Depuis l'après-guerre, les nantais s'étaient habitués à vivre avec deux coeurs de ville : le Bouffay, médiéval et pittoresque, et le quartier Graslin-Guist'hau, en hauteur et doté d'un bâti XVIIIe. Entre les deux, une série de rues plus ou moins pentues et une « falaise ». C'est elle que franchit la troisième ligne du tramway nantais pour relier le cours des Cinquante-Otages (ville basse) et la place Bretagne (ville haute), proche, 300 mètres, mais lointaine, 35 mètres de dénivelé.
Plus que le défi technique, c'est la complexité du projet urbain qui aura battu tous les records : dix ans d'études, dix-huit mois de travaux opérationnels. Il a permis le réaménagement complet de la place Bretagne . « Il fallait à la fois donner une identité à cette place réduite à un vaste rond-point de circulation automobile, la rendre attractive et y faire passer la nouvelle ligne de tramway », explique Jean-Pierre Brindel, directeur de l'espace public à la Ville de Nantes. Les partenaires sont, côté maîtrise d'ouvrage, un groupe de coordination tramway qui réunit les intervenants publics (ville, Semitan et district) ; côté maîtrise d'oeuvre, les architectes urbanistes Dulieu-Lambot (aménagements de la ligne 3) et Sarfati-Maïtino (place Bretagne). Dense en interlocuteurs, le secteur l'est aussi en points chauds. D'abord, l'îlot Boucherie, un terrain vague en forte pente le long du cours des Cinquante-Otages, sur lequel va sortir un projet privé de logements-bureaux-commerces. Quelques mètres plus loin, le chantier du tramway fait apparaître des vestiges de l'enceinte médiévale, dont une partie restera visible. Il faut aussi compter avec les ouvrages liés au relief : l'escalier qui descend vers les Cinquante-Otages et, en face, le pont Sauvetout. Son tablier a été renforcé pour supporter le tramway, et réduit en largeur pour « éclaircir » la rue en contrebas. Enfin, place Bretagne, il faut détruire l'ancienne trésorerie et construire un nouveau parking en prolongement de l'ancien, sur lequel passe la plate-forme du tramway.
« La multiplicité des intervenants explique le temps et l'énergie consacrés à ce projet qui, historiquement, aurait dû constituer la première ligne. Il fallait au moins les dix ans d'études passées pour y arriver en si peu de temps », explique Jean-Yves Pailloux, directeur de l'agence d'urbanisme de l'agglomération. Pour l'architecte Jacques Dulieu, « cette troisième ligne matérialise l'évolution du tramway : il y a douze ans, nous avions travaillé sur la première ligne dans un milieu urbain hostile, alors qu'aujourd'hui - travail paysager, traitement des sols, mobilier urbain -, tout est fait pour l'accueillir ».
FICHE TECHNIQUE (p.133) :
Maîtrise d'ouvrage : ville (espaces publics) ; district de l'agglomération nantaise (aménagements tramway) ; Semitan (plate-forme tramway)
Maîtrise d'oeuvre : Jacques Dulieu, Vincent Chanson, Agnès Lambot, Philippe Barre, architectes ; Christine et Michel Pena, paysagistes (aménagement urbain de la ligne et des stations) ; Alain Sarfati et Hilda Maïtino-Ippoliti, architectes (place Bretagne)
Longueur première phase (Hôtel-Dieu-Orvault) : 4,06 kilomètres
PHOTOS :
La réalisation de la ligne 3 a été l'occasion de repenser l'aménagement de la place bretagne, bordée de grands immeubles des années 60, et celui de la rampe boucherie-sauvetout qui y conduit (ci-dessus). ci-contre, le long du cours des cinquante-otages, l'îlot boucherie. sur ce terrain vague, un projet privé de logements-bureaux-commerces va sortir prochainement.
DESSIN :
Coupe de la rampe en centre-ville. entre le cours des cinquante-otages et la place bretagne, il y a 35 mètres de dénivelé.
