QUESTIONS
1 Alice Chuipreau assure à Claire Chêtout, ancienne adjointe, que Ferfeux de Touboix a choisi la forme du concours pour évincer son époux de la compétition et attribuer ce marché de 350 000 euros TTC à l'un de ses cousins. Claire Chêtout pense plutôt que la procédure du concours est imposée. A-t-elle raison ?
2 Alice Chuipreau ajoute que le cousin Ferfeux de Touboix, dont l'entreprise subit un lourd redressement fiscal, va mentir pour faire retenir sa candidature. Claire Chêtout objecte que le jugement des candidatures se fonde sur des éléments objectifs tels que les certificats fiscaux et sociaux. Le cousin peut-il tricher ?
3 Alice Chuipreau confie à sa voisine qu'elle sait que son mari ne remportera pas ce marché « truqué » mais qu'elle encourage cependant ce dernier à participer au concours car l'avis préciserait qu'une prime de 50 000 euros est donnée à chaque candidat non retenu. Est-ce possible ?
4 Claire Chêtout, souhaitant mettre fin à la conversation afin d'écouter le discours de Ferfeux de Touboix, affirme qu'aucune offre ne pourra être privilégiée par rapport aux autres ; selon elle, en effet, les offres sont toujours anonymes en cas de concours. Est-ce vrai ?
5 Alice Chuipreau conclut : « Comment expliquez-vous que mon mari a remporté cet automne un marché de maîtrise d'oeuvre de 600 000 euros pour la réhabilitation d'un grand théâtre dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres et non d'un concours ? » Claire Chêtout est interloquée : a-t-elle pu se tromper ?
REPONSES
1 Concours.
Oui.
Claire Chêtout a raison : le pauvre Ferfeux de Touboix n'a pas bénéficié d'un choix de procédure, le concours s'est imposé à lui. L'article 74-II 3° du nouveau Code des marchés publics, dispose qu' « au-delà de 200 000 euros HT, la procédure du concours est obligatoire ». En l'espèce, le marché de maîtrise d'oeuvre relatif au musée s'élève à 350 000 euros TTC, soit 281 400 euros HT ; il est donc effectivement soumis au concours.
Précisons par ailleurs qu'aux termes de cet article, le concours doit être restreint. M. Chuipreau ne pourra par conséquent participer à la compétition que si sa candidature est présélectionnée par le jury (articles 25, 45 et 46 du nouveau Code des marchés publics).
2 Certificats fiscaux et sociaux.
Non.
L'une des innovations du nouveau Code des marchés publics consiste à faciliter la constitution des dossiers de candidature par la diminution des formalités. L'article 46 du nouveau code contribue à l'allégement des contraintes en permettant au candidat de « justifier qu'il a satisfait aux obligations fiscales et sociales [par] une déclaration sur l'honneur dûment datée et signée ». Il sera par conséquent possible au cousin d'attester sur l'honneur qu'il a satisfait à ses obligations.
La nouvelle procédure concernant la justification des obligations fiscales et sociales ne se limite toutefois pas à une déclaration sur l'honneur. Aux termes de l'article 46, en effet, le candidat retenu ne peut obtenir l'attribution définitive qu'après avoir fourni « les certificats délivrés par les administrations et organismes compétents ». Le menteur, si menteur il y a, sera donc démasqué.
3 Prime.
Non.
L'article 74-3 du nouveau Code des marchés publics dispose que « les candidats ayant remis des études bénéficient d'une prime ».
Mais Alice Chuipreau a probablement mal compris : les 50 000 euros indiqués dans l'avis d'appel public à la concurrence correspondent au montant global de la prime à diviser entre les candidats non retenus et non au montant attribué à chacun d'eux. L'article 74-3 précise en effet que « le montant de la prime attribuée à chaque candidat est égal au prix estimé des études à effectuer (...) affecté d'un abattement au plus égal à 20 % ». Le montant des études à réaliser par chaque candidat pour concourir à un marché de maîtrise d'oeuvre estimé à 350 000 euros TTC ne peut atteindre 50 000 euros !
4 Anonymat.
Non.
Claire Chêtout, pressée de se défaire de la lourde compagnie d'Alice Chuipreau va vite en besogne. La règle de l'anonymat ne s'impose pas à tous les concours. L'article 71-3 du nouveau Code des marchés publics dispose, en effet, que l'examen des offres est anonyme « si le montant total des primes est égal ou supérieur (...) à 200 000 euros HT pour les collectivités territoriales ou si le concours est organisé en vue de la passation ultérieure d'un marché de service [de 200 000 euros minimum] avec le lauréat ». Dans les autres cas, l'anonymat n'est donc pas de mise.
En l'espèce, le montant des primes est égal à 50 000 euros, la première condition n'est donc par remplie. En revanche, la seconde hypothèse correspond au cas présent : le concours vise l'attribution d'un marché de maîtrise d'oeuvre de 350 000 euros TTC, soit plus de 200 000 euros HT.
L'anonymat sera donc respecté en l'espèce.
5 Maîtrise d'oeuvre.
Non.
Claire Chêtout n'est sûrement pas infaillible. Elle a toutefois répondu avec discernement aux interrogations de sa voisine en ce qui concerne le choix de la procédure du concours pour le musée du bois. Le principe est en effet que tous les marchés de maîtrise d'oeuvre de plus de 200 000 euros HT pour les collectivités territoriales sont passés sous forme de concours.
L'exemple qu'Alice Chuipreau lui a soumis constitue une exception à ce principe. L'article 74-3 du nouveau Code des marchés publics énumère quatre hypothèses dans lesquelles le concours ne s'impose pas, dont le cas des marchés de maîtrise d'oeuvre relatifs « à la réutilisation ou à la réhabilitation d'ouvrages existants ». Le cas cité par Alice Chuipreau entre dans cette catégorie.
A LIRE
- Décret du 7 mars 2001 portant
réforme du Code des marchés publics, « Le Moniteur », 9 mars 2001, cahier détaché no 3.
- «Les facettes du nouveau Code des marchés publics», « Le Moniteur », 16 mars 2001.
- «Les marchés sans formalisme», 23 mars 2001, p. 93-94 ;
- «La mise en concurrence simplifiée», 6 avril 2001, p. 87-88 ;
- «Les marchés publics sociaux», 20 avril 2001, p. 83-84 ;
- «Les critères de sélection», 4 mai 2001, p. 83-84 ;
- «Le critère de présentation», 18 mai 2001, p. 85-86 ;
- «La commission d'appel d'offres», 1er juin 2001, p. 105-106 ;
- «La régularité des candidatures», 15 juin 2001, p. 79.
- «Maîtriser le nouveau droit de la com- mande publique», 1re partie, 22 juin 2001.
- «Maîtriser le nouveau droit de la commande publique», 2e partie, 29 juin 2001.