NGE dérive un fleuve pour achever son barrage

NGE et ses partenaires ont dérivé le fleuve Sanaga, au Cameroun, étape décisive qui permettra au groupement d’achever la construction de la digue principale du barrage de Nachtigal. Celui-ci couvrira 30 % des besoins en électricité du pays en 2024.

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Fin septembre, après la dérivation de la Sanaga. A droite, le canal d'amenée. A gauche, la digue de barrage.

Pile à temps : le cours naturel du fleuve Sanaga qui irrigue le Cameroun sur plus de 900 km a été dévié fin septembre, juste avant le début de la grande saison des pluies qui durera six mois.

Le flux principal du fleuve, au débit de 2 000 m3 par seconde – quatre fois celui de la Seine – coule désormais rive gauche, au travers des aménagements amont du futur barrage : deux évacuateurs de crue et quatre pertuis provisoires construits à cet effet.

Une digue de 1,5 km

L’objectif : mettre à sec la partie rive droite du chantier afin d’achever la digue du barrage.

Construite en béton compacté roulé, celle-ci s’étendra sur près de 1,5 km en longueur et 14 m de hauteur. « Une grande partie de cette digue étant déjà construite, le débit du fleuve à cet endroit s’accroît et c’est ce qui nous oblige à cette opération de dérivation », explique Orso Vesperini, directeur général délégué de NGE et président des filiales internationales et des grands projets.

Construit à 80 km au nord de la capitale camerounaise, Yaoundé, l’ouvrage comprend un canal d’amenée de 3,3 km pompant une petite partie du fleuve vers une usine hydroélectrique de sept turbines. Sa puissance totale, soit 420 MW, couvrira 30 % de la consommation électrique du pays.

Un engin unique au monde

Le canal d’amenée est étanché à l’enrobé, une technique inhabituelle cependant déjà utilisée par NGE lors de la rénovation du canal hydraulique de Curbans (Hautes-Alpes) en 2011.

Pour appliquer le revêtement, NGE avait alors conçu une machine spécifique surnommée « la poutre », permettant d’appliquer les enrobés de manière longitudinale en continu de manière à n’avoir qu’un seul joint, point faible de l’étanchéité, sur toute la longueur de l’ouvrage. Cette machine « unique au monde », souligne Orso Vesperini, a été agrandie – de 20 m en 2011, elle fait aujourd’hui 35 m – et modernisée pour étancher le canal qui sera mis en eau d’ici la fin juin 2023.

Des perturbations six mois par an

« Réaliser cette dérivation en temps et en heure était crucial car beaucoup de travaux ne peuvent pas avoir lieu lors de cette saison des pluies qui dure jusqu’en mars, explique Orso Vesperini, le niveau de la Sanaga monte et le fleuve submerge une partie de l’ouvrage ». En clair : « rater cette opération se serait traduit par six mois de retard ».

Les deux saisons des pluies annuelles perturbent le chantier six mois par an et impactent fortement son phasage. Car au-delà des travaux de génie civil menés par NGE et réalisés par les entreprises de travaux belge Besix et marocaine SGTM, le chantier comprend également la mise en place des équipements électromécaniques par l’américain GE et l’espagnol Elecnor et la construction des lignes moyenne et haute tension attribuée à Bouygues Energie et Services.

Trouver la bonne qualité de béton

Une autre difficulté cruciale du chantier réside dans ses matériaux : les roches excavées pour l’usine hydroélectrique et la prise d’eau sont concassées et réutilisées en tant que granulats pour le béton. Or le sol est constitué de gneiss, une roche contenant notamment du mica, qui le fragilise. Si le mica est trop présent dans la roche, le groupement produit moins de granulats sains lors du concassage, une partie d’entre eux partant alors en stériles. De plus il n’est pas toujours facile de trouver l’adéquation entre le ciment de l’unique producteur camerounais et les matériaux du site. « Nous avons besoin de qualités de béton très diversifiées, souligne Orso Vesperini, et nos exigences seront différentes pour un béton structurel exposé aux eaux pures, un béton compacté roulé et un béton conventionnel ».

Un approvisionnement difficile

Lorsque la qualité de ciment nécessaire n’est pas là, le groupement a recours à des importations mais la fermeture des frontières due au covid puis la guerre en Ukraine ont sérieusement compliqué ces dernières. Ainsi, « nous avons cessé de nous approvisionner en Russie pour le bitume d’étanchéité du canal d’amenée, raconte Orso Vesperini, il a fallu trouver de nouvelles sources ». Les perturbations mondiales affectent fortement le transport maritime, « or une partie des ciments complémentaires normalisés, des adjuvants, du matériel arrivaient par cette voie ».

Un nouveau projet en vue

Malgré ces difficultés, le chantier est achevé à 70%. Le démarrage de la première turbine est prévu pour fin 2023, les autres suivant progressivement au cours de l’année.

Le maître d’ouvrage du projet, Nachtigal Hydro Power Company, est détenu à hauteur de 40 % par EDF, qui a signé l’an dernier avec l’Etat camerounais un contrat de développement pour une autre centrale hydroélectrique également sur la Sanaga, à Kikot. Avec une capacité de 450 à 550 MW, elle serait la plus puissante du pays et sa construction pourrait démarrer en 2025, sitôt l'infrastructure de Nachtigal mise en service. 

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