Avec ses 144 m de haut, ses 41 niveaux dont 32 de bureaux et six de parking, soit 16 000 m2 de surface totale, la tour Bretagne, conçue par l'architecte Claude Devorsine et l'ingénieur Marcel André, devait symboliser la puissance économique de Nantes (Loire-Atlantique).
Mais ce projet lancé dans l'euphorie des années 1960 et inauguré le 18 novembre 1976, trois ans après la tour Montparnasse à Paris, s'est heurté de plein fouet à la récession économique qui a suivi le choc pétrolier de 1973. Depuis sa naissance, la tour aura toujours été à contre-cycle de son époque. Néanmoins, le projet de transformation porté par le groupe Giboire (lire encadré) pourrait cette fois lui donner une longueur d'avance. « Nous voulons faire de ce totem nantais un exemple de réhabilitation urbaine écoresponsable à l'échelle nationale », explique François Giboire, directeur général du groupe, qui peut s'appuyer sur son expérience récente de la transformation en logements de l'ancienne tour de la CPAM à Vannes (Morbihan).
En faisant le choix d'une réhabilitation du site existant plutôt que celui d'une déconstruction/reconstruction, ce projet évalué à 135 M€ se positionne au cœur des enjeux de protection de l'environnement et de préservation du foncier. « Nous sommes convaincus que la conversion d'actifs tertiaires désuets en logements est un enjeu central pour l'ensemble de notre filière, poursuit François Giboire. C'est une solution que nous avons identifiée très tôt pour produire du logement et qui est clairement la meilleure façon de limiter les émissions carbone. » En conservant le squelette de la tour, ce sont plus de 14 000 m3 de béton et 1 600 t d'acier qui seront ainsi économisés, représentant l'équivalent de 7 000 t de CO produites.
Simplicité et frugalité. Par ailleurs, le projet architectural conçu par les agences PCA-Stream (Paris) et Magnum (Nantes) s'inscrit dans une logique de frugalité en évitant tout geste gratuit ou formaliste. « Nous souhaitions ne pas épaissir la tour et nous avons réussi à insérer dans le corps principal l'ensemble du programme de logements qui repose sur une variété de typologies [du T1 au T5, dont la plupart avec loggias, NDLR] », explique Philippe Chiambaretta, architecte fondateur de PCA-Stream. La façade amiantée sera déposée et remplacée par un nouvel habillage en aluminium recyclé avec une isolation par l'extérieur et des baies ouvrantes (40 % de la surface) pour permettre une ventilation naturelle.
Sur le modèle des tours new-yorkaises, l'ensemble sera densifié dans le socle par un bâtiment de huit étages. Celui-ci accueillera notamment un hôtel 4 étoiles avec, en attique, un restaurant doté d'une terrasse. Trois niveaux abriteront quelques surfaces commerciales, un lieu de coworking et, à la demande de Nantes Métropole qui détient 19 % de la tour, une jauge libre pour l'Agence culturelle bretonne et pour l'association d'économie sociale et solidaire Les Ecossolies. Les parkings seront recomposés afin d'installer quelque 250 places vélo, et 160 places pour les voitures (soit deux fois moins qu'aujourd'hui). Enfin, l'édifice sera couronné par un rooftop sur les deux derniers étages (33e et 34e ), doté d'un accès autonome et gratuit. « Nous avons recentré le réservoir d'eau et voulu que le dessin soit symétrique de telle sorte que l'identité de la tour soit la même sur toutes ses faces », détaille Philippe Chiambaretta.
Raccordement au réseau de chaleur. Côté chauffage, l'objectif est de limiter le recours aux énergies fossiles. Les deux immeubles seront raccordés au réseau de chaleur urbain de la métropole, Erena, alimenté à 84 % par des énergies renouvelables et de récupération locales (incinération pour 41 % et biomasse pour 43 %). Le projet prévoit aussi de valoriser les énergies fatales qui n'ont pas pu être consommées et la chaleur des eaux grises des logements et de l'hôtel grâce à des pompes à chaleur. Les eaux pluviales seront quant à elles récupérées sur la toiture du restaurant pour ses propres besoins (toilettes, arrosage, entretien des sols…). Enfin, plusieurs aménagements favoriseront la biodiversité : toitures végétalisées, nichoirs, refuges pour les faucons pèlerins…
Le chantier, qui démarrera mi-2025 par le désamiantage (évalué entre 7 et 9 M€), devrait lui aussi être exemplaire d'un point de vue environnemental. Un diagnostic a déjà permis d'identifier 166 t de matériaux et déchets susceptibles d'être réemployés. Tous ces éléments permettent de viser plusieurs labels ou certifications : BBCA Rénovation, NF Habitat HQE, Breeam et La Clef verte (pour l'hôtel). Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole, voit dans ce projet « une opportunité unique de tourner la page de la tour énergivore des années 1970 mais aussi l'occasion de rétablir le lien entre villes haute (Graslin) et basse (Bouffay) ». A l'issue de la livraison de la nouvelle tour, prévue fin 2019, les places de Bretagne et du Cirque devraient être réaménagées en ce sens.

« Un projet osé mais enthousiasmant », Michel Giboire, président du groupe Giboire
« L'histoire de la tour Bretagne et de notre entreprise a démarré au début des années 1980. A l'époque, mon père avait signé un compromis pour acquérir tous les locaux bas ainsi que le dernier étage. Pour diverses raisons, ça ne s'est pas concrétisé mais nous n'avons jamais oublié. Il y a six ans, nous avons commencé à acheter les premiers mètres carrés. Depuis, nous avons signé une vingtaine d'actes authentiques, ce qui a permis aux propriétaires qui ne voulaient pas supporter une immobilisation de leur bien pendant une durée longue, sans revenus et avec des charges, de sortir en récupérant leur investissement. Aujourd'hui, nous sommes propriétaire de 77 % des droits de la tour, ce qui fait naturellement de nous le porteur de cette réhabilitation enthousiasmante. C'est un projet osé.
Mais en plus de nos fonds propres, nous avons la chance d'avoir des lignes de crédit non affectées pour financer nos chantiers, dont celui de la tour Bretagne. Il n'y aura donc pas d'investisseurs extérieurs. »
Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : Groupe Giboire.
Maîtrise d'œuvre : PCA-Stream (architecte mandataire), Magnum architectes & urbanistes. BET : Setec TPI (structure), S2T (fluides), Artelia (BET environnement), RFR (façades), Meta (acoustique), CSD & Associés (sécurité), Alliance Economie Bretagne (économie).
Surface : 25 075 m2 S P.
Programmation prévisionnelle : environ 200 logements en accession libre (16 700 m2 SP), un hôtel de 102 chambres (4 475 m2 SP) et divers espaces pour des ERP (3 480 m2 ) : 1 500 m2 de locaux d'activités/coworking, 940 m2 de « jauge libre », 400 m2 de commerces (deux cellules), rooftop (640 m2 SP) au 33e étage avec une terrasse panoramique au 34e étage.
Calendrier prévisionnel : dépôt du permis de construire avant l'été 2025. Curage et désamiantage en 2025-2026. Livraison prévue en 2029.
Budget prévisionnel : 135 M€.