Marchés publics : réfaction du prix ou réfection des ouvrages, il faut choisir !

Le maître d’ouvrage confronté à des malfaçons minimes peut proposer à l’entreprise une réduction du prix. Il renonce alors, en contrepartie, à émettre des réserves à la réception et donc à demander la reprise des désordres. Mais il reste libre de faire ou non une telle proposition à l’entreprise : c’est ce qu’énonce le Conseil d’Etat dans un arrêt du 15 novembre 2012.

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Décision du Conseil d'Etat

D’une lecture ardue, la décision que viennent de rendre les Sages du Palais-Royal a au moins un mérite : elle rappelle chaque intervenant à son juste rôle lors des opérations de réception d’un marché public soumis au CCAG travaux (cahier des clauses administratives générales). Le problème soulevé dans l’affaire tranchée était celui d’imperfections minimes relevées par le maître d’ouvrage.

Le CCAG, en son article 41.7 (*), offre au maître d’ouvrage une alternative en pareil cas :

«Si certains ouvrages ou certaines parties d’ouvrages ne sont pas entièrement conformes aux spécifications du marché, sans que les imperfections constatées soient de nature à porter atteinte à la sécurité, au comportement ou à l’utilisation des ouvrages, la personne responsable du marché peut, eu égard à la faible importance des imperfections et aux difficultés que présenterait la mise en conformité, renoncer à ordonner la réfection des ouvrages estimés défectueux et proposer à l’entrepreneur une réfaction sur les prix.

Si l’entrepreneur accepte la réfaction, les imperfections qui l’ont motivée se trouvent couvertes de ce fait et la réception est prononcée sans réserve.

Dans le cas contraire, l’entrepreneur demeure tenu de réparer ces imperfections, la réception étant prononcée sous réserve de leur réparation ».

C’est cette disposition qu’a eu à interpréter le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 15 novembre. En l’espèce, une entreprise s’était vu attribuer le lot « revêtements de pierre » du marché conclu par une commune pour l’édification d’un auditorium. A l’issue des travaux, la commune notifie à l’entreprise un décompte général comportant l’application de pénalités en raison du retard de l’entreprise dans la réalisation des travaux de levée des réserves. L’entreprise conteste, et saisit le tribunal pour obtenir l’indemnisation du préjudice qu’elle a subi en raison de l’absence de conformité d’une partie de l’ouvrage et de l’allongement de la durée du chantier. S’ensuit un long affrontement devant les juges - qui aboutit, après un premier arrêt du Conseil d’Etat, à un second pourvoi contre la décision rendue par la cour administrative d’appel de renvoi. La raison de cette bataille acharnée ? Savoir notamment si, oui ou non, les maîtres d’œuvre devaient garantir le maître d’ouvrage des sommes qu’il a été condamné à verser à l’entreprise au titre des pénalités de retard indûment appliquées.

Le Conseil d’Etat se fonde sur les dispositions du CCAG travaux citées plus haut. Il énonce que le maître d’ouvrage, en cas d’imperfections minimes, est libre de proposer une réduction du prix et donc de dispenser l’entreprise d’effectuer les travaux destinés à réparer ces imperfections ; ou d’assortir la réception des travaux de réserves, ce qui fait obstacle à l’application d’une réfaction sur les prix.

Il en déduit qu’en l’absence de proposition du maître d’ouvrage visant à réduire le prix du marché, les maîtres d’œuvre auraient dû donner à l’entreprise l’ordre de service de procéder à la reprise des malfaçons relevées dans la réception avec réserves des travaux.

La commune est donc fondée à demander l’annulation de l’arrêt d’appel attaqué, en ce qu’il a écarté ses conclusions tendant à la condamnation des maîtres d’oeuvre en garantie.

Le Conseil d’Etat, puisqu’il est ici saisi pour la seconde fois, reprend l’affaire au fond afin de la clore définitivement. Et dans ce cadre, il ne suit finalement pas la commune dans son argumentation.

La haute juridiction commence par rappeler que la somme de 132 000 euros, correspondant aux pénalités initialement appliquées par la commune à l’entreprise, avait été réintégrée dans le solde du marché dû à cette société par les juges d’appel. Ce retard, selon ces juges, « avait eu pour seule cause l’absence de notification à l’entreprise par les maîtres d’œuvre de l’ordre de service d’effectuer les travaux destinés à remédier aux malfaçons constatées par le maître de l’ouvrage lors de la réception des travaux prononcée avec réserves ».

Mais pour le Conseil d’Etat, cela n’est pas suffisant pour faire peser la charge finale de cette somme sur les maîtres d’œuvre. Il énonce que : « Si les maîtres d’œuvre ont manqué à leurs obligations contractuelles en ne notifiant pas cet ordre de service, rien ne permet de présumer que l’entreprise, bien que régulièrement avertie par un ordre de service notifié par les maîtres d’œuvre de procéder aux travaux de levée des réserves, aurait dépassé le délai fixé par ordre de service pour effectuer les travaux et aurait pu se voir régulièrement infliger des pénalités de retard par la commune. »

Pour retrouver la décision du Conseil d’Etat du 15 novembre 2012, n°349107, cliquez ici.

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