Depuis ses débuts dans les années 1990, Michael Young évolue entre plusieurs pays et deux avions. Personnalité originale au parcours nomade, il vit d'abord entre le Royaume-Uni - où il est né en 1966 - et l'Islande. Il s'installe durablement à Hong Kong, d'où il orchestre depuis 2006 sa production, tout en gardant une antenne à Bruxelles. Il a collaboré avec Tom Dixon, Established & Sons, -Cappellini, Danese, Artemide, Lasvit, Sawaya, la marque de cycles Giant, les spiritueux Chivas, ou l'industriel EOQ. Le designer choisit ses destinations mû par le besoin que ses désirs prennent forme. C'est sa fascination pour -l'industrie qui l'a mené à Hong Kong, dans une ville des possibles technologiques qu'il pressent devenir la nouvelle Tokyo d'ici une quinzaine d'années. Son installation résulte de considérations pratiques : il passait beaucoup trop de temps à Hong Kong pour ne pas y résider. Il confesse s'y ravir de « l'enthousiasme devant un projet, de la vitesse d'exécution des entreprises et du haut niveau de qualité que l'on atteint sur place, loin de la bureaucratie qui pèse sur l'innovation en Europe ». En authentique curieux, Michael Young expérimente au gré de ses -projets le potentiel des matériaux, comme s'il voulait tout en apprendre. L'aluminium, qu'il utilise très tôt, lui ouvre un terrain créatif étendu. Et son premier luminaire, dont les fils métalliques sont entrelacés à la main, lui apporte dès 1993 une reconnaissance des institutions, tels le centre Pompidou et le musée du Louvre.
Ses créations actuelles, faites pour durer, sont mises à l'honneur dans un ouvrage et une exposition titrés al(l), Projets en aluminium. Cette rétrospective, organisée au Centre d'innovation et de design au Grand-Hornu (Belgique) jusqu'au 29 mai, présente des objets industriels éclectiques : mobilier, accessoires hi-fi, véhicules, etc. Didactique, elle indique la variété des process de fabrication de l'aluminium dans chaque projet. Le matériau, plus léger que l'acier, ductile, malléable, déformable sans se rompre, peut être recyclé indéfiniment sans perdre ses caractéristiques. De l'emboutissage jusqu'à l'extrusion, « il autorise une multitude de procédés », se réjouit le designer. Ce qu'il qualifie lui-même d'« obsession pour la matière » lui permet de naviguer sur le fil d'une recherche presque fondamentale et d'un design sériel. Les coulisses de quelques-uns de ses objets éclairent son approche.
L'histoire des créations de Michael Young prend une tournure romanesque, jusqu'à leur intitulé parfois. L'Oxygen Chair de la série Metal Rock constitue un exemple de recherche pure, emblématique de la liberté qu'il a gagnée en Asie. L'intéressé décrit avec humour le projet comme « une idée folle, non reproductible, qui ne devrait pas exister », puisqu'aucune finalité commerciale n'a été identifiée ! Soutenu par Hedge Gallery et Veerle Verbakel Gallery, celui-ci a requis la conception d'un moule et d'outils spécifiques pour produire une mousse d'aluminium. La cuisson par gaz à haute température crée l'effet d'un muffin, découpé et évidé artisanalement, puis anodisé pour donner naissance à un fauteuil unique, une abstraction. Cependant, l'intérêt du designer s'oriente vers « le design en tant qu'art industriel, pas en édition limitée mais à l'échelle de la production de masse ». La famille de lampes Dub Pendants (EOQ, 2012), abordable, s'inscrit dans ce sens. Elle met à profit un transfert de savoir-faire d'une industrie à l'autre. « C'est le premier éclairage fabriqué par l'industrie du cycle », mentionne-t-il. L'aluminium est ici extrudé, avec une forme en ailettes complexe - car le module original servait de distributeur de chaleur -, puis encapsulé dans un verre soufflé. Ces lampes sont le fruit d'un aller-retour permanent entre les possibilités d'un matériau, d'une machine et l'idée d'un objet.
Artisanat du XXIe siècle
La Lancaster Chair, du nom de la ville de fabrication en Pennsylvanie, est l'expression d'un langage simple. Éditée par Emeco, la chaise combine dossier et assise en aluminium moulé avec du frêne. Pour cette réalisation, le designer est entré en contact avec la communauté Amish pour le travail d'un bois de recyclage, qui devait être abattu car provenant d'une zone d'arbres malades. La chaise A4, réalisée en 2012 pour EOQ, constitue une innovation qui ne s'affiche pas comme telle. La mise au point de ses pièces a pourtant nécessité plusieurs savoir-faire : emboutissage, cintrage de tube, soudure, roulage, polissage et anodisation, ainsi qu'une recherche d'équilibre pour la solidité. Quant à la chaise Less than five pour Coalesse, selon le designer, elle préfigure l'utilisation d'un matériau d'avenir qui devrait se substituer à l'aluminium : le carbone. Cette assise ultralégère (moins de 5 pounds, soit 2,3 kg) mais supportant 136 kg a été envisagée non comme une pièce pour une galerie d'art mais comme une solution industrielle, ergonomique et fonctionnelle à un prix acceptable. Développé avec pour mot d'ordre de « garder à l'esprit le carbone », le mobilier devait être réalisable exclusivement avec ce matériau. C'est « la première fois, annonce Michael Young, que l'industrie automobile a servi à produire un meuble ». De plus, celui-ci est « l'expression de l'arti-sanat du XXIe siècle ». En effet, au terme d'un processus de fabrication technologique, le polissage manuel se compte en heures.
Michael Young a trouvé en Asie une réactivité à la mesure de sa vie, en accéléré. En replaçant l'homme dans les modes de production contemporains, il apporte une poésie à la matière, même a priori la plus froide. À Hong Kong, on l'appelle aujourd'hui pour ramener « de l'âme à l'industrie ».










