Jurisprudence

Marchés publics : quelle marge de manœuvre pour conclure, entre personnes publiques, des conventions de gré à gré ?

La jurisprudence européenne récente le montre, les entités publiques n’ont pas les coudées franches pour se confier entre elles toutes missions sans publicité ni mise en concurrence.

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Contrat
Marchés publics

Par deux décisions rendues les 13 et 20 juin 2013, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est venue préciser, à un double titre, les conditions dans lesquelles deux entités publiques pouvaient régulièrement conclure des marchés négociés en dehors de toute procédure de publicité et mise en concurrence.

L’exclusion du champ d’application du droit de l’UE de certains contrats instaurant une coopération entre entités publiques

En premier lieu, la CJUE rappelle que deux types de marchés sont, par nature, exclus du champ d’application du droit de l’Union en matière de marchés publics, les premiers afférents à la théorie dite du « in house », les seconds relatifs aux contrats instaurant une coopération entre des entités publiques ayant pour objet d’assurer la mise en œuvre d’une mission de service public commune à celles-ci. S’agissant de ces derniers, la CJUE précise que cette exonération ne saurait s’appliquer qu’à condition que « ces contrats soient conclus exclusivement par des entités publiques, sans la participation d’une partie privée, qu’aucun prestataire privé ne soit placé dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents et que la coopération qu’ils instaurent soit uniquement régie par des considérations et des exigences propres à la poursuite d’objectifs d’intérêt public ».

Le champ d’application de cette dérogation est ainsi particulièrement encadré, comme le confirme les deux affaires en cause.

Dans l’arrêt du 20 juin, la CJUE laisse entendre que la convention conclue suite à un séisme survenu en Italie, par laquelle des établissements universitaires assistaient la commune concernée dans la mise en œuvre d’un plan de reconstruction, pouvait ne pas répondre aux conditions de la dérogation dès lors que les contrats en cause comportaient « un ensemble d’aspects matériels dont une partie importante, voire prépondérante, correspond à des activités généralement effectuées par des ingénieurs ou des architectes et qui, bien qu’elles soient basées sur un fondement scientifique, ne s’apparentent cependant pas à la recherche scientifique ». Par conséquent, la mission de service public qui fait l’objet de la coopération instaurée par lesdits contrats ne paraît pas assurer la mise en œuvre d’une mission de service public commune, la CJUE laissant toutefois la juridiction de renvoi trancher définitivement ce point.

Dans l’affaire jugée le 13 juin, de manière plus nette, la juridiction relève que ne peut relever de la mise en œuvre d’une mission de service public commune le contrat par lequel, sans instaurer une coopération entre les entités publiques contractantes, une entité publique confie à une autre entité publique la mission de nettoyer certains bâtiments à usage de bureaux, de locaux administratifs et d’établissements scolaires, tout en se réservant le pouvoir de contrôler la bonne exécution de cette mission, moyennant une compensation financière censée correspondre aux coûts engendrés par la réalisation de ladite mission (la seconde entité étant en outre autorisée à recourir à des tiers ayant éventuellement la capacité d’agir sur le marché pour l’accomplissement de cette mission).

Seules certaines circonstances extraordinaires et imprévisibles peuvent justifier l’attribution directe d’un marché

En second lieu, la CJUE, dans sa décision du 20 juin, devait également se prononcer, au-delà de la dérogation liée à la nature de la coopération existante, sur le point de savoir si les circonstances de fait liées au tremblement de terre pouvaient justifier la conclusion d’un marché négocié sans publicité ni mise en concurrence.

Et, là encore, la position de la Cour demeure rigoureuse. Elle rappelle qu’une telle dispense de procédure est soumise à trois conditions cumulatives : l’existence d’un événement imprévisible, d’une urgence impérieuse incompatible avec les délais exigés par d’autres procédures et d’un lien de causalité entre l’événement imprévisible et l’urgence impérieuse. La Cour précise également que le fait qu’un tel contrat intervienne dans une situation extraordinaire ne saurait, en lui-même, justifier la réunion des conditions précitées.

Sur ce point également, la CJUE a toutefois renvoyé à la juridiction nationale le contrôle de l’existence de ces dernières.

Pour consulter la décision CJUE, 13 juin 2013, n° C-386/11, cliquez ici.

Pour consulter la décision CJUE, 20 juin 2013, n° 352/12, cliquez ici.

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