Une décision du Conseil d’Etat du 23 décembre 2011 clarifie un point débattu concernant l'exercice du référé précontractuel, en privant expressément l'attributaire de l'accès à ce recours.
Conformément à l’article L.551-10 du Code de justice administrative, les personnes recevables à agir par la voie du référé précontractuel sont celles qui ont un intérêt à conclure le marché et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement du pouvoir adjudicateur à l’une de ses obligations de publicité ou de mise en concurrence. En pratique, il s’agit des concurrents évincés de la procédure de passation du marché.
Le préfet est également recevable à agir pour les marchés publics passés par les collectivités territoriales ou les établissements publics locaux exécutés dans le ressort de sa circonscription administrative. Par ailleurs, le Conseil d’Etat avait énoncé en 2007, dans une décision restée isolée, que l’entreprise attributaire d’un marché était également recevable à agir en référé précontractuel, au motif qu’une entreprise a toujours intérêt à conclure un marché selon une procédure régulière (CE, 19 septembre 2007, Communauté d’agglomération de St Etienne Métropole, n°296192 - cliquez ici).
L’attributaire n’est pas susceptible d’être lésé
Dans le litige tranché le 23 décembre 2011, le Conseil d’Etat fait évoluer sa position. L’affaire concernait une procédure de marché alloti de prestations de transport scolaire non urbain lancée par le département de la Guadeloupe. La société C.G.T.S. a déposé une offre pour l’ensemble des 153 lots et a été attributaire pour seulement 9 d’entre eux. Elle a alors formé un recours en référé précontractuel afin de faire annuler la procédure de passation des 153 lots, et a obtenu gain de cause.
Le Conseil d’Etat a été saisi par le département de la Guadeloupe d’un pourvoi contre l’ordonnance de référé en tant qu’elle annule la procédure de passation des 9 lots attribués à C.G.T.S. Dans un considérant de principe sans ambiguïté, il énonce que « l’entreprise déclarée attributaire d’un contrat à l’issue de la procédure de passation n’est pas susceptible d’être lésée par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumis le contrat ». Elle n'a donc pas intérêt à agir à l’encontre de cette procédure de passation et n’est pas habilité à en demander l’annulation sur le fondement de l’article L.551-1 du Code de justice administrative relatif au référé précontractuel.
Seule et maigre parade à disposition de l'entreprise attributaire : elle « peut, le cas échéant, si la procédure de passation est entachée d’une irrégularité susceptible de conduire à l’annulation du contrat, retirer son offre avant la conclusion du contrat », précisent les Sages du Palais royal.
Erreur de droit du juge des référés
Dans le cas d’espèce, la société C.G.T.S., attributaire de 9 lots, n’est pas susceptible d’être lésée par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence pour la passation des contrats correspondant à ces lots. Le Conseil d’Etat estime donc que le juge des référés a commis une erreur de droit en annulant la procédure de passation des contrats relatifs aux 9 lots attribués à la société C.G.T.S. L’ordonnance du juge des référés est annulée sur ce point.
Pour consulter la décision du Conseil d’Etat n° 350231 du 23 décembre 2011, cliquez ici