matières relevant des départements ministériels qui ne disposent pas de services dans le département ». Or, il est vrai que l'exercice du déféré préfectoral n'est pas une des attributions du ministre chargé de l'Intérieur, ce qui peut justifier l'irrecevabilité retenue par la cour.

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