En regardant la carte des ronds-points, on se rend compte que beaucoup se trouvent dans des petites villes, en zones périurbaines ou rurales. C’est en tout cas l’observation faite par Christophe Bouillon, président de l’Association des petites villes de France (APVF). Le mouvement des gilets jaunes reflète le sentiment de ceux qui vivent en périphérie, travaillent dans les grandes agglomérations, « et donc contribuent à la création de richesse de l’agglomération, sans en voir les effets lorsqu’ils rentrent chez eux ».
C’est pourquoi l’APVF a choisi d’insister sur la fracture territoriale, en soumettant aux discussions qui doivent animer le grand débat national 12 propositions. « Comme les 12 travaux d’Hercule, mais en moins difficile », estime Christophe Bouillon, qui espère que cette fois-ci, l’alerte soit prise au sérieux : « Nous ne pouvons pas aboutir sur rien ».
Traiter la mobilité, point de départ de la crise actuelle
Beaucoup de ses propositions concernent de près ou de loin l’aménagement du territoire, « qui a disparu depuis longtemps du vocable gouvernemental », regrette le patron de petites villes. La première thématique abordée, car « elle a été le point de départ » de la contestation, est celle de la mobilité.
« Dans de nombreux territoires, il n’existe pas d’alternative à la voiture individuelle, ni de réseaux performants », avance Christophe Bouillon. L’association évoque notamment « l’absence cruelle d’investissement, d’entretien, de rénovation et de modernisation » des infrastructures de transports de « l’arrière-pays », ce qui ne permet donc pas d’envisager des solutions plus économiques, écologiques, et performantes.
Opter pour un scénario plus ambitieux
Le projet de loi d’orientation des mobilités présente, en ce sens, « un contenu intéressant »pour Christophe Bouillon, car elle doit permettre notamment de « résorber les zones blanches » en la matière. Il en regrette cependant « le retard à l’allumage », estimant que « si elle avait été débattue dès mars 2018 [soit peu après la fin des Assises de la mobilité et la remise du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, NDLR], beaucoup de sujets ne seraient pas montés en pression ».
Mais ce contretemps et le grand débat vont permettre d’améliorer le texte, qui sera débattu au Sénat fin mars, veut croire l’APVF. Sa proposition : « le gouvernement devra revoir considérablement à la hausse son plan d’investissement dans les transports […], privilégiant le troisième scénario du rapport du COI». L'association aimerait donc que les dépenses actuelles de l'Etat soient doublées en une dizaine d'années.
Territorialiser la transition écologique
Plusieurs propositions se focalisent sur la transition énergétique. Parmi elles, la possibilité d’affecter directement une part de la taxe carbone aux territoires, pour qu’ils puissent mettre en place des projets. Pour justifier sa demande, Christophe Bouillon cite en exemple les territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV), dispositif impulsé par l'ex-ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, arrêté en 2017 : « Grâce aux TEPCV, beaucoup de petites collectivités avaient pu bâtir des projets cohérents, et ont démontré qu'elles savaient faire », rappelle-t-il.
Estimant que « la transition écologique ne réussira que si elle est territorialisée », cette mesure présenterait un autre avantage. Expliquer concrètement à quoi sert la fiscalité écologique, de faire de la pédagogie.
Un guichet unique pour la rénovation énergétique
CITE, éco-PTZ, TVA à taux réduits, aides mises en place par l’Anah ou par les collectivités… Les dispositifs soutenant la rénovation énergétique des bâtiments et des logements sont nombreux. Réussir à s’y retrouver, monter les bons dossiers, l’est un peu moins.
Afin de simplifier les procédures et de rendre les aides plus efficaces, l’APVF demande la création d’un guichet unique d’aide à la rénovation énergétique. Il centraliserait les demandes et permettrait de ne remplir qu’un dossier commun.
Lutter contre la dévitalisation des centres-bourgs
Autre sujet qui préoccupe l’APVF : la dévitalisation des centres-bourgs. Si le programme Action cœur de ville semble être une bonne idée sur le principe, Christophe Bouillon regrette qu’il ne soit destiné qu’à 222 communes, « plutôt moyennes. Pour être efficace, il faudrait aller jusqu’à 400 territoires ».
Car le programme a laissé « beaucoup de petites villes au milieu du gué, renchérit Pierre Jarlier, président délégué de l’association. Certaines avaient été retenues en 2014 dans le cadre des appels à manifestation d’intérêt « centre-bourg ». Ce qui a permis de leur apporter des financements pour de l’ingénierie. Elles comptaient sur ce nouveau programme pour lancer les opérations, mais aucune n’a été sélectionnée ».
Zones franches fiscales
L’APVF aimerait ainsi que soit ouvert aux petites villes un plan similaire, mais aussi qu’elles puissent avoir accès aux opérations de revitalisation des territoires (ORT). Les demandes ne s’arrêtent pas là. Afin de réduire « la paupérisation » de leur centre, l’association en appelle à « de vraies mesures pour [y] favoriser la mixité sociale ». Et Pierre Jarlier d’évoquer « des mesures de réhabilitation des logements, la pérennisation des dispositifs Pinel et PTZ, qui doivent se finir en fin d’année dans les zones détendues », ou encore la mise en place de « zones franches fiscales, comme cela se fait en milieu urbain » pour les commerces dans les centres les plus touchés.
Christophe Bouillon espère pouvoir s’inscrire dans un « agenda des solutions », alors que les propositions de son association et, plus largement, du grand débat national, pourront abreuver plusieurs rendez-vous législatifs (LOM, réforme de la fiscalité locale, PLF 2019…). Et de conclure : « le président de la République a dit qu’il n’y aurait pas de question taboue. Il ne doit pas non plus y avoir de réponse taboue ».