Marchés sans publicité ni mise en concurrence : l’expérience professionnelle est une circonstance aggravante

Dans le cadre de la réhabilitation, après son désamiantage, de la tour centrale du campus de Jussieu (Paris), dite « tour Zamansky », le maître d’ouvrage a eu recours à des marchés complémentaires. La Cour de discipline budgétaire et financière a récemment condamné l’ancien directeur de l’établissement public du campus à 2 000 euros d’amende pour avoir signé certains de ces marchés conclus sans publicité préalable ni mis en concurrence. Explications.

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Le 22 janvier dernier, la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), chargée de sanctionner les infractions commises par les fonctionnaires en matière de finances publiques, a condamné à 2 000 euros d’amende l’ancien directeur général de l’établissement public du campus de Jussieu (EPCJ). Celui-ci avait signé, entre 2007 et 2010, des marchés complémentaires dans le cadre de la réhabilitation de la tour centrale du campus. Rappelons qu’en 2011, la Cour des comptes avait pointé « les dérives d’une réhabilitation mal conduite » à propos de ce bâtiment. Le coût global de l’opération avait dérapé de 58,5% par rapport à l’estimation de départ (voir rapport ci-dessous).

Recours irrégulier à la procédure de marchés complémentaires

Les marchés complémentaires litigieux avait été passés sans publicité ni mise en concurrence. Ils avaient été conclus « en méconnaissance des exigences posées par les dispositions de l’article du 5° du II de l’article 35 du Code des marchés publics », selon l’arrêt de la CDBF. Ces manquements constituent, pour la juridiction financière, « une violation des règles relatives à l’exécution des dépenses de l’organisme ». L’article 35-II-5 du Code des marchés publics autorise la passation des marchés complémentaires sans publicité ni mise en concurrence, mais sous conditions (circonstances imprévues). Pour les marchés concernés (transfert d’un PC sécurité, travaux pour la reconfiguration d’un local informatique), tel n’était pas le cas. Le recours à cette procédure de marchés complémentaires était donc irrégulier. Le fait de signer ces marchés a engagé la responsabilité du directeur général de l’époque. Qui plus est, ce directeur, « de par son expérience professionnelle et les fonctions qu’il avait exercées, avait une très bonne connaissance du milieu dans lequel il évoluait en sa qualité de directeur général de l’EPCJ et de ses interlocuteurs », appuie la CDBF. Verdict sans appel : « Il a signé les marchés incriminés en connaissance du droit qui leur était applicable et des chantiers qui étaient concernés ; […] ces faits sont de nature à constituer des circonstances aggravantes ».

Variante qui n’en est pas une

En revanche, l’ancien directeur a échappé à la sanction dans le cadre d’une autre irrégularité liée à un marché de travaux pour la réhabilitation de Jussieu, car non poursuivi pour celle-ci. Dans le cadre de l’appel d’offres restreint pour un marché avec une tranche ferme d’un montant de 74,3 millions d’euros HT, le rapport de présentation à la commission d’appel d’offres (CAO) s’est révélé être incomplet. Un candidat au marché avait présenté une offre qui différait des préconisations de la maîtrise d’œuvre. La solution technique proposée par ce candidat était toutefois assortie d’une condition : le maître d’ouvrage devait lui transmettre des plans de ferraillage et de structure. Le marché a été attribué à ce candidat, sans même cette transmission. Lors de la consultation, l’entreprise s’était engagée à revenir à la méthodologie choisie par la maîtrise d’œuvre si les plans ne lui étaient pas fournis. Mais cet « engagement » ne figurait pas dans l’offre déposée puisqu’il avait été obtenu après la remise des offres, suite à une question du maître d’ouvrage. Le rapport de présentation à la CAO qualifiait la proposition de l’entreprise de « variante », au sens de l’article 50 du Code des marchés publics. Mais la réglementation applicable alors aux faits obligeait à remettre une variante avec l’offre de base [le décret n° 2011-1000 du 25 août 2011 a supprimé, au III de l’article 50, la phrase : « Les variantes sont proposées avec l’offre de base », NDLR].

Dans l’affaire de Jussieu, l’offre de l’entreprise présentait donc « les caractéristiques d’une offre irrégulière », explique l’arrêt de la CDBF, puisque sans offre de base. Mais ces aspects n’ont pas été portés à la connaissance de la CAO dans le rapport de présentation…

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