Marchés publics : quand une erreur de fax torpille le recours du candidat évincé

Un référé précontractuel doit être notifié au pouvoir adjudicateur conformément aux instructions figurant sur la lettre de rejet. Faute de quoi, ce dernier pourra signer le marché sans attendre, et la voie du référé contractuel sera fermée pour le malheureux candidat…

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Un référé précontractuel doit être notifié au pouvoir adjudicateur conformément aux instructions figurant sur la lettre de rejet.

Si les référés précontractuel et contractuel servent tous les deux à contester la procédure de passation d’un marché public, ils n’en demeurent pas moins incompatibles. Aussi, par principe, la notification du premier empêche l’exercice de l’autre.

Et pour savoir si la voie du référé contractuel est ouverte à un requérant évincé qui aurait déjà formé un référé précontractuel, le juge des référés doit vérifier si ce dernier a été notifié par le concurrent à l’acheteur public ou a été communiqué par le tribunal avant la signature du contrat. A défaut, le recours contractuel est impossible. Le tribunal administratif de Bastia vient d’en apporter une nouvelle illustration.

Dans cette affaire, une entreprise candidate à un marché public a reçu une lettre l’informant de son éviction d’une procédure de passation. Cette lettre précisait également le numéro du fax à contacter. L’entreprise évincée, souhaitant contester la procédure, a saisi le tribunal administratif d’un recours en référé précontractuel. Dans le même temps, elle a notifié ce recours à la personne publique, mais pas sur le numéro du fax indiqué dans la lettre de rejet. N’étant donc pas au courant de ce recours contre elle, la personne publique a signé le contrat, avant même qu’une décision ait été prise par le tribunal.  Le référé précontractuel perdant alors son objet, l’entreprise a formé un référé contractuel.

Le tribunal administratif rappelle tout d’abord que la notification de la procédure de référé précontractuel, qui impose au pouvoir adjudicateur de suspendre la signature du marché, est faite soit par le représentant de l’Etat ou par l’auteur du recours (article R.551-1 du Code de justice administrative), soit par la communication de ce recours par le greffe du tribunal administratif.

La juridiction précise par ailleurs que, « s’agissant d’un recours envoyé au service compétent du pouvoir adjudicateur par des moyens de communication permettant d’assurer la transmission d’un document en temps réel, le délai de suspension court à compter, non de la prise de connaissance effective du recours par le pouvoir adjudicateur, mais de la réception de la notification qui lui a été faite ».

Or, dans cette affaire, la notification a bien été transmise par le requérant au pouvoir adjudicateur, mais pas au service compétent et au numéro de fax indiqué dans la lettre de rejet ; en outre, l’instruction a révélé que la notification par le greffe du tribunal administratif a été réceptionnée informatiquement un peu plus d’une heure suivant la signature du contrat.

Le tribunal arrive donc à la conclusion que « faute d’avoir notifié son référé précontractuel au service compétent, l’entreprise s’est fermée la voie du référé contractuel ».

La solution dégagée par le tribunal administratif de Bastia est conforme à la jurisprudence du Conseil d’Etat en la matière. En effet, par un arrêt du 30 septembre 2011, il indiquait, « qu'en vertu de l'article L. 551-14 du Code de justice administrative, le recours contractuel demeure ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel dès lors que le pouvoir adjudicateur n'a pas respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou ne s'est pas conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours ; qu'il en va toutefois différemment lorsque le recours contractuel, présenté par un demandeur qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel, est dirigé contre un marché signé durant la suspension prévue à l'article L. 551-4 alors que le pouvoir adjudicateur était dans l'ignorance du référé précontractuel en raison de la méconnaissance, par le demandeur, de ses obligations de notification prévues à l'article R. 551-1. » (CE, 30 septembre 2011, n°350148)

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