Avec un patrimoine en terre crue très présent sur son territoire, la communauté de communes Couesnon Marches de Bretagne (Ille-et-Vilaine) s'est naturellement tournée vers ce matériau pour le projet de rénovation-extension d'une ancienne école du village de Bazouges-La-Pérouse. Une décision qui a pris corps au travers d'un choix constructif mêlant extension neuve en ossature bois et remplissage en terre pour permettre à l'édifice en pierre des années 1920 de se muer en un tiers-lieu contemporain. « Si l'usage de la terre crue était acté dès le départ, il nous restait à définir quelle mise en œuvre privilégier pour qu'elle soit apparente et participe de la pédagogie du lieu », expliquent les architectes du projet, Gwenaël Massot, de l'agence Céleste, et Yann Huet de l'agence Dear à Rennes.


Deux solutions adoptées. Mais avant de se prononcer, une première étape, d'ordre réglementaire, a été franchie avec le classement de l'équipement en établissement recevant du public (ERP) de 5e catégorie. « Cette qualification a pour conséquence de minimiser l'impact de la réglementation incendie et de faciliter le dialogue avec le bureau de contrôle. Elle nous permet, en outre, de conserver des sections courantes de bois et de les garder apparentes à l'intérieur tout en donnant à voir les finitions en terre », relate Yann Huet. Les architectes ont ensuite pu trancher la question technique et opter pour l'emploi de deux solutions à base de terre crue : des briques de terre comprimée (BTC) et des briques en adobe qui mélangent de la paille et de l'eau.


Partout où elles sont mises en œuvre, les briques se trouvent protégées des remontées capillaires du sol par un surbau en béton. Les murs périphériques en ossature bois sont isolés grâce à 20 cm de laine de bois installés derrière un bardage en tasseaux de châtaignier et une lame d'air. La mise en place des briques a ensuite été pilotée Grégory Bosi, maçon chez Maison en terre : les briques sont hourdées au moyen d'un mortier de terre, avec, un rang sur deux, le vissage de la brique de tête au montant en bois pour renforcer la stabilité du mur. Dans certaines zones, un enduit, également en terre, recouvre les briques d'adobe sur un centimètre d'épaisseur. Ces différentes finitions donnent ainsi à voir une partie de la palette de teintes et d'aspects de la terre crue. Et le tableau est vaste puisqu'ici, 188 m² de murs et de cloisons s'offriront aux regards des visiteurs, ce qui a nécessité de recourir à 1 200 t du matériau géosourcé.

« Initialement, le maître d'ouvrage avait prescrit une terre allégée très fibrée, dont la masse volumique ne dépassait pas les 500 kg/m3 , pour sa résistance thermique », détaille Gwenaël Massot. Les concepteurs ont quant à eux proposé une terre plus lourde (1 000 kg/m3 ) qui, par son apport de masse, sert à corriger le défaut d'inertie de l'ossature bois, plutôt défavorable au confort d'été dans un bâtiment largement vitré comme celui-ci. Un bénéfice auquel vient s'ajouter la parfaite gestion de l'hygrométrie inhérente à ce matériau. Mais de tels gains ne s'obtiennent pas sans anticiper les problématiques d'une fabrication artisanale de produits dont le séchage dure six mois. Il a d'abord fallu établir le dimensionnement des moules en prévoyant le calepinage des briques dans un entraxe de 55 cm entre les montants de l'ossature bois. Une démarche qui a débouché sur des éléments de 14 x 10 x 29,5 cm pour les BTC et 10 x 10 x 36,5 cm pour l'adobe, dont la production a été assurée sur deux sites. Le premier, une briqueterie foraine, installée dans un ancien gymnase à 100 m du chantier, a permis de fabriquer une partie des 9 000 briques nécessaires au projet. L'autre partie a été réalisée dans le cadre de chantiers d'insertion menés par une briqueterie solidaire située à proximité de Rennes.

Certes importants, ces efforts n'auront pas été vains. Conformément aux objectifs fixés par le maître d'ouvrage en matière d'empreinte carbone - qui ont permis au projet d'être lauréat de l'appel à projets « Bâtiments performants » porté par l'Ademe et la région Bretagne -, l'ensemble répond au niveau 3 du label biosourcé (95 kg/m² pour l'existant et 195 kg/m² pour le neuf). L'enveloppe, quasi étanche à l'air, atteint le niveau E3C1 du label E+C-. Côté performance énergétique, les consommations de l'édifice le hissent presque au niveau des exigences du passif avec seulement 16,9 kWh/m². an de consommation d'énergie primaire.
Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : communauté de communes Couesnon Marches de Bretagne.
Maîtrise d'œuvre : Désirs d'espaces architectes rennais (Dear), architecte mandataire, et Céleste (Gwenaël Massot), architecte associé. BET : Forces & Appuis (structure), Ecie (fluides et thermique), Acoustibel (acoustique).
Entreprises : Maison en terre (maçonnerie terre et enduit), Darras (charpente), Stoa Bretagne (cloisons sèches et isolation).
Bureau de contrôle : Socotec.
Coût de construction : 850 000 euros HT sans la fourniture des briques.
Surface : 335 m2 S P.
Livraison : juillet 2023.